CMAQ : MOBILISATION CONTRE LE G-8 - mardi 05 Mars 2002 -
20:58
La Presse : ATTAC-Québec s'attaque aux paradis fiscaux -
Le jeudi 28 mars 2002
Le constat de progrès multiples
Le Soleil – ZLÉA : un an après – 13 au 17 avril 2002
Accès aux
marchés nationaux : La ZLEA, ça redémarre - Le samedi 13 avril 2002
Cafouillage au
centre de détention : la SQ accepte le blâme : Le dimanche 14 avril 2002
Aucun bilan
collectif - Le dimanche 14 avril 2002
Des milliers
de manifestants pour cobaye - Le dimanche 14 avril 2002
Affecté à la
sécurité, il a été mis en prison ! - Le samedi 13 avril 2002
57 % des
demandes d'indemnisation rejetées jusqu'à maintenant - Le samedi 13 avril 2002
Un épicier au
bout du rouleau - Le samedi 13 avril 2002
Toxicité à
revoir - Le samedi 13 avril 2002
Précisions sur
la toxicité des gaz lacrymogènes - Le jeudi 25 avril 2002
Le sherpa
Lortie a vécu l'histoire - Le lundi 15 avril 2002
Grains de
sable américains - Le lundi 15 avril 2002
Le train fonce
en silence - Le lundi 15 avril 2002
Des barrières
commerciales vont tomber - Le lundi 15 avril 2002
L'empire
contre-attaque - Le mardi 16 avril 2002
Un électrochoc
pour les militants de Québec - Le mardi 16 avril 2002
BILAN DU
SOMMET DES AMÉRIQUES - Plus jamais dans le Vieux-Québec ! - Le mardi 16 avril 2002
Gaz à effet
prolongé - Le mardi 16 avril 2002
Québec a fait
ses preuves - Le mercredi 17 avril 2002
Le PQ a tissé
des liens avec les exclus - Le mercredi 17 avril 2002
Après la
claque, L'Allier attend les fleurs ! - Le mercredi 17 avril 2002
La Presse : Industrie pharmaceutique : des
profits déraisonnables - Le mercredi 17 avril 2002
La Presse : OPINION : Une étude partiale - Le
jeudi 18 avril 2002
Le Devoir : Québec a la ZLEA à l'œil - Le samedi 20 avril
2002
La Presse : LE SOMMET DE QUÉBEC, UN AN APRÈS - La
ZLEA en péril - Le dimanche 21 avril 2002
Le Soleil : Il y a un an, la marche des peuples - Le
lundi 22 avril 2002
La Presse : Le G8 sur l'emploi planche à Montréal sur
l'apprentissage à vie - Le jeudi 25 avril 2002
Le Devoir :
Manifestation antimondialisation - 26 avril 2002
La Presse :
Forum - Fox frappe un mur - Le vendredi 26 avril 2002
La Presse : Accueil houleux pour les ministres du G8 - Le
samedi 27 avril 2002
La Presse : Le SCRS
met en garde Ottawa contre la violence au Sommet du G8 - Le samedi 27 avril 2002
The
Globe and Mail: The costs of G8 pretensions - Saturday, April 27, 2002
Le Devoir : pas de
discussion possible avec le G8 – 27 avril 2002
Journal de Montréal :
Mondialisation : la police disperse des manifestants – 27 avril 2002
La Presse: Le
G8 à Montréal pour étudier les problèmes de l’emploi – 27 avril 2002
The
Gazette: Police
defend arrests of demonstrators - Saturday,
April 27, 2002
La Presse : Le G8 se
défend de se réunir à huis clos - Le dimanche 28 avril 2002
Métro :
Manif antimondialisation : 25 personnes comparaîtront – 29 avril 2002
Le Devoir :
Les organisateurs condamnent l’intervention policière de vendredi – 29 avril
2002
Journal de Montréal : Une pluie de contravention pour
la manif de vendredi – 29 avril 2002
La
Presse : Pour le droit de manifester en paix - Le mardi 30 avril 2002
Le Soleil :
ZLEA - Assurer la survie de l'industrie agricole canadienne - Le jeudi 02 mai
2002
The
Gazette: No patience for violent protest - Thursday, May 02, 2002
The
Gazette: Lessons from my first protest – 29 april 2002
La Presse :
George Bush, militant antimondialisation! - Le jeudi 16 mai 2002
National
Post: Protest fest? Not at Kananaskis - May 23, 2002
La
Presse : MANIF DU G8 : Les policiers sur la sellette - Le
vendredi 31 mai 2002
Le Soleil : Opinion : que peut-on attendre du G8,
par François Dorion, LLM – 06 juin 2002
Soumis par Sonia ,
Contre-sommet / Communiqués /upload/7817.jpg
Les 26 et 27 juin prochain à Kananaskis,
petit village dans les montagnes de l'Alberta, les 7 pays les plus
industrialisés du monde vont tenir leur rencontre annuelle. Ce rendez-vous au
sommet est considéré comme un des plus importants du genre.
Cette année, l'événement revêt un caractère
particulier : tout d'abord, depuis trois ans, on assiste à une montée sans
précédent des protestations populaires contre les sommets à caractère
économique. Cette levée de bouclier a culminé avec des manifestations monstres
et la mort d'un militant lors du sommet du G-8, tenu à Gênes en Italie, en
juillet dernier. De plus, sous prétexte d'en finir avec les terroristes, les
événements de septembre ont pavé la voie à une expansion inquiétante des
mesures répressives de tout acabit (lois quasi-fascistes, ressources décuplées
pour les forces de l'ordre, campagnes de désinformation, etc.). Enfin, les
États-Unis sont frappés par une récession économique qui touche, par
conséquent, l'ensemble du monde occidental.
Les PDGs " élus " des grands pays
capitalistes de la planète vont donc se réunir dans ce contexte avec toujours
la même et ferme intention de coordonner leurs outils d'oppression et d'étendre
leur impérialisme. Ces chefs d'État se comportent comme des vautours qui se
retrouvent en famille pour se partager un butin, au mépris de 90 % de la
population mondiale et au mépris total de l'environnement.
Pour nous, cette rencontre est un moment
privilégié pour crier haut et fort notre refus de cet ordre économique et
social qui profite à une toute petite poignée d'exploiteurs. Le fossé entre
nous et eux est de plus en plus grand, de plus en plus infranchissable, et
depuis toujours, inacceptable.
Comme ce fût le cas pour Québec en avril
2001, nous croyons qu'il faut tout mettre en oeuvre pour que ce prochain
rendez-vous des leaders mondiaux du capitalisme soit aussi l'occasion pour les
forces populaires de se faire entendre. En fait, pour nous, le prochain
rendez-vous du G-8 doit donner lieu à une réponse populaire aussi forte que
lors du Sommet de Québec.
Du côté de la CLAC (la Convergence des
luttes anti-capitalistes), nous faisons maintenant notre priorité de réagir à
ce symposium de bourreaux. Nous souhaitons participer à la plus importante
coordination possible qui ira dans le sens d'une véritable lutte. Notre plan de
match devrait être précisé lors d'une assemblée générale le 6 mars prochain.
Pour l'instant, nous travaillons à
l'organisation de deux journées d'actions anti-capitalistes et
anti-impérialistes les 26 et 27 juin. La ville d'Ottawa, capitale nationale du
pays hôte de cette prochaine rencontre du G-8, nous semble actuellement le meilleur
choix. Elle ne manque pas de symboles importants et ce lieu centralisé a
l'avantage de concentrer, dans la plus grande solidarité possible, les
militantes et militants de partout. Notre capacité de mobilisation est certes
plus grande pour Ottawa que pour l'Alberta.
De ces deux journées, une première viserait
à encourager les différentes formes d'expressions, de protestations et de
révoltes. À la deuxième, la priorité serait accordée à la tenue d'un grand
rassemblement unitaire sous une bannière anti-capitaliste et anti-impérialisme.
Cependant, pour nous, un tel événement ne peut se dérouler qu'avec une
coordination non-autoritaire des personnes et des groupes intéressés.
Nous profiterons des prochaines semaines et
des prochains mois pour faire une vaste campagne d'information et de
mobilisation sur les enjeux de cette rencontre du G-8, et par le fait même,
contre le capitalisme et l'impérialisme, le patriarcat et toutes les formes
d'oppression.
Dans cette foulée, nous organisons une
première action le 27 avril prochain alors que les ministres du travail du G-8
seront à Montréal pour préparer leur rencontre de juin.
C'est donc un appel à toutes et à tous.
Face à la misère grandissante et au mépris des gouvernants, faisons de ce
rendez-vous un moment de haute lutte et de consolidation des réseaux de
résistances.
Leurs
priorités ne sont pas les nôtres !
Un
monde meilleur est possible !
Solidairement,
Les militantes et les militants de la Convergence des
luttes anti-capitalistes (CLAC)
Montréal, janvier 2002
Pour plus d'info:
Téléphone : 514-409-2049
Courriel : clac@tao.ca
Auteur: La CLA
Description: Site
de la Convergence des Luttes
Anti-Capitalistes
Soumis par Nicole Nepton ,
Il y avait,
selon la police catalane, 250 000 manifestants, un demi million selon les
organisateurs et 300 000 selon la presse. Quels que soient les chiffres
retenus, la manifestation de Barcelone face au sommet de l'Union européenne a
été au moins aussi nombreuse que celle de Gênes, en juillet 2001 face au G-7.
Un chiffre aussi
impressionnant qu'imprévu : les organisateurs pensaient rassembler 50.000
personnes et la tenue, deux jours auparavant, d'une manifestation de la
Confédération européenne des syndicats de 100 000 personnes laissait craindre
une dispersion des énergies peu propice aux démonstrations de force.
Ce succès est d'autant plus remarquable que, comme à Gênes, la pression policière et médiatique avait été très forte : des dizaines d'arrestations préventives à Barcelone, les frontières bloquées pour les 1500 à 2000 manifestants français et belges qui voulaient se joindre à la mobilisation, une psychose anti-terroriste et anti-basque allant jusqu'à justifier la présence d'avions de guerre !
Dernier élément utile pour juger de l'importance de l'événement : à Barcelone, plus encore que dans les autres mobilisations opposées à la mondialisation libérale, la mobilisation était locale. En dehors d'un contingent d'une dizaine de millier de basques, particulièrement visibles et militants, la quasi-totalité des banderoles étaient en catalan, et les délégations du reste de l'Espagne restaient discrètes. Quant aux cortèges européens, en dehors de délégations symboliques de quelques pays, on ne dénombrait que quelques centaines de français, le reste des troupes étant bloqué au Perthus par les autorités espagnoles.
Les raisons de cette réussite méritent qu'on s'y arrête. Le sommet européen de Barcelone était certes important. La libéralisation du marché de l'énergie en était la partie la plus visible, mais il y avait aussi à l'ordre du jour l'extension de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, la flexibilité du marché du travail, la position européenne pour la conférence de l'ONU, à Monterrey, sur les finances nécessaires au développement, et des questions plus techniques comme Galileo, l'équivalent européen du GPS, le système de localisation américain par satellite. Il y avait donc de très bonnes raisons pour manifester contre une Europe qui démantèle les services publics et précarise encore le marché du travail et pour une Europe qui respecterait les droits sociaux, l'environnement et qui instaurerait des rapports différents avec les pays du sud.
Mais ce sommet n'était que le sommet intermédiaire de la présidence espagnole, et c'est en général lors du sommet final, où sont prises les décisions les plus importantes, que se concentrent les mobilisations. Sans oublier l'argument classique qui veut qu'il soit plus facile de mobiliser contre l'OMC ou le G-7, des cibles plus simples que l'Union européenne qui est tout à la fois la porte d'entrée dans la "mondialisation libérale" et un espace qui pourrait être celui d'un autre modèle social, démocratique et environnemental.
Pour comprendre cet incroyable succès, il faut le situer dans la vague actuelle de mobilisation contre la mondialisation libérale, qui est depuis Québec, Gênes et Porto Alegre, en pleine phase d'extension et de "massification". Barcelone est un des bastions de ce mouvement. Dès juin 2000, grâce aux contacts établis lors du sommet social de Genève et à la mobilisation de Prague, en septembre de la même année, le MRG "Movimiento de Resistancia Global" s'était constitué et des mobilisations très massives avaient eu lieu. A partir de là on a vu des militants barcelonais partout, à Nice, Gênes ou Bruxelles. A Barcelone même, l'annonce d'une conférence de la Banque Mondiale en juin 2001 a permis le développement d'une campagne très importante, au point que la Banque a préféré annuler sa conférence, la campagne décidant de maintenir, pour fêter l'événement, une manifestation qui a rassemblé près de 20.000 personnes.
Le sommet de l'Union européenne était, pour les militants de Barcelone, la première "vraie" raison pour pouvoir, enfin, se mobiliser massivement! La composition de la manifestation du 16 mars était significative des caractéristiques du mouvement en Catalogne : une force motrice dans la jeunesse, un brassage très large intégrant l'ensemble des mouvements sociaux, et des formes d'organisation très basistes et décentralisées.
Trois "blocs" appelaient à manifester. D'abord la "campagne contre l'Europe du capital" qui regroupait plus de 100 associations, héritière directe de la campagne contre la Banque mondiale, dont la plupart des animateurs, très jeunes, viennent du "Movimiento de Resistancia Global", ensuite les nationalistes catalans et basques et, pour finir, le "Forum social de Barcelone" qui regroupe la gauche parlementaire, liée au PSOE et à IU, et les grands syndicats, CCOO et UGT.
La manifestation avait tous les attributs des mobilisations vraiment massives. La foule était très compacte, à l'opposé des manifestations un peu institutionnelles où les porteurs de banderoles savent jouer de la distance entre les lignes pour créer l'illusion du nombre. Tous les cortèges étaient massifs, plus d'un millier avec le mouvement des femmes, trois mille avec ATTAC, des milliers en défense des palestiniens, de l'environnement ou avec les syndicats radicaux comme la CGT, l'héritière de la CNT des années 30. Mais tous les cortèges étaient mélangés, une majorité de jeunes, mais aussi des gens de tout âge et de toute provenance : on pouvait voir des badges du PSC (les catalans du PSOE)dans des cortèges autonomes...
Les rapports de force entre les trois blocs étaient clairs. Les nationalistes étaient de 5 à 10.000, un cortège coloré et vivant composé pour l'essentiel de catalans, les basques, à part quelques représentants institutionnels, ayant été attirés par le cortège des mouvements sociaux, animé par "Emen Eta Mundua", l'équivalent basque du MRG. Le Forum social de Barcelone représentait une force du même ordre mais, découragés par la longueur de l'attente, décidait de se disperser avant même l'ébranlement de la manifestation. Restait, en tête, l'écrasante majorité avec la campagne contre l'Europe du capital.
Plus encore que dans le reste de l'Europe, les générations militantes de Catalogne, et plus généralement d'Espagne, à l'exception du pays basque, ont connu une rupture très marquée dans les années 1980. L'horizon de la gauche radicale et des mouvements sociaux des années 1970 était bordé par la chute du franquisme, et l'expérience de la révolution portugaise pouvait laisser espérer une sortie de la dictature concomitante à une rupture avec le capitalisme. La transition démocratique et les accords de la Moncloa entre les syndicats et le gouvernement ont brisé cet espoir et marqué l'affaiblissement durable des équipes militantes.
Dans la deuxième moitié des années 1990, quand les mobilisations ont commencé à se développer, les nouvelles générations militantes avaient l'espace dégagé pour expérimenter de nouvelles formes d'actions et construire leurs mouvements. L'exemple des Etats-Unis a inspiré de nombreux militants et on peut suivre les effets de contagion traverser l'Atlantique en passant par Barcelone, des plus infimes à des aspects plus substantiels : signes des mains pour manifester son approbation, usage de la non-violence active, évolution très rapide des structures organisationnelles, le MRG est ainsi dans un processus de dissolution comparable a celui qu'avait connu le "Direct Action Network" après Washington, en avril 2000, etc. Ces similitudes se sont diffusées d'autant plus vite qu'elles correspondaient à une culture libertaire et "assemblear" très enracinée en Catalogne.
Mais les liens sociaux sont beaucoup plus resserrés ici qu'ils ne le sont aux Etats-Unis. Et on assiste à une situation rare où le mouvement - à la manifestation du 16 mars - est marqué par ces nouvelles formes d'action militante. Par exemple, pour éviter toute personnalisation, la première ligne est composée de militants choisis parce qu'ils sont des "anonymes" - mais est aussi capable d'intégrer toutes les composantes de la société, tous les âges et tous les secteurs sociaux.
Quelques remarques pour conclure. Tout d'abord noter l'impact que va avoir cette mobilisation dans les débats et les références. Un seul exemple : El País, le grand quotidien madrilène, titrait "La capitale catalane a connu la plus importante des manifestations en faveur d'une autre mondialisation". Le qualificatif "anti-mondialisation" n'est plus le seul à être employé par la grande presse!
Ensuite le caractère secondaire de la violence à Barcelone. Il y a bien eu quelques incidents, quelques poubelles brûlées, quelques jets de pierre, mais rien d'important, pas plus dans la réalité que dans les commentaires des médias, la nervosité policière étant jugée - à juste titre - comme la cause première de ces incidents mineurs. Là aussi, après la montée des violences à Göteborg et Gênes, Barcelone est, dans la lignée de Bruxelles, le signe d'une plus grande maturité du mouvement.
La question de la libre circulation en Europe est par contre un problème majeur. Il n'est pas possible de laisser se développer un état de fait où il serait considéré comme normal que les gouvernements interdisent, en Europe, la circulation des citoyens et la participation aux manifestations. Les protestations des mouvements, et en particulier d'ATTAC, à ces atteintes aux libertés publiques, ont eu un certain impact, mais il faudra amplifier ces campagnes.
Pour finir, il faudra prendre en compte l'impact de l'événement dans les réseaux militants. Il devrait être très important dans l'état espagnol, la mobilisation de Séville, en juin, pour le sommet européen, permettra de le vérifier. Plus largement, une des questions clés, là-bas comme pour le reste de l'Europe, résidera dans la capacité du mouvement à se doter de structures minimales. Sans revenir sur l'acquis que représentent les formes décentralisées et démocratiques des mobilisations, la faiblesse de leurs structurations rend difficile la transmission des expériences et la mise en synergie des mouvements catalans et espagnols avec leurs correspondants européens et mondiaux.
Il y a là un enjeu majeur qui sera au coeur du Forum social européen de novembre prochain. Comment développer les mouvements à l'échelle mondiale, sur les grands objectifs, ceux mis en avant à Porto Alegre, mais aussi les enraciner au niveau local, national et continental et, pour cela, leur permettre d'élaborer des corps de revendications et des stratégies d'action efficaces ?
Paris, le 17 mars 2002
Par Christophe Aguiton
Responsable du secteur international d'Attac
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Photothèque, La Presse |
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Grâce aux cartes de crédit offshore, quelque 70
milliards US échapperaient chaque année au fisc américain. |
Charles Côté
L'organisme ATTAC-Québec, reconnu pour son combat pour l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, va maintenant donner la priorité à la lutte contre les paradis fiscaux.
«L'idée de la taxe a fait son chemin, il y a maintenant de nombreux autres organismes qui en font la promotion», a indiqué à La Presse Robert Jasmin, président d'ATTAC-Québec
«Notre priorité devient les paradis fiscaux, dit-il. De toute façon, les deux dossiers sont liés.»
M. Jasmin était outré à la lecture de l'article publié par La Presse hier, au sujet des pratiques d'une filiale de la Banque Royale installée dans l'île Guernesey, un paradis fiscal.
La Banque Royale était citée par un enquêteur du fisc américain comme un exemple des institutions qui facilitent et encouragent la fraude fiscale grâce à des cartes de crédit offshore, un phénomène qui coûterait 70 milliards US par année aux États-Unis.
«Toute la publicité de ces institutions en général et de la Banque Royale en particulier, qui dit que ces gens sont intégrés dans la société, c'est de la foutaise, dit M. Jasmin. Ils se fichent de la société.
«C'est de l'hypocrisie et du mensonge, poursuit-il. Ce n'est pas vrai que ce sont de bons citoyens corporatifs, sinon ils ne seraient pas complices de ceux qui volent. Même si ce vol est légalisé, ca n'enlève rien à son immoralité.»
M. Jasmin compte réunir au cours des prochains mois un conseil scientifique, sur le modèle de celui d'ATTAC-France, composé d'universitaires et de hauts fonctionnaires à la retraite.
Ce conseil aura pour mandat de colliger des informations permettant aux citoyens de faire des pressions politiques au sujet des paradis fiscaux.
Ces juridictions sont déjà sous la loupe de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), qui en a dressé une liste noire, mais leurs promesses de réforme sont bien timides, selon des experts américains.
Le combat contre les paradis fiscaux profitera aussi aux pays pauvres, dit M. Jasmin. «Si les paradis fiscaux nous enlèvent à nous un certain revenu social, c'est encore pire pour les pays pauvres parce que là, les élites corrompues les utilisent. Et là, des vies sont en danger.»
Un phénomène présent au Canada
Un fiscaliste a indiqué hier à La Presse que le phénomène des cartes de crédit offshore était présent au Canada. Lui-même dit ne pas en offrir, sa clientèle ne correspondant pas au profil recherché. «C'est pour les riches et les puissants», dit ce fiscaliste, qui a exigé l'anonymat.
«Les cartes de crédit qu'émettent les banques d'ici sont répertoriées dans leurs dossiers et sont susceptibles d'être inspectées par le fisc.
«Les banques qui ouvrent des succursales dans les paradis fiscaux réussissent à échapper à cette menace. Ces comptes protégés par le secret bancaire permettent de masquer efficacement des revenus.
«Par exemple, le fisc peut déduire l'avoir net à partir du train de vie, tel qu'en témoignent les relevés bancaires ou de cartes de crédit. Le ministère (du Revenu) a le droit d'exiger ces relevés bancaires. Mais quand la personne utilise la carte bancaire émise par une succursale offshore, le ministère n'y a aucune prise.»
Ces explications sont corroborées par la déclaration sous serment déposé cette semaine à San Francisco par Jack Blum, un expert mondial du blanchiment d'argent et des paradis fiscaux. La déclaration a été déposé à l'appui d'une demande de l'Internal Revenue Service (IRS), le fisc américain, qui demande à Visa International de lui remettre la liste de tous les détenteurs de cartes Visa émises à des contribuables américains par des banques installées dans 33 paradis fiscaux.
«Pendant des années, un facteur a limité la croissance de l'usage des paradis fiscaux, affirme M. Blum. Une personne qui avait de l'argent caché offshore avait beaucoup de difficulté à y avoir accès de chez lui. De plus, chaque fois qu'il y avait accès, il laissait un trace documentaire sous la forme de chèques, de téléphones et de télex. L'usage répandu de cartes de crédits a permis aux banques offshore d'offrir l'accès facile et instantané aux comptes dans les paradis fiscaux, sans traces et à peu de frais.»
Noam Chomsky, à 74 ans, est très actif. Et plutôt optimiste. En février, au grand Forum social mondial de Porto Alegre au Brésil, où il était l'un des intervenants principaux, il a eu le sentiment de voir naître «ce type d'internationale dont a rêvé la gauche depuis ses origines». Le même mois, le célèbre linguiste du Massachusetts Institute of Technology se rendait en Turquie pour témoigner au procès de son éditeur Fatih Tas, qu'on accusait de «propagande séparatiste».
Tas fut acquitté. Dès son retour, en mars, Chomsky enfila une série de conférences sur la côte Ouest américaine. Triomphal: «Je n'ai pas parlé à des auditoires de moins de 3000 personnes. Et c'est la même chose partout au pays. Les gens se montrent de plus en plus intéressés et engagés dans un éventail très large d'idées.»
Celui qu'on a appelé «le gourou de l'antimondialisation» ou de «l'ultra-gauche» se sent donc porté comme jamais par une vague. «La gauche américaine ne m'a jamais semblé plus en vie qu'au cours des derniers mois», affirme-t-il. Plus forte qu'à l'époque des années 60? De façon surprenante, Chomsky répond par l'affirmative: «À l'époque, l'activisme touchait une portion assez étroite de la population, principalement les étudiants à l'université. Aujourd'hui, c'est plus répandu dans la population, c'est plus profond. Le questionnement touche davantage aux structures fondamentales de l'organisation de la société.»
Mais la «guerre contre le terrorisme» de Bush, les attaques contre l'Afghanistan n'ont-elles pas soulevé beaucoup moins d'opposition que l'engagement américain au Vietnam? «Au contraire, c'est plus fort aujourd'hui, prétend Chomsky. Les contestataires sont partout», déclare-t-il, se disant impressionné par les auditoires qu'il rencontre.
À l'autre bout du fil, Chomsky, généreux, mais concis, parle et répond vite, sans détour ni hésitation. Aucune question ne le surprend. Les réponses, livrées sur un ton monocorde, semblent déjà prêtes. Empreintes d'une sorte de certitude. Il semble tout connaître et a plus d'une donnée dans son sac. Reste que le terme «gourou», il n'aime pas tellement - il fallait s'y attendre de la part d'un anarchiste. Ceux qui le nomment ainsi «ne comprennent rien à la dynamique des mouvements sociaux, dit-il. On ne peut pas dire que Martin Luther King fut un leader. Il se disait disciple».
Peut-être. Mais le gourou n'est pas nécessairement celui qui dirige, il «inspire» plutôt, n'est-ce pas? «Moi, ce sont les gens qui militent dans les organisations qui m'inspirent», rétorque-t-il. Des gens dont il ne cesse de louer le courage, la ténacité. Comme ces milliers d'activistes, en Turquie, qui ont assisté à ses conférences même si le risque était grand.
Peut-être pas un gourou, Chomsky. Mais assurément célèbre. Son recueil d'entretiens sur le 11 septembre (11/9, Serpent à Plume), où il dénonce notamment la notion de «guerre au terrorisme», est paru simultanément en France, aux États-Unis, au Japon, en Australie, au Portugal, à Taïwan, en Italie, en Suède, en Grèce, au Brésil, aux Pays-Bas et en Allemagne. «Ce n'est pas tellement que je sois populaire. C'est simplement qu'il y a un grand nombre de personnes qui sont passionnées et engagées dans certains enjeux sur lesquels je m'exprime et dans lesquels je suis moi-même engagé.»
Ce souffle contestataire mondial ne date pas d'hier, insiste-t-il. «Nous n'assistons pas à une renaissance du politique, celui-ci n'étant jamais mort.» Tout a semblé «éclater à Seattle et à Prague», mais en fait, le mouvement a commencé il y a 25 ans dans l'hémisphère Sud, en des endroits comme le Brésil qui intéressent peu les pays riches du Nord. Le mouvement vient de s'étendre au nord.
S'il continue à progresser, «il pourrait arriver à modifier de façon importante la façon dont les sociétés nationales et internationales sont organisées. Il pourrait faire en sorte que la mondialisation bénéficie aux peuples et non aux investisseurs. Il pourrait démanteler les systèmes tyranniques de contrôle économique organisé dans chaque société par le monde des affaires.»
Est-il favorable à la taxe dite Tobin sur la spéculation internationale? Selon lui, une mesure, qu'elle soit inspirée de celle proposée par Tobin ou d'une autre, s'impose, et vite, puisque «cette spéculation à court terme est très dommageable pour l'économie».
L'optimisme de Chomsky ne s'apparente donc pas à celui que Raymond Aron taxait de «catastrophiste», cette politique du pire qui se délecte à constater l'aggravation de la situation, ayant la certitude que cela précipitera l'avènement d'un monde meilleur. (C'est un peu là l'esprit du Monde diplomatique, toujours extrêmement noir dans ses constats.)
Mais chez Chomsky, s'il y a une critique souvent radicale, on retrouve aussi le constat de progrès multiples. Dans Deux heures de lucidité (Les Arènes), un recueil d'entretiens paru récemment, il affirme: «Au cours des 100 dernières années, il y a eu un progrès, certes très lent, mais régulier, des droits de l'homme. Les puissants s'y opposent de toutes leurs forces, mais ils ne peuvent pas totalement l'arrêter. Et le combat continue.» En entretien, il ajoute que, dans les années 60, des germes de progrès social et politique ont été semés dans les sociétés occidentales.
Dans les décennies qui ont suivi, «les mouvements populaires de masse ont remporté des batailles très importantes», dit-il en citant l'exemple du mouvement féministe. Au cours des vingt dernières années toutefois, «il y a eu des tentatives, qui ont partiellement réussi, de retourner en arrière, de régresser. Mais cela n'a pas empêché des gens de travailler à l'avènement d'une société plus juste et plus libre.»
Les intellectuels
Au reste, s'il est un sujet qui agace extrêmement Noam Chomsky, c'est bien celui de l'affaire Robert Faurisson, du nom de cet auteur français qui, dans un livre publié au début des années 80, niait l'existence des chambres à gaz nazies. Chomsky se trouva, par un concours de circonstances, à défendre le droit à la liberté d'expression du négationniste. Son texte a même été placé par un éditeur en préface au livre incriminé.
Quelque 20 ans plus tard, Chomsky, le libertaire, continue de dénoncer les lois - comme la loi Gayssot, en France - qui permettent à l'État d'imposer une version donnée de l'histoire. «Si l'on est pour la liberté d'expression, il faut l'être jusqu'au bout.» Il interprète la réaction extrême de certains intellectuels français comme une «régression vers le stalinisme». Ceux-ci se sont employés «passionnément à donner le plus de publicité possible à Faurisson et à ses documents stupides pour ensuite se donner le beau rôle en le dénonçant et en ayant ainsi l'air héroïques». Chomsky a toujours dit qu'il n'avait pas lu Faurisson et que les positions de ce dernier avaient peu d'importance puisque c'est le droit à l'expression qui importe.
Reste que dans Deux heures de lucidité, où un chapitre est consacré à l'affaire, il affirme: «J'ai réexaminé les preuves qui m'ont été présentées par le critique le plus sévère et le mieux informé sur Faurisson. Comme ces preuves avaient peu de force, la seule conclusion raisonnable était que cette accusation ne pouvait être justifiée.»
Chomsky ne porte donc pas tellement dans son coeur ce qu'il nomme la poignée «d'intellectuels parisiens» qui ont terni sa réputation dans l'Hexagone; un groupe auquel il reproche du reste de s'être «refermé sur lui-même» et d'être en rupture avec la grande tradition des Lumières du XVIIIe siècle.
De cette époque, Chomsky se réfère notamment à Rousseau qui a, dit-il, dénoncé «ces Européens paresseux et satisfaits d'eux-mêmes, lesquels avaient tout à apprendre de ces sauvages à moitié nus qui réussissaient à défendre leurs droits et libertés de façon sérieuse». Parmi les penseurs français contemporains, Chomsky considère le sociologue Pierre Bourdieu, récemment décédé et qu'il connaissait, comme une sorte d'exception dont il salue au passage les travaux et les engagements.
Ses critiques à l'égard des intellectuels ne se limitent évidemment pas au cas français. Au sujet de la pétition sur la «guerre juste» signée par 60 auteurs américains comme Michael Walzer, Samuel Huntington et Francis Fukuyama (Le Devoir, 15 février 2002), Chomsky n'a pas de mots assez durs. C'est pour lui «la réaction normale» d'intellectuels de l'élite qui se rallient aux choix belliqueux de leur État. «Seulement, dans ce cas, c'est particulièrement bête et stupide. Ça m'a rappelé ce groupe de 90 intellectuels allemands, au début de la Première Guerre mondiale, qui distribua une pétition partout dans le monde enjoignant à leurs collègues d'appuyer l'Allemagne dans sa guerre juste. Ils le faisaient au nom des idéaux les plus nobles.»
À propos du 11 septembre, du reste, une chose le met particulièrement en colère: lorsqu'on lui fait remarquer que son analyse se focalise tellement sur le caractère historiquement violent de la politique étrangère des États-Unis qu'on pourrait penser qu'il estime que son pays a «mérité» les attentats. «C'est scandaleux de dire cela! Il faut être illettré pour interpréter ma position ainsi. Il est normal de chercher les raisons qui ont mené au 11 septembre. Tout le monde le fait. Je viens de lire un dossier dans une revue conservatrice où tous les auteurs, sans exception, se posent la question. Mais lorsqu'un critique de la politique américaine tente de chercher des causes au 11 septembre, on lui réplique ce genre de choses. C'est une stratégie de la propagande nationaliste.»
Chomsky prétend que les politiques occidentales ne cessent d'attiser la violence partout dans le monde, du Kurdistan au Timor en passant par le Kosovo. «C'est une politique occidentale systématique depuis la conquête du monde par l'Europe.»
Et ça continue, déplore-t-il. Il affirme par exemple que des intérêts français sont derrière les exactions en Algérie. Que les Occidentaux fournissent des armes aux Turcs pour écraser les Kurdes. «J'ai du mal à dire quoi que ce soit de bien à propos de Milosevic, parce que c'est un gangster, mais le procès qu'on lui fait est illégitime. C'est une justice de vainqueurs. Pour que ça ne soit pas le cas, il faudrait qu'il ne soit pas seul devant le tribunal. Tous les dirigeants de tous les États importants devraient y passer.
Et que répond-il à ceux qui prétendent qu'il y a chez lui «deux poids, deux mesures» puisqu'il laisserait toujours entendre que les démocraties occidentales incarnent tous les défauts de l'humanité alors que de nombreuses dictatures non occidentales, ou de gauche, échappent à ses dénonciations?
D'abord, il rétorque qu'il a critiqué Castro peut-être plus souvent que Pinochet. Il fait ensuite remarquer que c'est exactement le type d'accusations que les dirigeants soviétiques faisaient à l'endroit de leurs dissidents. «On disait à Soljenitsyne et aux autres: "vous critiquez toujours l'URSS, mais jamais l'Occident capitaliste". Les équivalents aux dirigeants communistes, en Occident, me reprochent aujourd'hui exactement la même chose: de ne critiquer que l'Occident.»
Chomsky, dissident. Gageons qu'il préfère ça à gourou.
Note: un autre livre de Noam Chomsky vient de paraître en français: Le Pouvoir mis à nu, Montréal, Écosociété, 2002, 400 pages.
Luc-Normand Tellier
Le gouvernement québécois créera bientôt un observatoire de la mondialisation afin «d'éclairer les esprits et d'enrichir le débat public», selon les termes employés par Louise Beaudoin. Il se dit et s'écrit beaucoup de choses à propos de la mondialisation. On présente souvent le phénomène comme relativement nouveau et comme s'il constituait une menace. Cela est à la fois vrai et faux. Aussi l'idée de créer un observatoire objectif visant à nous permettre de garder la tête froide face aux débats passionnels en cours est-elle bienvenue.
Tout d'abord, il convient de se dire et de se redire que la mondialisation ne date pas d'hier. La plupart des historiens du phénomène urbain vont même jusqu'à dire que les échanges économiques sur de longues distances sont apparus avec et peut-être même avant la création des premiers systèmes urbains, il y a 5000 ou 6000 ans...
Monnaie
unique
On a récemment beaucoup fait état de l'immense pas représenté par le remplacement des monnaies nationales par l'euro dans plusieurs pays d'Europe. Faut-il souligner le fait que, sous l'empereur Trajan (98-117 après J.-C.), la monnaie romaine constituait l'unique devise d'un empire qui couvrait les territoires actuels de l'Angleterre, de la Belgique, du Luxembourg, de la France, de l'Espagne, du Portugal, de l'Italie, de la Suisse, de l'Autriche, du sud-ouest de l'Allemagne, de l'ouest de la Hongrie, de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Serbie-Monténégro, de la Roumanie, de l'Albanie, de la Macédoine-Skopje, de la Bulgarie, de la Grèce, de la Turquie, de l'Arménie, de la Syrie, de l'Irak, d'Israël, de la Palestine, de la Jordanie, de l'Égypte, de la Libye, de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc? L'euro est encore bien modeste comparativement à une telle aire monétaire. La mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, ni même moderne.
On parle beaucoup de la toute-puissance actuelle des États-Unis, unique superpuissance mondiale. N'oublie-t-on pas un peu trop rapidement qu'en 1900, Londres était la métropole incontestée du monde entier et que l'empire britannique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle a constitué l'entreprise de mondialisation la plus poussée, la plus audacieuse et la plus achevée que le monde ait vue? Or cet empire n'a aucun équivalent aujourd'hui, alors que la mondialisation devient un thème à la mode.
De fait, plusieurs régions de l'Afrique (par exemple, le Congo ou l'Angola) et même de l'Amérique latine (par exemple, Haïti ou la partie de la Colombie occupée par la guérilla) sont aujourd'hui moins rattachées au système mondial qu'elles ne l'ont été au temps des empires coloniaux. Dans leur cas, on pourrait même parler de démondialisation.
On parle aujourd'hui de la mondialisation comme d'un processus de polarisation profitant à une toute petite partie de la planète au détriment du reste. Cela est en partie vrai. Cependant, il ne faut pas oublier que si, en 1900, un seul pôle, Londres, dominait le monde, en 2002, trois pôles (New York, Londres et Tokyo) le dominent, et ces derniers voient leur ascendant menacé par de nouveaux pôles émergents comme ceux de Shanghaï, Pékin, Singapour ou Los Angeles. La polarisation unique de 1900 semble avoir fait place à une multipolarisation réelle, rarement associée, dans les discours, au «rouleau compresseur» de la mondialisation.
On associe généralement mondialisation et augmentation des écarts dans les produits par habitant des grandes régions du monde. En l'an 1000, le produit par habitant de la région la plus riche (l'Asie hors Japon) représentait 1,13 fois le produit par habitant de la région la plus pauvre (l'Europe occidentale), ce qui représentait une différence minime. Au fur et à mesure que l'humanité s'est éloignée de son niveau de subsistance, l'écart entre régions riches et régions pauvres s'est creusé. Aujourd'hui, le produit par habitant de la région la plus riche (États-Unis et Canada) représente 19 fois le produit par habitant de la région la plus pauvre (Afrique). Selon nos travaux, dans 60 ans, le rapport entre les produits par habitant de la région la plus riche et de la région la plus pauvre pourrait atteindre non pas le nombre de 19 mais bien 23 et même 29.
Le processus actuel de mondialisation semble donc bel et bien nous conduire vers un monde de plus en plus inégalitaire. Cependant, cela n'est qu'en partie vrai. En effet, nos études font ressortir le fait que si on regarde le monde hors Afrique et hors ex-URSS, celui-ci pourrait bien être en voie de devenir plus égalitaire. Les produits par habitant des pays les plus développés (États-Unis, Canada, Europe occidentale et Japon) ont tendance à plafonner alors qu'une partie considérable du monde moins développé (la Chine, l'Inde et l'Asie du Sud-Est) monte à vive allure.La mondialisation semble donc être associée à une véritable renaissance pour une grande part de l'humanité moins développée alors qu'elle est associée à une descente aux enfers pour une autre partie de cette dernière. Garder le sens des nuances en cette matière est primordial.
Populations
et productions
Le phénomène le plus troublant de l'évolution actuelle tient à une dissociation de plus en plus marquée de deux polarisations traditionnellement liées, celle des populations et celle des productions. Tout au long de l'histoire de l'humanité, l'urbanisation a été associée au développement économique, à tel point que certains en étaient venus à croire que l'un et l'autre étaient indissociables. Depuis environ 50 ans et même moins, l'urbanisation a cessé d'être synonyme de développement, ce qui ne veut pas dire qu'elle soit devenue un obstacle à ce dernier. Aujourd'hui, il est devenu clair qu'il est possible de s'urbaniser à toute allure en s'appauvrissant comparativement au reste de la planète.
Actuellement, grosso modo, les pays qui profitent le plus de la polarisation des productions, soit les pays développés,sont les moins marqués par la polarisation des populations et, inversement, les pays les plus marqués par la polarisation des populations sont ceux qui profitent le moins de la polarisation des productions. Ainsi, l'Afrique s'urbanise rapidement en s'appauvrissant par rapport à la moyenne mondiale tandis que la population et le taux d'urbanisation de l'Europe occidentale et du Japon stagnent, alors que ces régions demeurent au coeur de la polarisation des productions mondiales.
Nous assistons donc au développement de deux schémas de polarisation mondiale: un schéma de la polarisation des productions centrée sur l'Amérique du Nord, l'Europe occidentale et l'Extrême-Orient, et un schéma de la polarisation des populations centré sur l'Afrique et le sous-continent indien. La dissociation des deux schémas est le grand phénomène de ce début de millénaire et constitue une évolution aussi grave et aussi importante pour l'humanité que celles du réchauffement de la planète ou de la prolifération nucléaire. Pourtant, personne n'en parle directement
Nous voyons à travers tous ces exemples combien il est devenu nécessaire d'observer au microscope la mondialisation en cours en multipliant les angles d'analyse, les distinctions et les approches. Avant de donner lieu à des discours à l'emporte-pièce, la mondialisation doit se soumettre à l'analyse aux niveaux supranational, national, régional et local. Le temps est venu de donner la priorité à l'observation minutieuse de ce qui se passe et de déborder du cadre traditionnel des États pour adopter des perspectives qui transcendent les frontières nationales. La macroéconomie traditionnelle doit céder la place à des approches plus spatio-économiques où les grands mouvements des populations et des activités économiques à travers l'espace géographique occupent la première place. Le futur observatoire québécois de la mondialisation doit faire de cela sa priorité.
Luc-Normand Tellier, Université du Québec à Montréal
Le samedi 13 avril
§
Affecté
à la sécurité, il a été mis en prison !
§
Un
épicier au bout du rouleau
§
57
% des demandes d’indemnisation rejetées jusqu’à maintenant
Le dimanche 14 avril
Le lundi 15 avril
§
Le
sherpa Lortie a vécu l’histoire
§
Des
barrières commerciales vont tomber
Le mardi 16 avril
§
Un
électrochoc pour les militants de Québec
Le mercredi 17 avril
Raymond Giroux
OTTAWA — Non, la ZLEA
n'est pas morte sous le poids de la conjoncture internationale et du changement
de cap que les attentats du 11 septembre ont imposé aux priorités des
États-Unis.
À preuve, les
négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques démarreront pour de
vrai dans 11 jours à Margarita, au Venezuela, à moins que le coup d'État d'hier
ne force les organisateurs à trouver un autre lieu.
Les négociateurs des 34
pays doivent en effet déposer d'ici le 24 de ce mois, soit un an et deux jours
après la clôture du Sommet des Amériques, l'ensemble de leurs propositions sur l'accès
aux marchés nationaux.
Cinq groupes de travail
(agriculture, biens industriels, investissements, services et
approvisionnements gouvernementaux) amorceront par la suite leurs travaux avant
la mi-mai.
Loin d'être échaudé par
la difficile expérience de l'échec des pourparlers sur le bois d'œuvre avec les
États-Unis, le ministre du Commerce international, Pierre Pettigrew, ne voit
que des bonnes nouvelles au suivi du Sommet de Québec.
« Tout accord
multilatéral ou régional comme la ZLEA qui amène un encadrement des règles
commerciales m'apparaît une contribution positive à la gestion du contentieux
entre le Canada et les États-Unis », a-t-il dit en entrevue au Soleil.
« Ainsi, l'ALENA donne un
cadre supplémentaire aux normes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC),
et si on peut obtenir dans la ZLEA des choses qu'on n'a pas obtenues dans
l'ALENA, comme un contrôle sur les lois commerciales américaines, tant mieux »,
ajoute M. Pettigrew.
D'ailleurs, les
États-Unis ont déjà accepté de débattre ces lois, « que nous avons toujours
trouvé abusives », selon l'expression du ministre, dans le dernier cycle de
négociations amorcé à Doha l'automne dernier.
|
« Chaque nouvelle négociation est une occasion
de pousser plus loin ce dossier, dit-il. Si les États-Unis ont accepté de
discuter de la question à Doha, ils vont en toute logique accepter d'en parler dans
leur propre hémisphère .»
Les négociateurs qui n'auront
rien soumis à leurs collègues à cette rencontre qualifiée de « début de la
phase cruciale des négociations » par l'ex-sherpa du Sommet, Marc Lortie,
auront alors lancé le message que tel ou tel chapitre leur est indifférent, ou
encore, qu'ils gardent leurs cartes dans leur manche pour se rallier plus tard
à la position de l'un ou l'autre des participants.
Les technocrates
internationaux suivent ainsi à la lettre le plan de match établi lors de la
rencontre des ministres du Commerce international des Amériques à Buenos Aires
l'an dernier.
De leur côté, les
ministres, qui ont laissé rouler leurs fonctionnaires depuis un an,
replongeront personnellement dans le dossier en octobre prochain, en Équateur.
La direction des négociations passera alors aux mains des deux joueurs
principaux, les États-Unis et le Brésil, la date butoir d'une entente étant
fixée à janvier 2005, et la ratification du traité par les signataires suivra
au cours de cette même année.
La rencontre de Margarita
sera l'occasion de discuter d'un document « crocheté », selon la tradition des
négociations commerciales internationales. S'il y a engagement de publier les
textes dans le contexte du prochain Sommet prévu pour 2005, en Argentine, M.
Pettigrew croit fort plausible qu'il y ait diffusion à l'occasion de chaque
rencontre ministérielle, donc autour d'octobre prochain.
Chaque pays doit en effet
proposer une nouvelle version de ses textes au mois d'août, une fois connue la
première proposition de tous les pays dans le cadre de textes qui évoluent
constamment, selon un haut fonctionnaire canadien.
Dans ce genre d'exercice,
le texte inclut toutes les propositions contradictoires entre crochets, ne
laissant en lecture courante que les passages, rares, qui ne soulèvent aucune
controverse. L'origine nationale des propositions n'est pas donnée, et seuls
les experts en la matière peuvent déchiffrer vraiment le contenu du document.
Le Canada a déjà publié
ses positions sur cinq des neuf chapitres en cause, et a donné des bribes
d'information sur la question des investissements. Mais rien n'indique à
l'heure actuelle s'il a l'intention d'annoncer ses couleurs sur les chapitres
manquants comme les services, la propriété intellectuelle et le règlement des
différends.
Au plan des consultations
avec les provinces, une carence au dossier selon le gouvernement du Québec, M.
Pettigrew rejette avec vigueur toutes les accusations de non-collaboration. «
Nous avons des consultations hebdomadaires avec les fonctionnaires et les négociateurs
», réplique-t-il.
« Sur ces questions, je
tiens à refléter les intérêts du gouvernement du Québec et des Québécois parce
qu'il y a tellement de questions qui relèvent de leur compétence », dit-il en
invoquant l'expérience du bois d'œuvre où il a travaillé « en équipe » avec les
provinces.
« Dans la ZLEA, nous
allons instaurer les mêmes mécanismes qui nous ont permis de bien travailler »
dans le cadre de l'OMC, à Seattle et à Doha, ajoute le ministre. Les procédures
de consultation seront intensifiées, dit un responsable de son ministère, y
compris par des vidéoconférences régulières. « Mais je ne veux pas d'un carcan
de structurite qui coupe notre marge de manœuvre alors qu'on ne m'a pas pointé
un seul problème », dit M. Pettigrew.
Elisabeth Fleury
Décontamination à l'eau
froide, à nu, au vu et au su de tous. Détenus entassés à cinq par cellule
malgré l'espace libre. Longs délais de comparution. Oui, il y a eu dérapage au
centre de détention de Québec durant le Sommet des Amériques, a admis le
ministère de la Sécurité publique. À qui la faute ? Un peu aux Services
correctionnels, beaucoup à la Sûreté du Québec. Qui sait où elle a manqué.
Les observateurs délégués
par la Ligue des droits et libertés et le ministère de la Sécurité publique
sont unanimes: certains des droits des détenus garantis par la Charte n'ont pas
été respectés.
Si tout s'est
relativement bien passé dans la zone permanente d'incarcération, où les détenus
étaient sous l'autorité des services correctionnels, dans la zone policière,
qui avait été placée sous le contrôle de la SQ, la situation était beaucoup
plus problématique.
D'abord, bon nombre
d'émeutiers arrêtés ont dû poireauter pendant plusieurs heures dans les fourgons
cellulaires saturés de gaz avant d'être décontaminés. À cet égard, la mise à nu
des premiers arrivants, qui avait pour but de les décontaminer avant de les
faire entrer, s'est faite pendant plus de 24 heures au vu et au su de tous. Ce
n'est qu'après une intervention de la Ligue des droits et libertés que des
panneaux ont été placés pour protéger leur intimité.
La Ligue a également dû
intervenir pour que des sandwichs soient servis aux détenus. Certains d'entre
eux, arrêtés le vendredi soir, n'auraient pu manger que le dimanche matin.
En plus de s'être vu
interdire le droit de prévenir leurs proches, plusieurs détenus ont eu de la
difficulté à communiquer avec un avocat. Les manifestants ont par ailleurs été
regroupés à quatre ou cinq dans les cellules de la zone policière du centre de
détention, qui avait pourtant été « vidé » avant le Sommet.
|
Les délais de comparution
ont également été critiqués. Dans certains cas, les manifestants sont demeurés
incarcérés pendant plus de 36 heures avant de comparaître.
Archives LE SOLEIL, Jean-Marie Villeneuve |
Les manifestants
arrêtés qui se retrouvaient dans la zone de la prison sous le contrôle de la
SQ étaient entassés à quatre ou cinq par cellule. |
Dans une entrevue
accordée au SOLEIL un mois après le Sommet, un agent correctionnel affirmait
que la SQ était la seule et unique responsable de ce gigantesque dérapage. Les
policiers, racontait-il, ont totalement pris le contrôle du centre de
détention, se réservant toutes les décisions et écartant de leurs tâches tous
les gardiens.
Au lendemain de la
publication du reportage, le ministre de la Sécurité publique de l'époque,
Serge Ménard, disait en vouloir un peu aux agents correctionnels, qui auraient
dû, selon lui, l'informer rapidement du cafouillage qui régnait à la prison.
Les auteurs du rapport
d'enquête interne commandée par le ministre Ménard ont distribué des mauvais
points aux Services correctionnels et aux policiers en poste à Orsainville. «
Les policiers, écrivaient-ils, ont été moins sensibles aux conditions des
prévenus qui relevaient de leur responsabilité. Ils s'en sont remis de façon
implicite aux Services correctionnels qui eux n'avaient pas été officiellement
désignés pour assumer cette responsabilité. » Les fonctionnaires estiment
également que les Services correctionnels auraient dû « imposer leur expertise
en matière d'hébergement, ce qu'ils n'ont pas fait ».
« Vous parlez de
cafouillage, et ce n'est pas loin de ce qu'on pense », a laissé tomber un
directeur adjoint de la SQ , Richard Saint-Denis, au cours d'un entretien avec
LE SOLEIL, il y a quelques jours. Au sujet des séances de décontamination, M.
Saint-Denis a admis que la SQ avait mal calculé l'ampleur des mesures à
prendre. « Mais que voulez-vous, ça ne se faisait pas ailleurs, on n'avait pas
de modèle », a-t-il justifié. Le directeur adjoint de la SQ a également admis
que les policiers en poste avaient « manqué de coordination ».
Si c'était à recommencer
? « La zone policière aurait compté plus de guichets, comme au Club Price, de
façon à ce que ça roule plus rondement, répond M. Saint-Denis. Et les séances
de décontamination ne seraient pas tenues au centre de détention, mais dans un environnement
mieux adapté comme une aréna. »
En octobre, Victorien
Pilote a déposé un recours collectif de 9,2 millions $ au nom des 460 personnes
qui ont été arrêtées lors du Sommet des Amériques « et qui ont subi des
conditions de détention illégales et abusives ».
Isabelle Mathieu
Archives LE SOLEIL, Raynald Lavoie |
Le seul rapport sur la sécurité au Sommet qui a été
produit par deux fonctionnaires n'est destiné qu'au ministre de la Sécurité
publique. Il demeurera donc confidentiel. |
C'était le plus grand
déploiement policier jamais vu au Québec. Pourtant, les quatre corps de police
chargés d'assurer la sécurité au Sommet des Amériques n'ont fait aucune
évaluation globale commune de leur performance.
Un an après l'événement,
maintenant que la poussière est retombée au sens propre comme au sens figuré,
on constate que les corps policiers ayant assuré la sécurité lors du Sommet
d'avril 2001 sont vraiment passés à autre chose et ont mis fin assez vite à
leur projet commun qui avait duré 14 mois.
La Gendarmerie royale du
Canada (GRC), la Sûreté du Québec, la police de Québec et la police de
Sainte-Foy ont choisi d'analyser chacun pour soi son mandat respectif. « Il y a
eu une évaluation assez sommaire en groupe, explique en entrevue l'inspecteur
Martin-Guy Trépanier de la police de Québec, un des coordonnateurs des
opérations lors du Sommet. On a laissé à chacun la tâche d'évaluer plus en
profondeur ses mandats, comme pour nous à Sainte-Foy, pour la sécurité de
l'aéroport. »
Le directeur général
adjoint de la Sûreté du Québec, Richard Saint-Denis, parle lui aussi d'un «
debriefing verbal ». Mais, ajoute-t-il, l'évaluation globale se fera
nécessairement au tribunal ou devant le Commissaire à la déontologie policière.
Dans le milieu policier,
plusieurs auraient souhaité qu'une analyse globale soit faite. « Ça aurait valu
le coût, dit un observateur. Nous, on est allé chercher des idées dans trois ou
quatre villes avant. L'évaluation devrait être faite pour que ça puisse servir
aux autres corps policiers, comme la GRC. »
|
Surtout, ajoute-t-il,
dans un contexte où aucune enquête publique ne viendra mettre en lumière
certains aspects du travail policier. L'ancien ministre de la Sécurité
publique, Serge Ménard, a rejeté l'idée de l'enquête et a plutôt préféré
confier à l'École nationale de police le mandat de faire une étude technique
sur l'utilisation des balles de plastique et les armes alternatives. « Les
résultats vont nous parvenir plus vite que ceux d'une commission d'enquête »,
disait le ministre. Un an après le Sommet, les conclusions de l'étude se font
toujours attendre.
Au ministère de la
Sécurité publique, l'attaché de presse du ministre Normand Jutras, Martin Roy,
assure qu'un rapport sur la sécurité au Sommet a été produit par deux
fonctionnaires. « C'est un rapport confidentiel destiné au ministre et pouvant
être utilisé lors d'autres événements du genre », explique M. Roy.
Méthodes policières
L'Association canadienne
des libertés civiles. La Ligue des droits et libertés du Québec. La Fédération
des femmes. La Centrale des syndicats nationaux. Les juristes observateurs
mandatés par le gouvernement provincial. Tous ont dénoncé l'utilisation massive
de gaz lacrymogènes et le nombre de balles de plastique tirées aux
manifestants. Rappelons que 903 balles de plastique et 5148 bombes fumigènes ou
lacrymogènes ont été lancées sur les manifestants durant le Sommet.
Les policiers, eux,
jurent qu'ils n'avaient d'autre choix que de travailler comme ils l'ont fait. «
Est-ce qu'il y a d'autres moyens que le gaz ? demande Richard Saint-Denis de la
SQ. Lors du Sommet de Gênes, il n'y a pas eu de gaz, mais il y a eu un mort. »
Jean-Noël Tremblay,
directeur du campus Notre-Dame-de-Foy et observateur mandaté par les corps de
police lors du Sommet, donne raison aux forces de l'ordre. « Dans les
circonstances, à Québec, on s'en est bien tiré, évalue M. Tremblay. Avec la menace,
telle qu'elle se profilait, les policiers ne pouvaient pas faire autrement. »
L'auteur d'études sur les
émeutes de la Saint-Jean-Baptiste, note que l'aspect le plus délicat de
l'opération a probablement été la juxtaposition de quatre cultures policières
différentes. « Ça a assez bien fonctionné, mais c'est clair qu'en contrôle de
foule, la GRC, la SQ et la police de Québec ne partaient pas sur la même base
», souligne M. Tremblay.
Marc Bellerose est
étudiant au doctorat en criminologie à l'Université de Montréal et fait
présentement sa thèse sur le contrôle de foule en analysant les manifestations
antimondialisation, du Sommet de l'APEC de Vancouver à celui de Québec. Pour
avoir arpenté les deux côtés du périmètre de sécurité lors du Sommet des Amériques,
il peut pointer des problèmes de coordination. « Les protocoles d'entente entre
corps policiers, c'est beau en théorie, rappelle le criminologue. Mais une fois
sur le terrain, le premier réflexe dans un moment de stress, c'est de revenir à
ses méthodes traditionnelles. Et ça s'est vu au Sommet. »
Pas trop de séquelles
La Sûreté du Québec se
félicite que le Sommet n'ait pas laissé de séquelles trop grandes chez ses
membres. « On les avait formés avant et on a pu faire des bons debriefing avec
les policiers après, estime le directeur adjoint Richard Saint-Denis. On n'a
pas eu de recrudescence du nombre de personnes dépressives. On avait prévu le
coup. »
Les officiers supérieurs
semblent s'en être très bien sortis aussi. Contrairement aux Sommets de Nice et
de Seattle où les chefs de police ont dû démissionner, les patrons des services
de police québécois sont toujours bien en selle ou ont pris une retraite prévue
avant l'événement.
Au total, 6515 policiers
ont travaillé à la sécurité du Sommet des Amériques. La GRC avait le plus gros
contingent (3300 policiers) suivi de la SQ (2750), de la police de Québec (390)
et de la police de Sainte-Foy (75). Le coût total de la sécurité était évalué à
100 millions $.
Seule la GRC a refusé
l'offre d'entrevue du SOLEIL.
|
Collaboration spéciale,
André Pichette |
|
Aux yeux de Marc Bellerose, étudiant au doctorat en criminologie et
spécialiste du contrôle de foule, les policiers n'ont pas manqué leur chance
d'essayer des outils qui pourraient leur servir à nouveau. |
Isabelle Mathieu
Le Sommet des Amériques a
vraiment été un laboratoire idéal pour les policiers québécois qui ont pu
essayer des techniques de contrôle de foule avec plusieurs milliers de «
cobayes » plus ou moins consentants.
Aux yeux de l'observateur
Marc Bellerose, étudiant au doctorat en criminologie et spécialiste du contrôle
de foule, il est clair que les policiers n'ont pas manqué leur chance d'essayer
des outils qui pourraient leur servir à nouveau.
« C'était un terrain pour l'expérimentation,
dit M. Bellerose. On l'a vu avec les canons à eau, un équipement peu utilisé au
Québec. Ils l'ont essayé de toutes les manières : pour enlever des gens des
toits des maisons, pour éteindre les feux, pour s'avancer vers la foule. »
Le directeur adjoint de
la Sûreté du Québec, Richard Saint-Denis, confirme que le canon à eau s'est
révélé efficace au Sommet et devrait être utilisé lors des prochaines
opérations.
Marc Bellerose rappelle
que plusieurs corps policiers dans le monde se servent des canons à eau pour
décupler l'effet irritant des gaz lacrymogènes. « Ils font une légère pluie
au-dessus des gens et après, les gaz font que ça brûle sur tout le corps parce
qu'on est humide », détaille le criminologue.
Le fameux fusil Arwen 37,
banni dans plusieurs pays et à l'origine de la mort d'au moins 10 personnes en
Irlande du Nord, a soulevé beaucoup de critiques. Les tireurs de la GRC et de
la SQ ont tiré 903 balles de plastique sur des manifestants qui, selon leurs
dires, présentait un risque élevé et immédiat.
|
À la lumière de ce qui
s'est fait ailleurs, Marc Bellerose constate que le Arwen a été utilisé de
façon très différente à Québec. « Habituellement, c'est un officier qui dit au
tireur de tirer un individu armé d'un couteau, d'un cocktail Molotov ou d'une
autre arme, explique le criminologue. Ensuite, il y a arrestation immédiate de
l'individu parce que si on l'a tiré au Arwen, c'est qu'il commettait ou allait
commettre un crime. À Québec, à cause de la clôture, les policiers ne pouvaient
pas faire les arrestations. »
Jean-Noël Tremblay,
directeur du campus Notre-Dame-de-Foy et observateur lors du Sommet, se demande
aussi si le Arwen a été utilisé à bon escient. « On a peu de bavures,
note-t-il. Mais on en a. »
La clôture grillagée
longue de neuf kilomètres a joué son rôle selon les observateurs. « Ça venait
changer la dynamique parce que ça créait une barrière physique entre
manifestants et policiers. L'adrénaline montait moins, dit Jean-Noël Tremblay.
Mais c'est certain qu'en même temps, le périmètre devenait un symbole à
abattre. »
Au bout du compte, est-ce
qu'un équipement policier de plus en plus sophistiqué a un effet dissuasif ? «
Ça décourage monsieur Tout-le-Monde, convient Marc Bellerose. Mais pour une
partie de la foule, l'équipement lourd des policiers a tendance à augmenter le
niveau de violence parce que les policiers sont d'une certaine façon
dépersonnalisés. Avec 55 livres de protection, les gens se disent que recevoir
des roches, ça ne fait pas mal. »
Alain Bouchard
Un an plus tard, Danny
Audart a accepté de s'identifier. À l'époque, il n'en était pas question. Un
soldat affecté à la sécurité du Sommet... qui se fait arrêter par des policiers
également affectés à la même tâche, ce n'était pas particulièrement glorieux
pour les forces de l'ordre en général. Et pour le soldat en particulier,
pensait celui-ci, tout innocent dût-il être.
Mais aujourd'hui, puisque
aucune accusation ne fut portée contre lui et, donc, qu'il n'a strictement rien
à se reprocher, il a décidé d'enlever son « masque »
Le jeune militaire, qui
avait alors 30 ans, a commis le terrible crime de vouloir observer la police à
l'œuvre, en dehors de ses heures de faction à lui. Il se disait qu'il avait
tout à gagner d'apprendre.
Jusqu'à ce moment où,
avenue Turnbull, alors qu'il était parfaitement immobile et aucunement menaçant
pour qui que ce soit, il vit la Sûreté du Québec se ruer sur lui et l'arrêter
manu militari, devant les yeux du reporter du SOLEIL.
« Entrave au travail
policier, était le crime reproché. Photo matricule en pleine rue, près du
fourgon de police, menottes de plastique et tout.
« Quand j'ai dit à un
constable de la SQ que j'étais militaire et que j'avais même un shift à faire
le soir, du même bord que lui, il m'a lancé ceci : “T'es vraiment niaiseux de te
tenir ici aujourd'hui !” »
En fait, Audart ne
faisait que se tenir dans le quartier de sa blonde, chez qui il passait une
bonne partie de son temps ; amour oblige ! Mais ce jour-là, il a eu le malheur
de porter des pantalons noirs et d'avoir un masque à gaz à la main, « par élémentaire
mesure de prudence », rappelle-t-il.
Six heures dans le
fourgon
Il a attendu six heures
dans un fourgon surchauffé. Pas question qu'il ne démarre avant d'être plein. «
J'aurais pu m'évader à un certain moment. Mais j'aurais passablement compromis
mon avenir dans l'armée ». Les prisonniers sont conduits à la prison
d'Orsainville. Audart reste 42 heures sans pouvoir être contacté de
l'extérieur, parce qu'une erreur s'est glissée dans l'inscription de son nom.
Ses proches sont dans tous leurs états.
« Nous étions environ 70
prisonniers du Sommet à ce moment, raconte-t-il. Ça pleurait, ça criait. Nous
étions cinq par cellule. Quand le ministre Serge Ménard est venu nous rendre
visite et a vu qui nous étions, un militaire, un pacifique cuisinier de l'Ontario,
un musicien flambant nu qui jouait du tam-tam et même un journaliste, il s'est
manifestement rendu compte qu'il y avait dérapage. »
Si Audart accepte
aujourd'hui de témoigner à visage découvert, alors qu'il avait refusé, il y a
un an, c'est qu'il a désormais l'impression d'avoir payé tout ce qu'il avait à
payer pour ça au sein de l'armée. Son histoire y fut rapidement éventée. Et le
clan s'est joyeusement chargé de le faire « cuire » comme il faut !
« Pour certains
collègues, raconte-t-il, j'étais même devenu un traître qui était passé dans
l'autre camp. Alors que j'étais un simple spectateur. Il y eut beaucoup de
tensions. Et assez longtemps. Parce qu'un soldat qui se fait arrêter, coupable
pas coupable, ce n'est jamais très bien vu dans l'armée. Il faut s'organiser
pour ne même pas être une victime innocente.... »
Alain Bouchard
Un an après le Sommet des
Amériques de Québec, moins de la moitié seulement des 751 demandes
d'indemnisation des résidants ou commerçants situés à l'extérieur du périmètre
de sécurité ont été analysées par l'agence Développement économique Canada,
chargée de cette tâche.
Cinquante-sept pour cent
des demandes traitées ont été rejetées, en l'occurrence 196, tandis que 150 ont
été acceptées, pour un montant de 262 000 $, indique Éric Lebel, porte-parole
de l'agence concernée.
Les 405 autres demandes
d'indemnisation sont ou seront bientôt traitées. L'ultime date limite des
réclamations avait été fixée au 22 avril, un an jour pour jour après la fin du
Sommet. C'est dire qu'il reste encore une semaine aux intéressés pour expédier
leur dossier.
Le montant total des
indemnisations finales n'est pas élastique, rappelle M. Lebel. Le plafond été
fixé à 2 millions $ au départ. Et il faudrait des cas d'énorme force majeure
pour qu'il soit défoncé.
Pour ce qui est de
l'intérieur du périmètre, les remboursements ont été beaucoup plus rapides. Le
ministère fédéral des Travaux publics (MTP) a ver-sé 400 000 $ à 125
réclamants, des commerçants en grande majorité. Le dossier a été clos très
vite, conformément aux promesses formelles d'indemnisation qui, dans ces cas,
avaient été faites avant l'organisation du Sommet.
Mario Bédard, du bureau
du MTP à Québec, précise que ces indemnisations comprennent aussi la partie
accordée aux occupants de l'aéroport et de la route qui y mène.
Alain Bouchard
Clément Saint-Laurent, de
la célèbre épicerie historique J.-A. Moisan, prépare sa mise en demeure contre
le gouvernement canadien, organisateur du Sommet des Amériques. Sa patience
arrive au bout du rouleau, a-t-il indiqué au SOLEIL.
Archives LE SOLEIL |
Durant le Sommet, Clément Saint-Laurent a
bien essayé de garder son commerce ouvert. Mais il s'est vite rendu à
l'évidence. |
Saint-Laurent avait
choisi d'être bon prince, durant le fameux Sommet. Tandis que la plupart de ses
voisins verrouillaient et placardaient tout, il a gardé son épicerie ouverte,
comme le réclamaient tous en chœur les ténors de l'administration publique.
Habitez la ville ! disaient-ils. C'est le meilleur moyen d'éviter la casse.
Ce commerce est situé
coin Saint-Jean—Côte-Sainte-Geneviève, là où le fameux périmètre de broche
venait encercler le cimetière St. Matthew. Et là où les plus pessimistes
prédisaient du brasse-camarade, du fait que le secteur se trouvait juste en
aval des grandes baies vitrées du Centre des congrès de Québec. C'était la
seule place visible des délégués du Sommet, à partir de leur forteresse.
Saint-Laurent est quand
même resté ouvert... les premières heures seulement. Il n'a rien eu de cassé.
Mais l'embouteillage total de la rue Saint-Jean et le sit in permanent qui s'y
est installé, entre Saint-Augustin, où passait la clôture, et l'épicerie Moisan
a rendu celle-ci complètement inopérante.
De sorte que « j'ai dû
fermer boutique, raconte le propriétaire. J'ai quand même gardé mon personnel
et renforcé la surveillance, par mesure de sécurité. J'ai réclamé les frais
correspondants et les pertes commerciales aux autorités concernées. Elles ont
tout refusé par téléphone, sauf le nettoyage du système de ventilation. Je leur
ai demandé cette réponse par écrit. Elles ont aussi refusé ».
|
Se prévalant d'un nouveau
délai accordé aux marchands, Saint-Laurent décide de bâtir un document formel
et complet de ses réclamations. Il affirme y avoir mis une semaine entière. «
J'ai expédié ma brique le 18 janvier, dit-il. J'attends toujours l'accusé de
réception. J'enverrai sûrement une mise en demeure si on refuse à nouveau de me
rembourser. »
Donat Perron, directeur
général de l'AGAF (Association des gens d'affaires du Faubourg), explique que
les marchands de l'intérieur du périmètre ont été dédommagés avec célérité, tel
que promis avant le Sommet. « Mais, dit-il, les choses sont beaucoup plus
ardues pour ceux de l'extérieur de la clôture. Les responsables exigent des
preuves extrêmement pointues », qui ont fini par en décourager plusieurs.
Sans compter ceux qui
n'ont vraiment pas eu le temps de bâtir leur dossier de réclamations, ajoute
Clément Saint-Laurent, parce qu'ils ont d'abord comme priorité de gérer leur
commerce.
Broche célèbre aux
enchères
À propos de la fameuse
clôture, son installateur Jean-Claude Paquin, patron de Clôture Nordik Orléans,
explique qu'elle fut prestement démontée dès la fin du Sommet ; qu'elle fut
ensuite empilée sur un terrain vague de la ville de Québec ; puis vendue aux
enchères par sections de diverses longueurs. Il y en a peut-être un petit bout
à côté de chez vous !
Cette clôture de 3,8
kilomètres a coûté 400 000 $, toute main-d'œuvre comprise. « Pour mes hommes,
raconte Paquin, la violence a commencé bien avant le Sommet comme tel. Certains
se sont fait lancer des bouteilles de bière vides dès le début de
l'installation ! Le défi était donc de faire vite. »
Le but de cette clôture
était de servir d'exutoire aux mécontents, soutient Paquin. « Elle a donc fait
parfaitement son boulot ! », estime-t-il.
Archives LE SOLEIL |
Si l'équipe du
Dr Marc Rhainds, de la Santé publique, avait été consultée pendant le Sommet,
comme elle l'a été avant, certaines directives sur l'utilisation des gaz
lacrymogènes auraient probablement été modifiées. |
Mais ce n'est pas au cœur
de la ville qu'il avait prévu les assauts destinés à la défoncer. Il a cru que
les manifestants procéderaient plutôt par les Plaines, dans la partie basse
derrière l'hôtel Le Concorde. Mais bien peu de caméras se trouvaient par là...
Alain Bouchard
Ce que nous savions de la
toxicité des gaz lacrymogènes valait pour l'extérieur. Mais pour ce qui est des
espaces intérieurs, il faut tout réviser leurs effets éventuels, dit le Dr Marc
Rhainds, de la Direction de santé publique de Québec (DSPQ), un an après le
Sommet des Amériques.
«Si nous n'avons pas encore
découvert de conséquences irréversibles chez leurs victimes, dit le médecin,
nous n'avons pas plus la preuve qu'ils n'entraînent pas certains symptômes
persistants. »
La DSPQ garde donc l'œil
sur toute la nouvelle recherche et littérature qui sera produite à propos du CS
(ortho-chloro-benzylidene-malononitrile). En plus du chantier personnel que le
Dr Rhainds a cru bon d'entreprendre lui-même sur le terrain.
« Il y avait des gens handicapés qui étaient
prisonniers de leur logement rempli de gaz, rappelle-t-il. J'ai personnellement
demandé à des CLSC d'accroître le nettoyage de ces lieux. J'ai aussi continué
de voir des personnes plus sensibles, qui af-fichaient encore des symptômes
cliniques trois ou quatre mois plus tard. Je les estime résorbés. Mais je ne
prétends pas tout savoir pour autant sur les gaz lacrymogènes. »
Le Dr Rhainds et son
équipe ont été consultés avant le Sommet, sur l'usage des gaz. Mais ils ne le
furent pas pendant. « Alors que nous aurions probablement modifié certaines
directives », dit-il.
Plus de torts que prévu
Même à l'extérieur, les
gaz peuvent causer plus de torts que prévu, quand les gens y sont très
longtemps exposés. Et le fait qu'il a beaucoup tardé à pleuvoir, durant le
Sommet, a laissé beaucoup de poudre en suspension dans l'air, note le médecin.
Tout est à réviser,
dit-il. Diverses études parrainées sont en cours au Québec. C'est un dossier
qui reste ouvert.
Marc Rhainds, md, msc,
FRCPC
L'article du SOLEIL Le
Sommet des Amériques... un an plus tard, paru dans le numéro du 13 avril
(Cahier D, p. 2), contient nombre d'informations et de citations erronées qui
demandent à être corrigées puisqu'elles sont de nature à semer faussement la
peur et la crainte dans la population à l'égard de la toxicité des gaz
lacrymogènes.
Dans l'en-tête de cet
article, signé par M. Alain Bouchard, on y mentionne : « Les effets des gaz
lacrymogènes peuvent être sous-estimés, avance un médecin de la santé publique.
» De même, on ajoute : « Si nous n'avons pas encore découvert de conséquences
irréversibles chez leurs victimes, dit le médecin, nous n'avons pas la preuve
qu'ils n'entraînent pas certains symptômes persistants. »
Permettez-moi de vous
rappeler que les effets à la santé du CS (orthochlorobenzylidène
malononitirile) sont bien connus chez l'humain. Il s'agit d'un produit chimique
utilisé pour le contrôle des foules qui a une faible toxicité avec un fort
potentiel irritant pour les muqueuses des yeux, du nez, de la gorge et des
poumons. La marge de sécurité du CS est très élevée. En effet, la dose
nécessaire pour causer de l'irritation aux muqueuses est 2600 fois plus faible
que celle pouvant causer des effets sérieux à la santé, incluant la mort.
L'exposition au CS entraîne donc principalement des effets aigus qui
disparaissent dans les minutes suivant le retrait de l'exposition.
Qu'en est-il des effets à
long terme après une exposition prolongée ? Les études réalisées sur ce sujet
ne rapportent pas d'effets persistant avec l'exposition au CS. On rapporte
notamment le cas d'un enfant de quatre mois qui, à la suite d'une exposition
prolongée au CS, a développé des problèmes respiratoires incluant un écoulement
nasal abondant, des sécrétions dans la gorge et de la toux. Les symptômes ont
persisté pendant une période 28 jours. Dans un autre article, on rapporte les
effets de l'utilisation d'une grande quantité de CS dans un espace confiné.
Au total, 188 personnes
ont été revues deux mois après l'exposition pour évaluer la persistance des
symptômes. La majorité des cas ont récupéré à l'intérieur de deux semaines
après l'exposition, à l'exception d'une personne asthmatique qui s'est plainte
de mal de gorge et d'avoir le souffle court pendant 38 jours.
Comme je l'avais mentionné
à M. Bouchard, et vous êtes à même de le constater, il n'y a aucune évidence
selon la littérature que l'exposition au CS cause à long terme des effets
irréversibles sur la santé. Par contre, l'article paru dans LE SOLEIL porte à
croire qu'il y a encore des effets à craindre pour la santé même un an plus
tard, ce qui est absolument faux avec les connaissances actuelles.
Ce ne sont pas les effets
à la santé liés à l'exposition au CS qui ont été sous-estimés, mais plutôt
l'ampleur de la contamination environnementale. À l'étape de planification du
Sommet des Amériques, nous avions été informés, par les autorités policières,
de l'utilisation du CS. Un protocole d'intervention (effets à la santé, méthode
de décontamination, etc.) avait alors été développé par le Centre antipoison du
Québec pour faciliter la prise en charge par les premiers intervenants
(ambulanciers, secouristes, etc.) des cas d'exposition au CS.
L'exposition au CS
appréhendée initialement sur une base individuelle s'est malheureusement transportée
chez la population avoisinant les sites de la manifestation, ce qui a eu pour
effet de contaminer l'air ambiant et l'air intérieur des bâtiments. La
population a été informée par la Direction de la santé publique de Québec, par
voie de conférence de presse, sur les effets à la santé liés au CS ainsi que
sur les mesures à prendre pour décontaminer l'intérieur des résidences.
En ce qui concerne la
phrase « Le Dr Rhainds et son équipe ont été consultés avant le Sommet sur
l'usage des gaz. Mais ils ne le furent pas pendant. » « Alors que nous aurions
probablement modifié certaines directives », dit-il. Je tiens à vous informer
que nous avons obtenu une excellente collaboration des différents partenaires
impliqués tant à l'étape de la préparation que lors du déroulement du Sommet
des Amériques. Le travail que j'y ai vu réalisé était, à mon sens, de bonne
qualité et surtout très professionnel. Il eut été difficile d'affirmer ne pas
avoir été consulté pendant le Sommet alors que j'étais moi-même à l'intérieur
du périmètre de sécurité au centre de coordination du Sommet.
J'ai plutôt mentionné à
M. Bouchard que, dans le cadre d'une réunion qui a suivi le Sommet, j'avais
suggéré aux autorités policières qu'il serait souhaitable, lors de la
préparation d'un prochain événement semblable, de travailler plus étroitement
avec la santé publique lorsqu'on prévoit utiliser une méthode chimique pour
disperser les foules.
J'aimerais enfin apporter
une précision dans l'article lorsque M. Bouchard mentionne : « Diverses études
parrainées sont en cours au Québec. » Il s'agit de nouveau d'une information
erronée selon moi. Je ne sais pas à quoi fait référence M. Bouchard. Pour ma
part, j'ai mentionné à M. Bouchard que le ministère de la Santé et des Services
sociaux du Québec avait envisagé, après le Sommet, d'évaluer les impacts
psychosociaux liés à cet événement, mais qu'à ma connaissance, cette démarche
n'avait pas été mise de l'avant.
Réponse d'Alain Bouchard
J'ai précisément écrit, comme vous le dites, cher docteur, que les gaz
lacrymogènes n'entraînent aucune conséquence irréversible connue (troisième
paragraphe). Plus loin, vous parlez toutefois de symptômes ayant persisté
jusqu'à 38 jours, ce qui n'est pas tout à fait du court terme, comme
l'affirmaient mordicus les autorités du Sommet, à l'époque. Je maintiens
d'autre part que vous m'avez fait état d'« études parrainées », à la lumière
des propos que j'ai rigoureusement notés.
Et permettez-moi
finalement de vous poser cette question : si ces gaz ne sont guère dangereux,
comment expliquer que l'hôtel Palace Royal se soit empressé de jeter de la
nourriture potentiellement contaminée, de façon à bien protéger ses clients
sud-américains qui participaient au Sommet ?
Alain Bouchard
James Partaik est une
sorte d'« artefact » humain du Sommet des Amériques. Une sorte d'«
extraterrestre » qui a eu le malheur d'habiter une maison voisine de la clôture
du boulevard René-Lévesque où se sont joués les trois jours de rififi au gaz
les 20, 21 et 22 avril 2001.
Archives LE SOLEIL, Steve Deschênes |
James Partaik |
Il y eut d'abord des
policiers en civil de la police montée (GRC) qui réquisitionnèrent ni plus ni
moins son appartement comme dispensaire où aller se nettoyer les yeux et
reprendre leur souffle, entre deux blitz d'infiltration parmi les manifestants.
La chose était d'autant plus commode que Partaik est bilingue.
Il y eut ensuite sa
vieille Oldsmobile chérie, cadeau de son père bien-aimé, qui fut incendiée dans
sa propre cour, par un projectile fumigène de la police.
Mais ce n'était pas tout.
Voilà que quelques mois plus tard, alors qu'il avait transformé la « grande
brûlée » en sculpture symbolique de l'antimondialisation et l'avait exposée à
l'Îlot Fleurie, sous les échangeurs d'autoroute de Saint-Roch, il se fait «
voler » son œuvre par la police de Québec. Celle-ci décide un bon matin de
faire remorquer la bagnole, dans un accès de propreté urbaine.
Partaik, un artiste de 38
ans chargé de cours à l'École des arts visuels de l'Université Laval, n'a
toujours pas revu ce qui était devenu l'un des plus éloquents monuments de
l'état de siège dans lequel avait été brusquement plongé le quartier
Saint-Jean-Baptiste par le Sommet des Amériques
Un, deux, puis trois
constables de police expliquent aujourd'hui au SOLEIL que le bazou a
probablement été remorqué par Pintendre Auto. Mais qu'il faudrait au moins les
coordonnées de son propriétaire et le numéro de série du véhicule (flambé !)
pour avoir une chance de le retracer. Partaik a déjà frôlé le burn-out à cause
de tout ça. Il n'a plus la force.
|
Le résidant de la rue Scott
attend toujours sa première cenne d'indemnisation. Il n'a rien reçu pour le
nettoyage de son appartement. Rien pour l'envahissement de la police —il a
pourtant un film qui le prouve. Rien pour le « char » brûlé. Rien pour la
sculpture disparue. Rien pour l'ensemble du cauchemar.
Drôle de place pour vivre
!
Il a un tas de papiers
chez lui dans lesquels il se fait répondre toutes sortes de non à ses
réclamations, pourtant modestes. Manque ceci. Manque cela. Ou : dans une
émeute, c'est l'assurance qui doit payer, suggère un fonctionnaire. Mais non,
répond Desjardins à Partaik. Votre police ne couvre pas ce genre de dommages.
Comme l'a échappé un
jeune policier municipal, en présence du SOLEIL, trois jours après le Sommet :
c'est quand même une drôle de place pour vivre, trouvez pas ? Voilà que le
centre-ville, où toutes les administrations publiques tentent désespérément de
ranimer la flamme résidentielle, devient une « drôle de place pour vivre ».
« Ce qui me désole le
plus, dans cette affaire, confie Partaik, c'est que la population se laisse
tranquillement glisser dans l'apathie. Quatre ans après le poivre de Cayenne de
l'APEC (Asia Pacific Economic Cooperation), à Vancouver, le gouvernement
fédéral a fait des excuses aux victimes. C'est ça, notre nouvelle démocratie ?
On va nous faire des excuses à nous aussi, dans cinq ans ? »
Restaient donc les
recours collectifs. Pour lui comme pour des milliers d'autres qui ont d'abord
tenté de se faire rembourser par leurs propres moyens.
Deux procédures du genre
ont été entreprises. L'une sous l'aile de Me Daniel Petit, de Québec, à la
demande de Denis Sylvain. Ce dernier réclame 52 millions $ de dédommagements
pour 9000 personnes, autant résidantes de l'intérieur de la clôture que de
l'extérieur.
La seconde est pilotée
par Me Denis Poitras, de Montréal, à la demande de Francine Duchesneau, une
grande malade de la rue Saint-Olivier. Celle-ci réclame 300 millions $ au nom
de 30 000 citoyens qu'elle estime avoir été lésés par les gaz lacrymogènes ou
autrement : arrestations illégales, attentats aux libertés civiles, etc.
Les procédures sont
longues et ardues. Me Petit se dit même retardé par la cause menée depuis
Montréal. Me Poitras a d'ailleurs reconnu au SOLEIL qu'il n'était pas au
courant de la nourriture retirée d'au moins un hôtel du Sommet, le Royal
Palace, à cause de la contamination par les gaz. Ce dont les médias avaient
fait grand état à l'époque.
Certains interrogatoires
sont néanmoins choses faites. Et les deux avocats espèrent être entendus à
l'automne, avec la presque certitude que leur recours sera accueilli par la
cour. Disent-ils, tout au moins.
Raymond Giroux
OTTAWA — Marc Lortie a
vécu l'histoire. Le 11 septembre dernier, ministres et hauts fonctionnaires des
34 pays de l'hémisphère se rencontraient à Lima, capitale du Pérou, pour
finaliser la Charte démocratique adoptée en principe au Sommet de Québec.
|
Marc Lortie |
« Nous étions encore hors
de la salle, et regardions en direct sur CNN la destruction des deux tours du
World Trade Center », raconte-t-il en entrevue.
« Colin Powell, le
secrétaire d'État américain, est là. Il y a un sentiment de panique dans le
groupe, nous savons tous que M. Powell doit retourner illico à Washington. Son
pays est attaqué.
« La séance s'ouvre
alors, poursuit M. Lortie, et M. Powell dit, en substance : la meilleure
réponse qu'on peut faire aux terroristes qui sont en train d'attaquer mon pays,
c'est d'accepter la charte, parce que nous vivons selon des valeurs de démocratie,
d'ouverture, de liberté.
« Je ne partirai pas de
cette salle pour rentrer dans mon pays tant et aussi longtemps que nous
n'aurons pas adopté la charte, avait ajouté le représentant des États-Unis. »
La charte acceptée, il rentra à Washington sur son avion privé, alors que les
autres délégués nord-américains durent attendre la levée de l'interdiction des
vols pour retourner chez eux. « C'était poignant de la part de M. Powell, un
homme tout en sobriété », se souvient l'ancien sherpa du Sommet de Québec.
M. Lortie occupe
aujourd'hui le poste de sous-ministre des Affaires étrangères responsable des
Amériques. Autrement dit, il assure le suivi du Sommet de Québec jusqu'à temps
que l'Argentine prenne la relève, en janvier 2004.
|
Une sorte de sécurité
d'emploi pour lui ? Non, réplique-t-il, car c'est une fonction qui revient au
Canada, et non à lui personnellement. Le public avait l'impression, à la fin du
Sommet, que le Canada passait le bâton à l'Argentine sur-le-champ. Il n'en
était rien, et au fond, tant mieux ! L'Argentine a d'autres chats à fouetter
depuis ce temps. Le président de la Rua a été chassé par la rue, deux
successeurs n'ont pas duré plus longtemps que les roses, et le président
actuel, M. Duhalde, assure en théorie la fin de leur mandat, les élections
étant prévues pour décembre 2003.
« Situation compliquée »
M. Lortie raconte qu'il a
choisi de ne pas mettre de pression sur les Argentins, dans les circonstances.
Lui-même a pris la responsabilité des activités un an seulement avant le Sommet
de Québec. « Leur situation est pour le moins compliquée, dit-il, et le Canada
assure la mise en œuvre tant que l'Argentine ne se sentira pas prête à le
faire. »
Il ne le cache pas, « le
cas de l'Argentine fait mal à l'image de la ZLEA ». Mais ces difficultés
reconnues, M. Lortie, un optimiste par nature et qui ne s'en cache pas, est
convaincu que « nous aurons un accord en janvier 2005 ».
Mais auparavant, il
reconnaît une lourde mission aux promoteurs de la ZLEA : « Les gouvernements et
les ministres du commerce international ont le fardeau de la preuve de
démontrer que ce que nous construisons est bénéfique pour les populations.
« Les forces protectionnistes
sont à l'œuvre constamment », dit-il en rappelant qu'à Québec, nous avons eu
droit à un grand mouvement populaire contre la construction de la ZLEA.
Le Sommet des peuples
rassemblait « toute sorte de monde : des parlementaires qui veulent éviter tout
déficit démocratique, des syndicats qui veulent protéger les droits des
travailleurs, et aussi d'autres qui tenaient un discours marxiste-léniniste
pour qui la ZLEA était le diable personnifié ».
Ce courant tient-il
toujours ? M. Lortie constate que « Porto Alegre a été une grand-messe
populaire contre le libre-échange. Le mouvement antimondialisation a ses
forces, mais je ne sais pas s'il est aussi combatif qu'il y a un an ».
Les leçons ont-elles
porté ? Comme avant le Sommet de Québec, M. Lortie rappelle qu'il faut que tous
les volets du projet des Amériques fonctionnent. « La Charte démocratique aura
un impact dans la mesure où la construction hémisphérique donnera ses fruits »,
les sanctions aux violations de la démocratie allant ultimement à une exclusion
des bénéfices économiques de la ZLEA.
Stéphane Paquet
Bois d'œuvre canadien.
Acier européen et brésilien. Les États-Unis ont beau répéter que le
libre-échange est encore à leur ordre du jour, les lobbies protectionnistes
sont toujours à l'œuvre. Suffisamment pour faire dérailler un accord sur la
Zone de libre-échange des Amériques ?
« Cette décision sur l'acier jette quelques
nuages sur le climat des négociations. Ce n'est pas quelque chose qui aide »,
admet diplomatiquement le coordonnateur général des négociations de la ZLEA
pour le Brésil, Antonio Simoes. « Ce type de décision est clairement vers le
protectionnisme, pas vers le libre-échange », poursuit-il, en entrevue au
SOLEIL.
Ce dont il est question
ici, c'est la décision américaine d'imposer des droits d'entrée pouvant
atteindre 30 % sur l'acier européen et sur une partie de l'acier produite au
Brésil. Un cas qui ressemble à celui du bois d'œuvre canadien, où les parties
opposées aux États-Unis accusent les Américains de vouloir protéger des
secteurs moins performants de leur industrie en bloquant ceux des autres pays à
la frontière. « Plusieurs pays ont raison d'être choqués contre la politique
commerciale des États-Unis ! » lance Daniel Griswold, du CATO, un groupe de
recherche américain pro-libre-échange.
Archives, LE SOLEIL |
L'ambassadeur américain à Ottawa, Paul
Cellucci. |
En mars, après
l'imposition des droits sur l'acier, Robert Zoellick, le représentant américain
au Commerce, s'est rendu au Brésil pour tenter de limiter les dommages
diplomatiques. Ces droits, a-t-il dit, prouvent qu'il vaut mieux avoir un
accord de libre-échange. « Ça envoie le signal que, si vous avez un accord de
libre-échange avec les États-Unis, vous êtes un partenaire privilégié. »
En entrevue au SOLEIL,
l'ambassadeur des États-Unis à Ottawa, Paul Cellucci, endosse évidemment la
position de son président. « Nous voulons des prix qui soient fixés par le
marché, pas par les subventions. » Et il affirme que l'échéance de 2005 pour en
arriver à un accord est « très faisable, même s'il reste beaucoup de travail à
faire ».
Avant d'en arriver là, le
président Bush a demandé au Sénat de lui accorder carte blanche pour négocier
des traités commerciaux, via le Trade Promotion Authority, ce qui lui
permettrait de faire voter en bloc un traité international.
L'administration
américaine espère avoir obtenu le feu vert du Sénat d'ici un mois, au dire de
l'ambassadeur Cellucci.
Cette nouvelle carte
entre les mains du président Bush lui permettra-t-elle d'éviter d'affronter
différents lobbies protectionnistes qui se font souvent entendre par la voix de
congressmen ? « Il n'y a pas de ligne de parti à suivre comme dans le système
parlementaire canadien », reconnaît diplomatiquement l'ambassadeur Cellucci. Le
projet de traité a beau venir du président, les membres républicains du Congrès
ne se sentent pas autant obligés qu'ici de suivre le mot d'ordre du patron.
Mais il ne faudrait pas
croire que seuls les Américains ont des doutes sur l'ouverture des marchés aux
produits fabriqués ailleurs.
De passage à l'Université
Laval la semaine dernière, l'ambassadeur du Canada en République dominicaine,
Bruno Picard, qui suit avec intérêt les négociations de la ZLEA, parlait «
d'enthousiasme et d'anxiété » pour qualifier l'état d'esprit des Dominicains à
quelques années d'une plus grande ouverture des marchés.
Au Brésil aussi un certain
courant protectionniste se fait entendre. Et la décision américaine sur l'acier
n'a fait que lui donner d'autres munitions. Mais le négociateur en chef Simoes
est formel : un accord satisfaisant est possible pour 2005.
Raymond Giroux
OTTAWA — Non, la ZLEA
n'est pas morte sous le poids de la conjoncture internationale et du changement
de cap que les attentats du 11 septembre ont imposé aux priorités des
États-Unis.
Depuis l'an dernier, sept rencontres
ministérielles se sont tenues exactement comme prévu, et le calendrier 2002
comprend une cinquantaine de réunions officielles touchant à tous les aspects
du « processus de construction hémisphérique », selon l'expression de M.
Lortie. Même silencieux, le train est en marche.
Mais ce processus
technocratique doit tenir compte du contexte politique nouveau et mouvant. De
la reprise du terrorisme au Pérou aux enlèvements en série en Colombie, les
attentats du 11 septembre incitent politiciens et citoyens à tisser des liens
entre des événements qui paraissaient auparavant indépendants.
Si la ZLEA a attiré
l'attention, le processus interaméricain comprend de multiples facettes trop
souvent ignorées. Ainsi, depuis le Sommet de Québec et dans le cadre de ses mandats,
la Banque interaméricaine de développement a accordé deux prêts de 400 millions
$US pour des projets de gouvernements locaux en Colombie, et de 250 millions
$US au Pérou pour assurer une plus grande transparence de son administration.
D'autres prêts dans le
domaine de la justice ont été accordés au Costa Rica et au Salvador, tandis que
les dossiers de la corruption, du combat contre les drogues et de la lutte contre
le terrorisme ont bougé.
La Charte démocratique ?
Adoptée en principe à Québec, longuement débattue avant son approbation finale
à Lima, ce même 11 septembre où tombait le World Trade Center, son efficacité
reste à prouver.
L'étude sur la sécurité
de la Focal mettait d'ailleurs le monde en garde contre les retombées négatives
possibles de la lutte antiterroriste sur la démocratie et les droits de la
personne en Amérique latine.
L'opinion québécoise et
canadienne ne remet pas en question son allégeance à l'ouverture sur le
continent. Tout comme le gouvernement canadien, le Bloc québécois favorise la
ZLEA.
« Le contexte
international la rend plus nécessaire que jamais, dit le député bloquiste
Pierre Paquette, tant qu'elle est non pas simplement un projet commercial, mais
un outil de coopération entre les peuples. » Ottawa ne dit pas mieux.
Pour son plus grand
malheur, si l'on peut dire, la première opération démocratie depuis l'adoption
de la Charte touche Haïti, où un rapport intérimaire remis au début de ce mois
à l'Organisation des États américains se confond en vœux pieux.
|
Depuis la rencontre des 34 chefs d'État des
Amériques à Québec, sept rencontres ministérielles se sont tenues exactement
comme prévu. |
Mais comme le disent les
familiers du pays, peut-on vraiment sanctionner ce pays qui attire la pitié par
son incapacité viscérale à se tirer d'affaire ?
Les Etats-Unis
Oussama ben Laden a
bouleversé la vie des Américains. Même si de toute évidence le président George
W. Bush regarde plus vers l'Asie, et maintenant vers le Moyen-Orient, que vers
l'Amérique latine, le Canada demeure optimiste et croit toujours à son intérêt.
L'ouverture vers le Sud «
correspond à ses intérêts », explique M. Lortie. « Sa volonté politique est
évidente, dit-il en citant son discours d'il y a 10 jours, au State Department,
où il a lancé un vibrant appel pour que le Sénat vote à son tour le Trade
Promotion Authority, qui lui permettrait de faire voter en bloc tout traité
international.
« M. Bush veut arriver
aux négociations avec un mandat, et c'est pour cela qu'il demande un vote avant
le 22 », soit avant la rencontre du Venezuela où démarreront officiellement les
pourparlers de la ZLEA, soutient le ministre du Commerce international, Pierre
Pettigrew.
« Car les États-Unis ont
besoin de ce vote pour être pris au sérieux., autant à la ZLEA qu'à l'OMC »,
explique le ministre. La Chambre des représentants a déjà accepté le projet en
décembre dernier, à une voix de majorité, mais les contraintes électorales américaines
limitent la liberté d'action du président.
N'empêche, si le 11
septembre a changé un peu la donne, affirme le politicologue Gordon Mace, de
l'Université Laval, cette date n'est pas le seul coupable de la baisse
d'intérêt des Américains.
« Les conditions dans
lesquelles l'initiative hémisphérique avait été lancée n'existent plus
vraiment, dit-il, et la situation en Amérique latine n'aide pas, dans ce
contexte.
« L'idée de la
convergence des valeurs, de la Grande famille, avait soulevé beaucoup d'espoirs
qui ont porté jusqu'au Sommet des Amériques. Mais cela retombe entre chaque
sommet, et la chute a été plus abrupte cette fois.
« Le soutien des
États-Unis est moins présent, dit-il, et la conjoncture n'aide pas : la Charte
démocratique a été débattue et adoptée au moment même des attentats, le 11
septembre, et personne n'en a parlé hors de ceux qui suivent le dossier. »
Plusieurs doutent de
l'intérêt des Américains, à l'heure actuelle. Comme le disait le professeur
George Haynal, de l'Université Harvard, lors d'une visite au comité
parlementaire sur les Affaires étrangères, en février dernier, la question «
n'apparaît pas encore sur le radar américain ».
Les responsables
canadiens, eux, veulent croire à la bonne volonté des voisins du sud. « M. Bush
veut vraiment faire avancer le projet », soutient M. Lortie avant de
reconnaître qu'il y a une différence entre ce que le président veut et ce qu'il
peut accomplir dans les faits.
Même un
syndicaliste-souverainiste comme M. Paquette croit à la volonté américaine. «
Le 11 septembre, dit-il, les négociations de la ZLEA comme celles de l'OMC sont
devenues un élément de leur stratégie en vue d'une sécurité accrue. »
Argentine
L'Argentine doit prendre
la relève du Canada, pour le Sommet de 2005. Mais l'ex-président de la Rua, à
qui Jean Chrétien a remis les clés de la voiture le 22 avril dernier, se terre
maintenant dans sa résidence. Le ministre des Finances de l'époque, Dominguo
Cavallo, croupissait en prison, la semaine dernière, sous des accusations de
trafic d'armes.
Et le pays attend
impatiemment une aide extérieure qui ne vient pas. Le Fonds monétaire
international a mauvaise presse dans ce dossier, l'Argentine ayant justement
suivi ses conseils pour sortir de sa crise précédente.
En outre, comme le
constate le ministre Pettigrew, « il n'y a eu aucune contamination dans les
pays voisins ». Autrement dit, une crise limitée aux frontières d'un seul pays
attire moins la sympathie des étrangers qui, comme la population argentine, a
tendance à blâmer la classe politique pour les malheurs de la nation.
S'il ne faut pas
dramatiser les effets de cette crise sur le plan technique, dit M. Mace, rien
n'empêche que l'image du pays n'est pas à son meilleur, pour assurer le
prochain sommet. Quand le pilote se porte mal, le projet se vend mal.
Brésil
Géant de l'Amérique
latine, le Brésil se comporte en chef de l'opposition, soutient M. Mace.
L'expression fait sourire Marc Lortie, qui, sans nier que l'économie soit
fermée, par tradition, rappelle que le président Cardoso a joué la carte de
l'ouverture, au cours de son mandat.
Mais les élections de cet
automne n'annoncent rien de bon. aucun parti ne prône l'ouverture. Les
Brésiliens de toute obédience soutiennent qu'ils ont beaucoup donné depuis cinq
ans, et attendent maintenant le retour de l'ascenseur.
Le sentiment populaire ne
suit pas, constate M. Lortie, même si les négociateurs adoptent une attitude
positive. La reprise du dialogue dans le conflit Bombardier-Embraer, la semaine
dernière, donne espoir aux Canadiens de rallier le Brésil.
Mais comme l'explique M.
Mace, il faut connaître les visions de grandeur du Brésil, qui compte sur «
l'éternel futur » et voit mal une association avec des petits pays comme le
Canada, l'Argentine ou le Mexique alors qu'il se croit capable d'aller au-delà,
sur un pied d'égalité avec les grands de ce monde.
Mexique
Le Mexique pose un
problème particulier, aux prises lui aussi avec une situation politique
intérieure floue. Insulte suprême, d'ailleurs, le Sénat, dominé par le PRI
d'opposition mais au pouvoir pendant 75 ans auparavant, a refusé la permission
au président Vicente Fox de visiter le Canada et les États-Unis, cette semaine.
Difficile de trouver mieux comme gifle politique. Difficile aussi d'envoyer un
signal plus négatif aux partisans de l'ouverture continentale.
Le président Fox joue la
carte de l'intégration nord-américaine. Sans jamais le dire ouvertement,
signale le professeur Mace, car le Mexique tient un discours intégrationniste
politiquement fort correct, il veut jouer le rôle de porte d'entrée,
d'intermédiaire entre l'Amérique du Sud et les États-Unis et conserver ses
privilèges.
Car la ZLEA, pour lui, le
ramènerait au statut « d'un parmi les autres » qu'il avait avant la signature
de l'ALENA.
Ne pas perdre la face
Y aura-t-il une ZLEA en
janvier 2005 ? Les autorités canadiennes y croient toujours, et comptent sur
les deux années de négociations qui viennent pour y parvenir malgré les
nouveaux obstacles au parcours. De l'extérieur, M. Mace croit lui aussi que les
gouvernements ne voudront pas perdre la face. Mais l'entente qu'ils signeront,
et pas nécessairement dans le calendrier prévu, risque de se traduire par un
accord minimaliste dont la Charte démocratique ferait les frais.
Car « sans la ZLEA, la
Charte n'a aucune dent, dit-il. Mais peut-être avons-nous été trop optimistes
au départ et que cela prendra beaucoup plus de temps que prévu à changer les
conditions en Amérique latine, surtout aux plans de la corruption, des
pratiques démocratiques entre les élections et des habitudes économiques des
classes dirigeantes ».
Stéphane Paquet
Y aura-t-il ZLEA ou n'y
aura-t-il pas de ZLEA en 2005 ? La réponse change selon la personne à qui la
question est posée. Une certitude par contre, les barrières commerciales
continuent de tomber.
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Pour les Américains,
croit Daniel Griswold, il est plus intéressant de dépenser de l'énergie à
l'OMC. Environ 95 % de leurs exportations se retrouvent dans les pays qui en
sont membres. |
Ces 10 dernières années,
le Mexique a signé 32 accords de libre-échange, dont un avec l'Union
européenne. Après un accord de libre-échange avec le Costa Rica, le Canada se
fait demander de lancer des négociations pour en venir à une entente similaire
avec la République dominicaine. Le Brésil négocie à la table de la Zone de
libre-échange des Amériques, à celle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)
et participe aux négociations du Mercosur avec l'Union européenne. Les
Amériques causent de libre-échange. Et pas seulement de ZLEA.
Antonio Simoes est le
chef négociateur du Brésil pour la ZLEA. Dans un français impeccable, il
explique au SOLEIL que son pays, comme les autres du Sud, aimerait bien pouvoir
vendre ses produits agricoles sans droits commerciaux aux États-Unis, et voir
éliminer les mesures antidumping. « Notre grand espoir, c'est d'avoir un plus
grand accès au marché américain, même si nous comprenons que les États-Unis
auraient un plus grand accès au marché brésilien. »
La question est maintenant de savoir si ce
plus grand accès passera par la ZLEA ou par l'OMC. Parce que les pourparlers à
l'Organisation mondiale du commerce vont également assez rondement. « Le rythme
des négociations de l'OMC est variable. Pour la ZLEA, c'est le même rythme
depuis 1994. Il n'est pas rapide, mais ça avance.
« Les énergies seraient
mieux dépensées à l'OMC qu'à la ZLEA », soutient Daniel Griswold, du centre CATO
de Washington, un organisme pro-libre-échange. Et il précise que 95 % des
exportations américaines se retrouvent dans un pays membre de l'OMC. Pour ce
qui est des pays de la ZLEA, à peine 8 % des exportations américaines
aboutissent dans des pays autres que le Canada et le Mexique, déjà couverts par
l'ALENA. Dans ces conditions, on peut comprendre l'importance des négociations
de l'OMC pour les Américains.
Signataire de l'ALENA, le
Mexique n'est sans doute pas le pays qui, économiquement, retirerait le plus
d'avantages de la ZLEA, lui qui peut déjà vendre facilement ses produits au
Canada et aux États-Unis. Ça n'empêche pas Alfonso Nieto, de l'Ambassade
mexicaine à Ottawa, de se montrer emballé par les perspectives qu'offrirait un
accord. « Vicente Fox est un grand promoteur de la démocratie au Mexique. Il
aimerait bien que l'accord permette d'étendre cette démocratie plus au sud »,
dit-il.
Échéance élastique !
L'accord sera-t-il prêt
comme prévu en 2005 ? « Je pense que c'est possible, mais improbable »,
souligne l'observateur Griswold. De toute façon, ajoute-t-il, l'important est
que l'accord soit réellement accepté par les 34 pays de la ZLEA. « Toute la
diplomatie et le tordage de bras américains ne changeront rien à cette
situation. »
Là-dessus, le négociateur
brésilien reconnaît que la ZLEA est un sujet débattu âprement dans la campagne
électorale déjà en cours chez lui, même si les élections n'auront lieu que cet
automne. « C'est un débat très grand qui, je crois, va prendre de l'ampleur au
fur et à mesure que la campagne avancera », soutient M. Simoes.
Et pour ajouter à l'incertitude entourant la
ZLEA au Brésil, l'évêque Jayme Chemello, de la puissante Église catholique
brésilienne, a lancé l'idée d'un référendum sur le sujet. L'évêque craint que
la ZLEA profite aux pays riches, plus qu'aux pauvres.
Pour convaincre cette
société civile qui doute, Antonio Simoes organise quatre fois par année des
rencontres afin de faire le point sur les négociations. Sa tâche ne sera pas
facile.
Malgré ces difficultés,
le libéralisme économique s'en tire plutôt bien en cette période de
ralentissement économique, habituellement plus propice au protectionnisme de la
part des leaders politiques et économiques. « Traditionnellement, oui, c'est ce
qui se passe, admet M. Griswold. Mais cette fois-ci, ce n'est pas autant le
cas. » Il y a bien quelques « complications, dont certaines créées par les
États-Unis », précise-t-il (voir texte en A 1) mais dans l'ensemble, le climat
est resté favorable aux libre-échangistes.
Autrement dit, si la ZLEA
devait frapper un mur, si les dirigeants ne trouvaient pas les mots et les
arguments pour convaincre leurs populations du bien-fondé de ce projet précis,
l'idée de libéraliser le commerce continue de faire son chemin. Peu importe le
forum.
Jean-Simon Gagné
Il y a un an, alors que
se déroulait le Sommet des Amériques, à Québec, la vague antimondialisation
n'en finissait plus de grandir. C'était avant la sanglante répression ayant
entouré la réunion du G8, en Italie, au mois de juillet dernier. Avant les
attentats du 11 septembre, aussi. Autant dire, en pleine préhistoire...
Seattle, en décembre
1999, ils étaient parvenus à faire capoter une réunion cruciale de
l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Un véritable mythe fondateur. À
Prague, quelques mois plus tard, ils assiégèrent les délégués de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), barricadés — comble de
l'ironie — dans l'ancien siège du Parti communiste tchécoslovaque. À Nice, à
Washington, à Québec, les grands rendez-vous du capitalisme mondial traînaient
désormais dans leur sillage des manifestations monstres, empruntant à la fois
au happening de rue, à la love-parade et à la guérilla urbaine. Les analystes,
habitués au ronron de l'après-guerre froide, en perdaient leur latin. « Cette
jeunesse pose un terrible problème aux adultes. Elle ne croit plus en eux,
commentait le journaliste Claude Askolovitch dans Le Nouvel Observateur. Elle
n'a que faire des partis politiques, qui administrent le monde au lieu de le
changer. Elle se méfie des médias officiels, préférant, pour sa frange la plus
activiste, s'en remettre à ses propres réseaux indépendants. »
Pour la première fois
depuis des lustres, les maîtres du monde doivent revoir leur copie. Car à
défaut de « changer la vie », les protestataires ébranlent les colonnes du
temple de la finance. Dans son Rapport sur le développement mondial de l'an
2000, la Banque mondiale se livre même à un étonnant mea culpa, constatant que
le revenu moyen dans les 20 pays les plus riches est 37 fois supérieur à celui
dans les 20 pays les plus pauvres. L'hebdomadaire Business Week, qui ne saurait
être soupçonné de sympathies de gauche, sonne l'alarme : « (...) à moins que
les sociétés multinationales ne prennent en charge les coûts sociaux dans les
pays où les gouvernements sont faibles, ce sont les manifestations de rue qui
leur imposeront leurs règles. » Piteusement, pour échapper aux manifs, l'OMC
annonce le lieu de sa prochaine réunion : destination Qatar, en plein désert !
À peine plus courageux, le G8 opte pour un site dans les Rocheuses canadiennes.
Malgré les apparences, la croisière ne s'amuse plus du tout.
|
Québec, c'était avant
la mort d'un manifestant à Gênes et les attentats du 11 septembre. C'était
une autre époque. |
Ici et là, on sent
confusément que l'épreuve de force connaîtra un dénouement tragique. « On ne
peut pas continuer à organiser les grandes réunions internationales sous la
protection de la police ; il faut bâtir un système de dialogue (avec les
manifestants) », suggère le ministre français des Affaires étrangères, Hubert
Védrine. Rien à faire, l'escalade se poursuit. À Québec, en avril 2001, pour
protéger les délibérations de 34 chefs d'État, une clôture de 6,4 kilomètres de
long est érigée. En trois jours, les forces policières tirent plus de 900
balles de plastique ou de caoutchouc. Près de 5000 grenades lacrymogènes sont
utilisées. Le mois suivant, à Göteborg, en Suède, les policiers utilisent des
balles réelles pour abattre une poignée de trouble-fête. À la mi-juillet,
lorsque les dirigeants du G8 se rencontrent à Gênes, en Italie, l'ambiance est
survoltée. « Ça passera ou ça cassera », comme on dit. Et il y aura de la
casse. À un degré encore jamais vu. Un manifestant est tué d'une balle dans la
tête. Cinq cents personnes sont blessées. Les saccages causent des millions de
dollars de dégât.
Immense émotion
De part et d'autre,
l'émotion sera immense. Les autorités accusent les manifestants de faire le jeu
de quelques radicaux. Le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn
soutient qu'ils détournent l'attention des grands enjeux comme le Sida en Afrique,
la pauvreté et la corruption. La rumeur veut que des groupes terroristes vont
utiliser les grands rassemblements pour s'attaquer à des chefs d'État, en
particulier le président George W. Bush. Plus tard, on apprendra que le
ministre de l'Intérieur, Claudio Scajola, a donné l'ordre de tirer sur
quiconque franchirait le périmètre de sécurité. Un photographe réussit à
croquer un groupe de policiers déguisés en cagoulards anarchistes, qui sortent
d'une camionnette. Des manifestants arrêtés sont contraints par leurs geôliers
d'exécuter le salut fasciste et de crier « Viva il Duce » ! La police investit
en pleine nuit le Centre des médias indépendants, faisant montre d'une
brutalité incroyable. Sur un mur du Centre, à l'arrivée des journalistes
étrangers, une main vengeresse a placardé une affiche dont le message fait
rapidement le tour du monde : « Ne nettoyez pas les taches de sang ».
Pour les uns, les « antis
» ont perdu leur innocence. Pour les autres, le « système » a montré son vrai
visage. Le fossé s'élargit entre les « radicaux », pour qui les injustices
criantes appellent une réponse musclée, et les « pacifistes » qui entendent
respecter les lois. Les dissensions plus ou moins étouffées à Prague, à Québec
ou à Nice éclatent au grand jour. Plusieurs organisations, notamment des
centrales syndicales, Greenpeace et OXFAM, prennent leurs distances avec un
mouvement qui leur apparaît trop violent. Après trois ans d'euphorie, le peuple
de Seattle, comme on l'appelle déjà, vit sa première véritable crise existentielle.
« Je crois que l'on peut parler du tournant de Gênes, explique Robert Jasmin,
président du mouvement Attac-Québec. Cela a constitué une sorte d'arrêt sur
l'image, le point de départ d'une réflexion profonde, sur bien des sujets. Par
exemple, faut-il toujours se laisser dicter nos agendas par nos adversaires ?
L'an prochain, pour le G8, ils s'en vont se réfugier avec les ours, dans les
montagnes Rocheuses. Faut-il absolument les suivre, être à leur remorque ? »
Les attentats du 11
septembre surprendront le mouvement antimondialisation en pleine remise en
question. Pendant plusieurs semaines, les « antis » apparaissent littéralement
tétanisés. Les manifestations qui devaient se dérouler quelques jours plus tard
à Washington, pour les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale,
sont annulées. Certaines critiques virulentes de la politique étrangère
américaine passent mal, alors que des milliers de personnes gisent sous les
décombres du World Trade Center. Aux États-Unis, en pleine fièvre patriotique,
les opposants à l'intervention en Afghanistan font figure d'extraterrestres. «
Le 11 septembre a eu un impact considérable, explique Dorval Brunelle,
codirecteur du Groupe de recherche sur l'intégration continentale (GRIC). Dans
un premier temps, il y a eu un recul indéniable, surtout aux États-Unis. Une
vraie expérience traumatique. Mais assez vite, en Europe et en Amérique latine,
la mobilisation a repris. »
Quel avenir pour le
mouvement antimondialisation ? Un an après le Sommet des Amériques, le portrait
apparaît plutôt contrasté. Aux États-Unis, les rassemblements monstres ne sont
guère à l'ordre du jour. Pour accueillir le gratin du Forum économique mondial,
en février, à New York, ils n'étaient plus que quelques milliers. Mais les
choses se passent différemment en Amérique latine et en Europe. À Porto Alegre,
au Brésil, plus de 50 000 personnes ont assisté au Forum social mondial, devenu
le véritable laboratoire des alternatives politiques. À Barcelone, le 16 mars,
la plus grande manifestation de l'histoire du mouvement s'est déroulée dans le
calme. Deux cent cinquante mille personnes, selon les autorités. Cinq cent
mille selon les organisateurs. Pour reprendre la boutade d'un militant, « ceux
qui prédisaient la fin du mouvement se sont encore mis le doigt dans l'œil.
Tout compte fait, le mort apparaît en excellente santé ».
Jean-Simon Gagné
Pour les militants
antimondialisation de Québec, le Sommet des Amériques aura constitué une sorte
électrochoc. Bilan provisoire de trois journées qui ébranlèrent leur monde et
qui balayèrent quelques illusions.
Aux yeux du reste du
monde, le deuxième Sommet des Amériques, à Québec, n'aura constitué qu'une
étape, un épisode, une escale sur la route des grandes messes de la
mondialisation. Mais pour les militants de Québec, les journées du Sommet
auront concentré tout ce que peut attendre un activiste. « À Québec, durant
trois jours, on a suspendu les libertés civiles, soutient Christian Dubois, un
ancien du Centre des médias alternatifs (CMAQ). Jamais nous n'avions vu les
forces de la répression autant mises à nu. Sur le coup, on aurait pu penser
qu'il se bâtirait une vaste coalition pour réclamer une enquête publique sur le
comportement des forces policières. Mais depuis, il y a eu le sommet de Gênes,
les attentats du 11 septembre et les massacres en Palestine. Les gens ont dû
passer à autre chose. »
« À cause de la
répression policière, il y a eu un important courant de solidarité entre les militants
de Québec, dans les mois qui ont suivi le Sommet », estime Robert Jasmin,
président de l'Association pour la taxation des transactions financières et
pour l'Aide aux citoyens (Attac-Québec). Selon lui, les violences de Gênes ont
provoqué une profonde remise en question. Pour Christian Dubois, du CMAQ, la
contestation des Sommets a clairement démontré ses limites. « Bien sûr, cela de
permet de manifester notre opposition, mais cela ne permet pas nécessairement
de faire avancer nos idées. C'est beau d'être anticapitaliste, mais il faut
démontrer que le monde meilleur dont nous rêvons est possible. »
Comme plusieurs
militants, Christian Dubois a pris une pause après le sommet. Victime d'une
sorte de blues du militant. « Il y a eu une sorte de blues, comme un
post-partum. Tu travailles 18 heures par jour, la pression est immense, et puis
soudain, plus rien. » Après la fièvre du Sommet, l'action quotidienne, sur le
terrain, peut avoir l'air un peu ennuyante. Pour lui, les événements des
derniers mois ont donné plus de profondeur au mouvement. « Tout continuera à se
coordonner à l'échelle internationale, mais il est clair que les gens vont
d'abord se mobiliser autour d'enjeux locaux, comme la pollution ou la crise du
logement. Je crois qu'en définitive, ce qui s'est passé à Québec a donné à
beaucoup de gens le goût de s'impliquer. »
« Délire sécuritaire »
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Christian Dubois : « Ça
permet de manifester notre opposition, mais pas nécessairement de faire
avancer nos idées. » |
À Québec, les militants
américains ont été impressionnés par l'appui reçu de la part des citoyens. Au
point où certains ont parlé de la naissance de quelque chose d'entièrement
nouveau. Mais tout cela, c'était avant le 11 septembre. Pour Mathieu, un
militant de la NEFAC, la Fédération des communistes libertaires du Nord-Est, le
ressac provoqué par les attentats ne durera pas éternellement. « Il y a un
délire sécuritaire, c'est clair. Une nouvelle chasse aux sorcières. L'ennemi
intérieur a changé. Parfois, il est arabe. Parfois, il est anarchiste. » Il
cite de mémoire la mésaventure d'un militant ontarien, qui s'est fait demander
par les douaniers américains, le plus sérieusement du monde : « Savez-vous où
se trouve Jaggy Singh ? Connaissez-vous Oussama ben Laden ? »
« Une fois que la conscience se met en branle,
elle ne s'arrête plus », conclut Robert Jasmin, président d'Attac-Québec. On
dit toujours que la population est dépolitisée, mais ce n'est pas tout à fait
exact. Sans être parano, on devrait plutôt dire qu'elle a été savamment
dépolitisée. Mais je crois que les choses sont en train de changer. Ce qu'on ne
voit pas, ce sont les milliers de personnes que nous avons informées, dans les
mois précédant le Sommet. Cela laisse des traces. Croyez-moi, les années qui
viennent vont être passionnantes. J'ai rencontré l'autre jour un type de 36 ans
qui m'a dit : « Je ne sais pas ce que je donnerais pour avoir 20 ans
aujourd'hui. Il m'a fait me souvenir combien, vers 1985, au milieu des règnes
de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan, la dissidence avait été réduite à
néant. »
Un an plus tard, le
Sommet n'a pas laissé que des souvenirs cuisants. Un militant raconte notamment
le choc culturel vécu par quelques anarchistes américains débarqués ici. « Ils
s'étaient donné toutes sortes de règles pour casser ce qu'ils appellent “les
rapports de pouvoir” d'un individu à un autre. Par exemple, leurs réunions se
déroulent en cercle, pour éviter que l'un ou l'autre des participants ne prenne
plus d'importance. Surtout, personne n'élève la voix. Les pauvres sont
véritablement tombés des nues en nous voyant fonctionner. Chaque fois que deux
francophones se parlaient, ils croyaient assister à une engueulade. Et quand
ils voyaient les chaises de nos salles de réunions alignées bien sagement,
comme à la petite école, ils se scandalisaient. Un soir, avant le Sommet, il a
fallu demander à une équipe de télé de sortir d'une réunion, le temps que tout
le monde s'explique. » Tout ça pour éviter qu'ils assistent à ces querelles
byzantines...
De quoi ressortir du
placard le commentaire de Jean-Paul Sartre à propos de la génération de mai 68
: « Vous avez une imagination limitée, comme tout le monde, mais vous avez beaucoup
plus d'idées que vos aînés. »
Robert Fleury
Le Sommet des Amériques,
un an après, a trouvé son écho au conseil de Québec. Après les médias, voilà
que le maire Jean-Paul L'Allier aussi voulait en faire le bilan. Hier, il s'est
dit satisfait en général du travail des policiers et des compensations du
fédéral. Sauf qu'il le refuserait dans le Vieux-Québec, si c'était à refaire,
compte tenu de toute la sécurité que cela impliquait.
« Dans l'ensemble, la
Ville est satisfaite de la façon dont les choses se sont déroulées. Le refaire
? Pas si on exigeait une sécurité aussi lourde. La trentaine de chefs d'État
venaient admirer le Vieux-Québec, mais n'en ont rien vu. Pour le G8, ils ont
compris, ils tiendront l'événement parmi les grizzlis. Mais je remercie encore
les jeunes qui ont empêché la casse et qui ont nettoyé le lendemain », a
déclaré le maire, convaincu que l'image de Québec à l'étranger n'en a pas
souffert.
201 dossiers réglés
Satisfait du travail de
sa police, et de la police des autres, la SQ et la GRC. Satisfait de la clause
démocratique, convaincu que le Sommet des Peuples y a contribué. Satisfait
d'avoir offert une tribune sur le perron de l'hôtel de ville. Satisfait de la
façon dont le fédéral s'est occupé des réclamations.
« Il y a 713 réclamations
pour des gens situés à l'extérieur du périmètre de sécurité. La Ville les a
accompagnés dans leurs démarches pour obtenir des compensations. Jusqu'ici, 201
dossiers ont été réglés, 300 000 $ ont été versés, 328 dossiers ont été fermés
faute de correspondre aux normes fédérales, 240 sont encore à l'étude et 6 font
l'objet d'une contestation judiciaire », énumérait-il.
« Quant aux réclamations
de 2,7 millions $ de la Ville, nous avons reçu 1 682 000 $, et un montant de
713 000 $ est encore en négociation. Essentiellement, nous sommes satisfaits »,
dit le maire de Québec.
L'UMQ sous surveillance !
Par ailleurs, l'Union des
municipalités du Québec est sous surveillance par la nouvelle ville de Québec.
Parce que les élus de Québec considèrent qu'ils sont mal représentés au sein de
la « nouvelle UMQ ». Le maire L'Allier et le chef de l'opposition par intérim,
Ralph Mercier, veulent s'assurer que la capitale ne perdra pas son pouvoir de
représentation. La Ville retiendra donc la moitié de la cotisation de 231 000 $
jusqu'en septembre, question de s'assurer que les congressistes entendront
leurs voix.
Encore le journal ...
Le conseil de Québec ne
s'est pas vraiment terminé, hier soir. Il a plutôt été suspendu sur une
question qui devait pourtant faire l'objet d'une entente : le contrat aux
hebdos du groupe Transcontinental pour la diffusion du journal municipal, Ma
ville, mon arrondissement. La séance spéciale pourrait se tenir à la fin de la
semaine si l'opposition reçoit réponses à ses questions entre-temps.
C'est un document obtenu
vers 13 h hier, et que les directions d'arrondissements n'ont pas eu le temps
de consulter, qui a forcé l'opposition à prendre cette décision, explique Paul
Shoiry.
« Nous étions très près
de nos publications dans nos villes respectives. Il y avait beaucoup
d'informations sur les loisirs, nous mettions des pages à la disposition des
organismes. C'est évident que les quatre pages proposées, deux pour la ville,
deux pour l'arrondissement, sont nettement insuffisantes. Et nous voulons
pouvoir parler de notre travail en commission, avoir un mot à dire sur le
contenu des pages dans l'arrondissement », avoue l'ex-maire de Sillery.
Cent fois sur le métier...
Julie Lemieux
Un an plus tard, et
plusieurs citoyens de Québec attendent toujours d'être indemnisés pour les
dommages causés lors du Sommet des Amériques. Un an plus tard, et moins de la
moitié des réclamations provenant de l'extérieur du périmètre de sécurité ont
été analysées. On aurait pu s'attendre à un peu plus de respect de la part du
gouvernement fédéral pour tous ces citoyens qui ont subi les contrecoups du
Sommet sans n'avoir jamais rien demandé.
Les choses se sont
déroulées plutôt bien pour les requérants provenant de l'intérieur du périmètre
de sécurité, puisque le gouvernement leur avait promis des indemnités avant
l'organisation du Sommet. Mais pour les autres, pour ceux qui avaient le malheur
d'habiter du mauvais côté de la clôture, l'histoire est toute autre.
Pourtant, le gros des
affrontements s'est déroulé à l'extérieur du périmètre. Les gaz, les balles de
plastique ont été expédiés en direction de ces citoyens qui ont eu la « drôle
d'idée » de vivre au centre-ville, pour reprendre l'expression loufoque d'un
policier. Il est quand même déplorable que le gouvernement prenne autant de
temps pour analyser la demande d'indemnisation de ces personnes, prises au
piège entre manifestants et policiers.
On peut comprendre que
les fonctionnaires veulent éviter les fraudes et les abus. Mais quand même. Une
enveloppe de deux millions $ est sur la table, dont le huitième seulement a été
dépensée jusqu'à maintenant. Le gouvernement dispose donc d'une marge de
manœuvre intéressante.
De plus, il suffit
d'avoir mis les pieds dans les environs du périmètre de sécurité pendant le
Sommet pour comprendre qu'à peu près tous les résidants du coin ont été
incommodés par les bombes lacrymogènes. Un simple coup d'oeil à l'adresse de
requérant donne une bonne idée des dommages qu'il a dû subir au plus fort des
affrontements.
Le gouvernement ne
devrait donc pas être trop intransigeant lorsque vient le temps d'analyser les
preuves présentées. Ces citoyens ont respiré des gaz contre leur gré. Il serait
aberrant qu'on les noie maintenant dans la procédurite et la paperasserie.
Annie Morin
Le Sommet des Amériques
aura été l'occasion pour Québec de « faire la preuve par quatre » de sa
capacité d'accueillir des événements d'envergure internationale.
Denis Ricard, directeur
général du Sommet, est convaincu que c'est là une des retombées les plus
concrètes et les plus appréciables de ces trois journées fort mouvementées
d'avril 2001. « À partir du moment où vous avez accueilli un événement aussi
gros, aussi complexe et aussi controversé, la preuve est faite par quatre que
vous êtes capable d'accueillir n'importe quoi. »
Jusque-là, ajoute-t-il,
la capitale n'avait jamais eu l'occasion de « tester » les équipements
touristiques dont elle s'enorgueillissait.
Le Centre des congrès de
Québec a saisi la balle au bond. Depuis un an, l'expérience acquise pendant le
Sommet sert à étoffer les offres de services et à rassurer les inquiets. Dans
son plus récent bulletin d'information, le Centre se vante d'ailleurs de
posséder « tous les atouts pour accueillir des événements hautement
sécuritaires ou nécessitant un encadrement unique ».
« Quand les gens nous
demandent si on a les infrastructures pour organiser un congrès de 2000
délégués, on leur répond du tac au tac qu'on en a déjà accueilli 8000, dont 34
chefs d'État. Inutile de dire que ça les rassure », explique Ann Cantin,
directrice des communications au Centre des congrès.
Cela dit, l'effet
d'entraînement du Sommet sur les touristes est plutôt difficile à quantifier,
constate Pierre Labrie, le directeur de l'Office du tourisme et des congrès de
Québec. Oui, mars et avril 2001 ont été les meilleurs mars et avril de toute
l'histoire hôtelière de Québec, mais on ne peut pas en dire autant du reste de
l'année.
|
C'est la faute de la
température, de la crise financière en Argentine et du 11 septembre, qui ont
ralenti les ardeurs des touristes. « À cause de tout ça, le Sommet semble déjà
très loin dans nos mémoires. C'est la même chose pour les gens à l'étranger »,
avance M. Labrie.
123,7 millions $
Archives, LE SOLEIL, Pascal Ratthé |
Nos gouvernements ont
dépensé 118,4 millions $ pour organiser le Sommet. La plus grosse part est
allée à la sécurité : 35,4 M $ pour la GRC, 40,5 M $ pour la Sûreté du Québec
et pour les corps policiers municipaux. |
Les retombées économiques
directes du Sommet ne sont quand même pas négligeables. Dans une étude publiée
en juin, Développement économique Canada et un professeur d'économique de
l'Université Laval, Gérald LeBlanc, nous apprennent que l'événement a généré
des retombées de 123,7 millions $. Cette somme inclut seulement « l'argent neuf
injecté dans l'économie du Québec, en ce sens que si le Sommet des Amériques
avait été tenu dans une autre province canadienne, cet argent n'aurait jamais
rentré au Québec », écrit M. LeBlanc.
Ce sont les salaires
versés et les biens et services achetés par les organisateurs du Sommet ainsi
que les dépenses des participants (délégations et manifestants) qui ont généré
le plus d'activité économique.
Car il a coûté cher, ce
grand rendez-vous. Nos gouvernements ont dépensé 118,4 millions $ pour
l'organiser. La plus grosse part est allée à la sécurité — 35,4 M $ pour la
GRC, 40,5 M $ pour la Sûreté du Québec et pour les corps policiers municipaux.
Le ministère des Affaires étrangères du Canada a pour sa part dépensé 34
millions $. C'est sensiblement moins que le budget de 51 millions $ initialement
réservé pour l'événement.
À partir du moment où les
retombées économiques dépassent les coûts, le gouvernement fédéral considère
qu'il s'agit d'un bon investissement. Et cela, même si les taxes et impôts
reçus ne couvrent pas entièrement leurs dépenses.
Quant aux retombées
médiatiques, qui ne sont pas à négliger, elles sont pratiquement incalculables.
Pour les quantifier, il aurait fallu recenser chaque ligne qui s'est écrite et
chaque mot qui s'est prononcé à la radio et à la télévision sur le Sommet des
Amériques et sur Québec en général. Or, pas moins de 3000 représentants des
médias étaient présents dans la capitale entre les 20 et 22 avril 2001...
Claude Lecavalier,
vice-président exécutif de la firme de communications Amalgame-Cargo, précise
qu'un article de nouvelle vaut autant, sinon plus, qu'une annonce publicitaire.
Et dans un cas comme celui qui nous intéresse, le propos importe peu. « Oui, il
y a eu de la violence à Québec, mais pas assez pour empêcher les gens d'y venir
», dit-il.
Gérald LeBlanc invite
toutefois à la prudence. Oui, la médiatisation du Sommet n'a pas nui à l'image
de Québec, mais elle ne l'a peut-être pas embellie autant qu'on pourrait le croire.
« Généralement, nous avons tendance à surestimer cet impact. En marketing, le
renforcement d'une publicité, une répétition sur les qualités d'un produit afin
qu'il devienne un “réflexe” dans la tête des consommateurs est souvent
l'élément clé de sa réussite », écrit-il.
Valérie Lesage
Le Sommet de Québec a été
l'occasion d'établir des ponts, estime la ministre des Relations
internationales Louise Beaudoin. Des ponts entre le gouvernement du Québec et
les autres exclus des négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques
(ZLEA).
« Nous, on s'est mis très sérieusement à
l'écoute de la société civile à la suite de ce Sommet des Amériques. Ça nous a
aussi amenés au Forum social mondial de Porto Alegre et ça nous amène aussi à
créer l'Observatoire de la mondialisation, toujours dans la dynamique de pont,
de passerelle avec la société civile », a indiqué la ministre Beaudoin dans une
entrevue-bilan.
Pour elle, exclusion ne
rime surtout pas avec résignation. « Je pense que le Sommet nous a donné
l'élan, à nous gouvernement du Québec, pour décider de façon volontariste,
comme on fait dans d'autres secteurs, de s'occuper de la mondialisation,
convaincus qu'il faut la réguler, l'humaniser et être en mesure d'avoir prise
sur elle pour que chacun y trouve son compte. »
Le Sommet des peuples,
qui se déroulait en marge du Sommet des Amériques à Québec, a contribué pour
beaucoup à cette prise de conscience du gouvernement, mais aussi des Québécois,
soutient Louise Beaudoin. La ministre parle de discussions passionnantes et
inspirantes, même si elle juge la déclaration finale décevante. « La conclusion
était un peu trop caricaturale à mon avis. Quand on dit je ne veux pas de
libre-échange point, quand on dit que c'est antiféministe, raciste, militariste
et je ne sais quoi, je pense que c'est assez réducteur », dit-elle.
Société civile
Archives, LE SOLEIL, Raynald Lavoie |
Il est difficile de
savoir si le défilé des 34 chefs d'État dans la région a eu un impact sur le
tourisme. |
La réflexion sur la
nécessité de se rapprocher de la société civile s'est amorcée à Québec et s'est
poursuivie l'hiver dernier à Porto Alegre, au Brésil. Les gouvernements
québécois et français étaient les seuls gouvernements représentés à ce
rendez-vous de la société civile mondiale. Une retombée du Sommet des peuples,
où la ministre Beaudoin a fraternisé avec le gouverneur de l'État du Rio Grande
d'O Sul, qui l'a invitée.
Si elle souhaite écouter
les préoccupations de la population, pas question de se ranger dans le camp des
antimondialisation. Même si beaucoup de jeunes Québécois ont rejoint les rangs
des contestataires, la ministre croit que la population a depuis longtemps le «
sentiment de la nécessité de s'ouvrir au monde ». Elle évoque Expo 67, les Jeux
olympiques de 1976, l'ALENA et les exportations qui « ont entraîné notre
prospérité ».
Le Sommet des Amériques a
mis en lumière les grands enjeux politiques, environnementaux et sociaux de la
ZLEA. Les Québécois se sont dit qu'ils avaient un rôle à jouer, observe Mme
Beaudoin. « Ils ont fait un bond supplémentaire dans leur conviction que le
Québec existe comme nation. » Elle voit un lien très fort entre mondialisation
et souveraineté. Pour elle, la souveraineté est un moyen d'accéder à la table
des négociations et de combler le « déficit démocratique ». Déjà, dit-elle, les
gens ont l'impression que les décisions se prennent derrière des portes closes,
dans des débats complexes qui semblent échapper au commun des mortels, débats
auxquels participent des organismes supranationaux comme l'Organisation
mondiale du commerce (OMC), l'UNESCO ou les Nations unies. « Vous vous imaginez
bien que quand on est une province d'un pays, on commence à être de plus en
plus éloignés des pôles de décisions véritables et réels. »
Mais il ne suffirait pas
de participer aux négociations, il faudrait aussi en changer la nature, selon la
ministre Beaudoin. « Que ce soit le FMI, la Banque mondiale, l'OMC, il est
évident que les peuples, les jeunes surtout, réclament d'y participer. C'est
pour ça que l'Observatoire de la mondialisation me semble intéressant. Cette
perspective d'élargir le débat, d'enrichir le débat et que tout le monde ait le
sentiment de dire ce qu'il a à dire et que les gouvernements prennent ça en
considération et puissent s'en faire les porteurs au niveau supranational, où
malheureusement nous ne sommes pas. »
Car pour le moment, le
gouvernement du Québec ne peut qu'ajouter son poids aux pressions populaires
pour le respect de l'environnement, des droits des travailleurs, des
différences culturelles et linguistiques, etc.
Une mondialisation pour
tous
Les pressions ne peuvent
plus être ignorées des chefs d'État, dit Louise Beaudoin. D'ailleurs, au Sommet
de Davos, le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a interpellé les
pays riches, leur a dit que leur responsabilité était de faire en sorte que la
mondialisation profite à tous, pas seulement à quelques pays déjà gâtés.
Pour ne plus être un
exclu des instances décisionnelles, le Québec devra devenir souverain avant
l'échéance de 2005 prévue pour le prochain Sommet des Amériques en 2005. Ou
alors, il devra convaincre Ottawa de lui faire une place dans la délégation
canadienne qui lui permettrait de faire entendre sa voix. Comme cela se fait
dans le domaine culturel. « Quand ça déborde de la culture, on est des plantes
vertes. Quand on fait partie des délégations canadiennes, on reste dans les
chambres d'hôtel en attendant qu'on vienne nous raconter ce qui se passe »,
déplore la ministre Beaudoin.
Annie Morin
|
Jean-Paul L'Allier |
Jean-Paul L'Allier espère
que le gouvernement du Québec installera dans la capitale son observatoire de
la mondialisation. « Tu ne peux pas juste manger la claque, puis regarder les
gens partir sans demander ton reste. »
La claque, vous l'aurez
compris, c'est le Sommet des Amériques. Le maire de Québec s'était juré, après
avoir livré son bilan post mortem aux journalistes, en avril 2001, de ne plus
revenir sur l'événement. Jamais. Il a finalement cédé devant les appels répétés
du SOLEIL.
Son discours n'a
cependant pas changé d'un iota. « Si c'était à recommencer, dans les mêmes
circonstances, moi je refuserais », dit-il sans détour.
Ces circonstances aggravantes,
ce sont le périmètre de sécurité et l'omniprésence policière. Et non pas la
teneur des discussions ou l'ampleur des manifestations. Selon Jean-Paul
L'Allier, il était illogique d'avoir à « défigurer Québec pour que (le Sommet)
ait lieu alors que l'on choisissait Québec précisément à cause de sa
convivialité, de la beauté de son vieux quartier et de son caractère
historique. »
Le maire continue de
penser que les grandes rencontres internationales controversées devraient être
tenues en milieu fortement urbanisé, comme Paris ou New York, où lespoliciers
se comptent par milliers, ou encore dans des endroits complètement isolés,
comme Kananaskis, lieu de rassemblement du prochain G8.
Cela dit, M. L'Allier est
fier d'avoir accueilli dans sa ville le Sommet des peuples, où plus de 50 000
personnes ont discuté et manifesté « proprement ».
Ville de gauche
L'expérience a valu à
Québec de se positionner sur le circuit des villes de gauche, plus que de
droite, et a inspiré sa candidature pour la tenue du Forum social de Porto
Alegre. Même si celle-ci a été rejetée, Québec envisage de répéter l'expérience
pour d'autres événements du genre.
Et puis il y a
l'Observatoire de la mondialisation du gouvernement du Québec, auquel le maire
tient mordicus. La ministre des Relations internationales, Louise Beaudoin,
s'est donné quelques mois pour décider de son implantation à Québec ou
Montréal. Le Sommet des Amériques, qui s'est tenu dans la capitale, est à
l'origine du projet, mais la majorité des organismes qui y participeront se
trouvent dans la métropole. Jean-Paul L'Allier a déjà commencé son lobbying.
Marc Hasbani et Léo-Paul
Lauzon
La publication récente
d'un rapport sur les profits de l'industrie pharmaceutique, signé par la chaire
d'études socio-économiques de l'UQAM, de même que notre éditorial sur le sujet,
ont suscité un vif intérêt parmi nos lecteurs. Pour leur bénéfice, nous
publions aujourd'hui de larges extraits de ce rapport. Demain, nous publierons
les commentaires de Julie Frappier, économiste de la santé et présidente de la
firme de consultants Recherches MedecoNovo.
|
Les médicaments
représentaient 8,8% de l'ensemble des dépenses de santé en 1975 contre 15,5%
en l'an 2000. |
Il faut bien le dire,
tout ce qui est du ressort du service public représente une véritable poule aux
oeufs d'or pour les affairistes: éducation, eau, énergie, autoroutes,
transport, prisons, entretien des immeubles, des routes et des parcs, postes et
bien évidemment la santé dont ils voudraient privatiser les éléments les plus
rentables et laisser à l'État le reste non payant comme cela se fait dans tous
les cas. Pourtant, tous savent bien que dans le domaine de la santé, le privé
est inévitablement plus cher que le public. En effet, lors de la privatisation
de la santé, il faut introduire deux nouveaux éléments qui occasionnent une hausse
importante des coûts: une marge de profits exigée par les firmes privées et
l'apparition d'un nouvel intermédiaire que sont les compagnies d'assurances,
ces dernières étant toutefois absentes dans une structure de soins de santé
assurés par l'État.
(...)
Si l'État a des problèmes
de ressources financières pour s'occuper convenablement de la santé, de
l'éducation, de la sécurité du revenu, etc., c'est en raison de recettes
fiscales moindres qui ont été voulues et imposées par le patronat. Les mêmes qui
ont exigé et obtenu des baisses d'impôts savaient très bien qu'ainsi, l'État
diminué par des recettes fiscales moindres, devrait obligatoirement privatiser
et couper dans ses programmes. Les affairistes qui ont exigé le déficit zéro et
des réductions substantielles d'impôts sont naturellement les mêmes qui,
sentant la bonne affaire, ordonnent maintenant la privatisation de tous les
services publics allant de la santé à l'eau, aux pensions de vieillesse à
l'éducation. Il est tout à fait inadmissible que l'État doive couper dans ses
programmes sociaux à la population et qu'il envisage de privatiser plusieurs
services publics. Nous avons connu au Canada une croissance économique
fulgurante depuis les 12 dernières années qui ne s'est jamais vue depuis les années
trente.
Dans cette étude, nous
nous intéresserons plus particulièrement à la cause de la hausse vertigineuse
du prix des médicaments brevetés. Selon les calculs mêmes de l'organisme de
recherche patronal de l'Institut Fraser, le coût des médicaments a augmenté de
1267% au cours des 25 dernières années, soit de 1975 à 2000. Ainsi, les
médicaments représentaient 8,8% de l'ensemble des dépenses de santé en 1975
contre 15,5% en l'an 2000, soit 25 ans plus tard.
Aucune autre composante
des dépenses en matière de santé n'a connu une aussi forte augmentation.
En proportion de la
richesse collective mesurée par le produit intérieur brut (PIB), les
gouvernements et le privé consacraient moins d'argent à la santé au Canada en
1998 (9,3%) qu'en 1992 (9,9%). De 1996 à 2000, la rémunération du personnel du
réseau de la santé au Québec a augmenté de 2% (106 millions de dollars) et
celui des médicaments de 205% (913 millions de dollars). Enfin, l'ex-ministre
de la Santé du Québec, Mme Pauline Marois, et le président du
Conseil du Trésor, M. Joseph Facal, ont affirmé que les coûts de
l'assurance-médicaments augmentaient à un rythme de 15% l'an depuis 1997 dont
l'essentiel provient de l'augmentation substantielle du prix des médicaments.
Il est inquiétant de voir
le premier ministre du Québec Bernard Landry, les ministres Pauline Marois et
Rémi Trudel brandir la possibilité d'abolir le régime public
d'assurance-médicaments en raison de la hausse du coût des médicaments, comme
en font foi les titres de ces articles de journaux récents:
- «Le régime
d'assurance-médicaments pourrait être abandonné - Les Québécois devront
accepter d'en assumer les coûts s'ils désirent qu'il soit maintenu, déclare
Pauline Marois» (La Presse du 9 novembre 2001, Charles Côté, journaliste).
- «L'avenir du régime
d'assurance-médicaments sera l'objet d'un débat collectif, dit Bernard Landry -
Le gouvernement veut qu'il reste, mais la population devra assumer les
conséquences de ses choix» (Le Journal de Montréal du 10 novembre 2001,
article de la Presse Canadienne).
- «Régime
d'assurance-médicaments: Ré- my Trudel n'élimine aucune possibilité, y compris
son abolition» (Le Journal de Montréal du 9 décembre 2001, article de la
Presse Canadienne.
Dans le domaine plus
général de la santé publique au Québec, cette déclaration du premier ministre
fait vraiment frémir: «Bernard Landry propose de fixer un plafond aux dépenses
de santé, soit un certain pourcentage du produit national brut (PNB), et s'en
tenir à ça» (La Presse du 17 mars 2000, Marie Tison, journaliste à la
Presse Canadienne).
(...)
Il est tout à fait
inadmissible que seule la population soit appelée par les gouvernements à
défrayer la hausse phénoménale du coût des soins de santé alors que ces mêmes
élus ont clairement reconnu qu'une partie importante de l'augmentation des
dépenses de la santé provient de la hausse fulgurante du prix des médicaments.
En toute logique, afin de résoudre correctement un problème, il faut identifier
sa source et s'y attaquer. Nos politiciens, qui sont pourtant censés être au
service de l'intérêt supérieur de la collectivité, préfèrent s'attaquer aux
victimes plutôt qu'à la véritable source du problème. Afin de satisfaire les
intérêts supérieurs de ceux qui les font élire et qui les embauchent après leur
service politique, nos élus préconisent des mesures restrictives:
privatisations, désassurance, tarification des services, abolition et ticket
modérateur comme les seules voies à suivre contrairement à ce qui devrait être
fait pour assurer le mieux-être de la population et des générations futures en
matière de santé.
Taux de rendement après
impôts sur le capital investi et bénéfice net
Le taux de rendement
après impôts sur le capital investi ou l'avoir des actionnaires réalisé
annuellement par l'industrie des compagnies pharmaceutiques brevetées dépasse
tout entendement. Au cours des 10 dernières années (l991-2000), il a été de 41%
en moyenne pour les neuf sociétés étudiées. Réaliser un taux de rendement après
impôt sur l'avoir des actionnaires de 41% alors que le taux d'inflation a
oscillé autour de 2 à 3% durant la dernière décennie est vraiment déraisonnable
et se répercute sur le prix des médicaments brevetés et crée une pression
énorme sur le coût des soins de santé, tant publics que privés. Et dire que
l'on prétend que, dans le système d'économie de marché, les taux de rendement
anormaux sont inexistants. On postule que les taux de rendement élevés sont
censés attirer de nouveaux concurrents qui ramèneront les rendements à un taux
normal. Dans l'industrie pharmaceutique, c'est tout le contraire qui s'est
produit au cours des 20 dernières années. À la suite d'importantes fusions, il
y a de moins en moins de concurrents, ce qui fait que l'on ne peut plus parler
de marché mais bien d'oligopole dans ce secteur d'activités. Il est évident que
ces fusions, qui ont donné naissance à de puissantes multinationales,
conjuguées à la hausse importante de la durée de protection des brevets
accordés par les gouvernements occidentaux, qui est passé de 10 à 20 ans durant
les deux dernières décennies, ont joué en faveur des entreprises
pharmaceutiques brevetées. Au cours des cinq dernières années, les taux de
rendement sur le capital investi de l'industrie pharmaceutique ont atteint des
niveaux records:
À titre de comparaison,
observons les taux de rendement après impôts sur le capital investi réalisés en
l'an 2000 dans d'autres secteurs d'activités, tels que compilés par la revue
américaine Fortune.
Tel que constaté, il y a
un écart gigantesque allant de 29% à 34% entre l'industrie pharmaceutique et
ces autres secteurs d'activités économiques quant aux taux de rendement
réalisés pour l'année 2000. Selon un recensement effectué par la revue
américaine Fortune pour 48 secteurs d'activités, le taux moyen de
rendement a été de 15,6% en l'an 2000, une année marquée par une forte
croissance économique. Il y a donc un écart d'environ 30% entre les taux de
rendement des compagnies pharmaceutiques (45,3%) et tous les autres secteurs
d'activités (15,6%), ce qui dépasse tout entendement.
Ces chiffres parlent
d'eux-mêmes et constituent la principale cause de l'augmentation des coûts de
l'assurance-médicaments au Québec et du coût des soins de santé publique. Même
les politiciens admettent cette réalité que les données financières réelles
démontrent sans l'ombre d'un doute. Alors pourquoi nos politiciens
proposent-ils d'augmenter les primes de l'assurance-médicaments, la
désassurance du panier de services médicaux offerts et la privatisation d'une
partie de la santé publique? La réponse est toute simple, nous vivons sous le
joug de ces mastodontes qui font ce qu'ils veulent. La privatisation ne réglera
pas le problème puisqu'en dernier ressort ce sont les individus et les
employeurs qui en défraieront les coûts astronomiques par le biais d'assurances
privées au lieu de le payer à l'État par le biais de l'impôt. En privatisant,
on augmente encore plus les coûts puisque s'ajoute un nouvel intermédiaire que
sont les compagnies d'assurances qui sont absentes dans un système de santé
public. On ne fait qu'amplifier le problème. La solution à la hausse du prix
des médicaments et du coût des soins de santé publique passe par un rigoureux
contrôle des prix des produits pharmaceutiques afin de ramener les taux de
rendement à un niveau acceptable. Quiconque réalise des taux de rendement après
impôts sur le capital investi de plus de 40% l'an double son capital en deux
ans.
(...)
La croissance démesurée
des taux de rendement a permis aux neuf compagnies pharmaceutiques recensées de
dégager en l'an 2000 un bénéfice net de 31 milliards de dollars US
comparativement à un bénéfice net de 11 milliards US en 1991, soit une hausse
de 182% en l'espace de 10 ans. (...)
On peut facilement
imaginer les pressions occasionnées sur les taux d'inflation par d'aussi
grandes hausses annuelles du profit net réalisé par l'industrie pharmaceutique
brevetée.
Quelqu'un, quelque part,
doit payer pour ces gros profits, et ce sont les individus et les gouvernements
qui deviennent alors ceux qui pourvoient à l'enrichissement privé de ces firmes
et de leurs actionnaires. Quelle mauvaise répartition de la richesse! Dire que
l'on nous serine que le prix du marché est toujours le «juste prix» et que le
marché fait une utilisation optimale des ressources. Optimale pour qui au
juste?
Julie Frappier
L'auteure est présidente
et chef des opérations de Recherches MedecoNovo, une entreprise qui oeuvre dans
le domaine de l'économie de la santé.
En tant qu'économiste de
la santé spécialisée dans l'évaluation des médicaments et des programmes visant
l'utilisation optimale des technologies de la santé, je ne peux m'empêcher de
remettre en perspective certaines affirmations du dernier rapport Lauzon
concernant l'industrie pharmaceutique innovatrice (dont La Presse
publiait des extraits hier).
Mon objectif ici n'est
pas de défendre les compagnies pharmaceutiques, mais plutôt d'offrir un point
de vue éclairé qui montrera l'envers de la médaille.
Avant la Deuxième Guerre
mondiale, il existait peu de médicaments. L'apothicaire préparait à la main
dans son officine l'ordonnance remise par le médecin aux patients suffisamment
fortunés pour avoir accès à ses services. La guerre a stimulé un besoin de
nouveaux traitements à cause des infections massives causées par les blessures
des combattants. L'industrie pharmaceutique moderne a ainsi fait ses débuts en
commercialisant à grande échelle des antibiotiques et autres médicaments qui
sauvent quotidiennement des vies qui, il y a seulement 60 ans, auraient été en
péril. Il suffit de penser aux diabétiques, aux gens infectés par le VIH, aux
cardiaques, aux cancéreux... D'ailleurs, le récent retour au jeu de Saku Koivu
représente un exemple probant qui démontre que les traitements de pointe
améliorent les chances de survie et la qualité de vie. Alors qu'au tournant des
années 1950, l'espérance de vie au Canada n'était que de 65 ans, en 2002, elle
atteint 78 ans. Les médicaments ont contribué de façon significative à la
société en permettant de soulager la douleur et de guérir plusieurs maladies.
Encore beaucoup de
progrès demeurent nécessaires afin d'accroître l'efficacité des thérapies et de
minimiser les effets secondaires. Et qui dit progrès, dit recherche et
développement. Les compagnies pharmaceutiques profitent-elles de la
maladie ? Considérant son apport significatif à la population, je me
demande comment une industrie qui a tant contribué à la santé en réduisant la
mortalité précoce et en accroissant l'espérance de vie peut être considérée par
certains comme plus sombre qu'un groupe de criminels, auquel fait référence le
professeur Lauzon ? Pour cause de profits excessifs ?
L'envers de la médaille
Avant d'attaquer l'industrie pharmaceutique de recherche, jetons un coup d'oeil
sur les facteurs économiques qui la caractérisent:
- Savez-vous combien
d'années de recherche et développement sont nécessaires avant qu'un médicament
puisse recevoir un avis de conformité (autorisation de commercialiser octroyée par
le gouvernement fédéral) ?
De 10 à 12 années de
recherche sont nécessaires pour mettre au point un nouveau produit.
- Pouvez-vous imaginer le
montant en R&D dans l'espoir de recevoir un avis de conformité ?
Le coût de développement
est estimé en moyenne à 750 millions de dollars US.
- Quelle est la part des
produits pharmaceutiques qui ne réussissent pas à générer un retour sur
l'investissement positif ?
Sept produits sur 10 ne
récupèrent jamais leurs frais de développement ou s'avèrent des échecs
commerciaux (oui, la concurrence existe).
Deux produits sur 10 deviennent
ce qu'il est convenu d'appeler de bons succès.
Un seul produit sur 10
obtiendra l'appellation de «blockbuster», c'est-à-dire un produit qui générera
des ventes supérieures à 1 milliard de dollars US partout dans le monde sur une
base annuelle et par le fait même des profits importants. Il faut cependant
comprendre que ce produit à succès devra soutenir ses confrères qui n'ont pas
connu le même succès et soutenir surtout les efforts de R&D nécessaires à
la mise au point de nouveaux produits. Dans les sports comme dans les affaires,
certaines firmes réussiront très bien alors que d'autres feront l'objet d'une
prise de contrôle de la part de leur concurrents. Le nombre croissant de
fusions démontre très bien que ce milieu est vivement concurrentiel. Comme le
Canada représente moins de 2% du marché mondial pharmaceutique, il est
illusoire de penser que nous serons en mesure au Québec de décider qui
fusionnera ou non à l'échelle internationale, malgré la suggestion du
professeur Lauzon d'interdire les fusions.
Une industrie comme les
autres Aujourd'hui, il n'est plus exceptionnel qu'un nouveau médicament coûte
plus de 2000$ par année. Il est vrai qu'il n'est pas agréable de débourser de
grosses sommes en vue d'améliorer sa santé ou celle de sa famille. Il peut
paraître dérangeant de voir ces profits importants dans l'état actuel du
système de santé. Pourtant, en examinant la situation de façon très objective,
l'industrie pharmaceutique est une industrie comme les autres, qui doit obéir
aux lois du marché en tentant de maximiser ses profits.
Cependant, le tableau
brossé par le professeur Lauzon dans son étude est biaisé.
L'auteur s'est attardé
aux plus grandes firmes pharmaceutiques. Ce tableau ne reflète pas la réalité
des biotechs et de la majorité des compagnies pharmaceutiques.
Il a examiné un portrait
mondial au sein duquel les États-Unis représentent des prix et des profits
supérieurs à tout autre pays. Le Canada ne représente que 1.5% du marché mondial
du médicament d'innovation.
L'analyse n'a pas été faite
en dollars constants, mais plutôt en dollars courants. Même si le taux
d'inflation était minime, cet élément sur une longue période peut déformer la
réalité.
Le professeur Lauzon fait
abstraction de plusieurs réalités de l'environnement canadien, comme le rôle du
Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ou encore le prix des
nouveaux produits qui n'a pratiquement pas augmenté depuis 1993. Les compagnies
pharmaceutiques disposent d'une protection sur les brevets de 20 ans dans les
pays industrialisés; cette protection est en tout point identique à celle qui
s'applique aux autres inventions. Cependant, cette période de 20 ans commence
alors que le médicament est encore à l'étape des essais cliniques, bien avant
qu'il ne soit mis sur le marché. Selon une étude du Tufts Center for the Study
of Drug Development, la période effective de protection est de 11 ans en
moyenne après la mise en marché. La suggestion du professeur Lauzon de réduire
la protection des brevets à 10 ans éliminerait donc complètement la protection
de la propriété intellectuelle au Canada.
Une faille dans le
système Il existe une faille dans le système de santé actuel: l'absence de
mécanismes de validation de la valeur réelle des médicaments en comparaison de
leur valeur théorique telle que démontrée dans les essais cliniques. Et les
compagnies pharmaceutiques en tirent avantage dans leur stratégie de mise en
marché. La réalité peut souvent diverger des essais cliniques pour plusieurs
raisons telles que la représentativité de la population étudiée, la motivation
et le niveau de connaissance des médecins, la durée de la thérapie, le respect
de la posologie, etc. À quoi sert de prescrire le meilleur médicament qui
démontre une efficacité théorique extraordinaire (plus de 90%), si 70% des
patients l'utilisent de façon inadéquate à cause du mode d'administration trop
complexe ? Est-ce qu'un produit génère quand même des résultats cliniques
lorsqu'il est mal utilisé ? Peut-être qu'un produit légèrement moins
efficace (autour de 80%), mais au mode d'administration plus simple, pourrait
démontrer des résultats cliniques supérieurs au bout du compte ? La
mauvaise utilisation d'un médicament se manifeste-t-elle par des visites
répétées aux urgences, des hospitalisations, de l'absentéisme au travail ou à
l'école, des effets secondaires ou même des décès ? Voilà les questions
auxquelles tentent de répondre les économistes de la santé lorsqu'ils évaluent
l'impact pharmacoéconomique des médicaments. Nos conclusions, issues d'études
scientifiques rigoureuses et transparentes, nous permettent d'émettre des
recommandations aux déciè017 . 0004.06édeurs quant aux bienfaits économiques
des médicaments.
Un des concepts
fondamentaux dans l'évaluation économique est la notion de comparaison et de
différentiel. Si un produit offre une efficacité de 70%, pouvez-vous me dire si
c'est bon ou mauvais ? La réponse sera: «Ça dépend !» Chez les
antibiotiques où l'efficacité est supérieure à 90%, un maigre 70% représentera
une réponse déplorable. Par contre, en oncologie, on parlera d'une découverte
importante ! Le même principe s'applique au prix d'acquisition. Est-ce
qu'un prix de 100$ est élevé ou pas ? Pour un médicament identique au
Tylenol, c'est cher. Mais si on a affaire à un médicament contre le cancer, il
s'agit d'une aubaine ! En conclusion, un chiffre seul ne veut strictement
rien dire. On doit absolument le comparer à une autre option pour évaluer
l'impact budgétaire incrémental nécessaire pour générer une augmentation de
l'efficacité.
Les ressources étant limitées,
il faut faire des choix. Des programmes de partenariat en gestion thérapeutique
qui regroupent gouvernement, universités, tiers payeurs et industrie
pharmaceutique permettront d'éclairer ces choix avec une analyse économique
objective de la valeur des médicaments. L'économie de la santé permet d'évaluer
la portée de différents choix et de voir au-delà du prix d'acquisition. Les
médicaments, malgré leur prix considérable, permettent au système d'accomplir
des économies substantielles et représentent une forme de catalyseur au système
économique; un patient en santé est un patient qui consomme. Cependant, les
mécanismes présentement ne sont pas toujours en place afin d'assurer que ces
médicaments soient utilisés de la façon la plus appropriée. Je crois que le
temps est venu pour nos gouvernements de mettre en place les dispositifs
d'analyse qui assureront l'utilisation optimale de nos ressources en matière de
santé.
Que reste-t-il du Sommet des Amériques un an plus
tard? D'abord, une charte démocratique, laquelle aurait déjà été utile, selon
les responsables canadiens, pour juguler la crise récente au Venezuela.
Ensuite, un processus de négociations, qui suit son cours pour la mise en place
de la ZLEA en 2005. Le Québec mettra aussi sur pied un observatoire de la
mondialisation. Enfin, dans l'ombre, encore 200 manifestants, dont le célèbre
Jaggi Singh, qui sont en attente d'un procès.
Vingt-quatre heures à peine après le renversement
militaire du président Hugo Chavez au Venezuela, la semaine dernière, les
responsables de l'Organisation des États américains (OEA) se réunissaient
d'urgence et invoquaient la charte démocratique pour justifier une éventuelle
suspension du Venezuela des instances de leur forum hémisphérique. Menace
efficace? Une chose est certaine: dès le lendemain, M. Chavez était rétabli
dans ses fonctions et, avec lui, l'ordre constitutionnel du pays.
L'épisode a ainsi donné le plus bel exemple des
résultats du Sommet des Amériques tenu à Québec l'an dernier. Les 34 chefs
d'État et de gouvernement avaient adopté une «clause démocratique» qui
prévoyait le retrait des négociations de l'accord de libre-échange (la ZLEA) de
tout pays qui suspendrait ses institutions démocratiques. On s'engageait aussi
à adopter une «charte démocratique» qui, en plus, suspendrait le pays coupable
de toutes les instances de l'OEA. La charte a bel et bien été adoptée à Lima,
au Pérou, mais dans l'ombre d'autres événements, un certain 11 septembre...
Selon Marc Lortie, le sherpa du premier ministre Jean
Chrétien au Sommet de Québec et celui qui en assure le suivi, «la charte
démocratique a été fondamentale» dans l'épisode Chavez. «Si on n'avait pas eu
ça, la situation aurait-elle été différente? Ça demeure hypothétique,
reconnaît-il. Mais l'histoire de l'Amérique latine nous montre bien que les
régimes autoritaires ont [eu la] faveur, et ce qu'on a fait à Québec, ç'a été
le renforcement des valeurs démocratiques.»
En tout cas, assure M. Lortie, si le Venezuela s'était
«entêté dans son coup d'État, [...] la recommandation du Canada aurait été la suspension
du Venezuela des négociations de l'accord de libre-échange».
Le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham,
abonde dans ce sens. «C'est la preuve, d'une certaine manière, de l'efficacité
de la charte interaméricaine née à Québec. Il est clair que la charte était à
l'esprit de tout le monde lorsqu'est venu le temps de régler la situation. Il y
a encore des problèmes au Venezuela, et la charte joue son rôle pour s'assurer
que ce sera réglé de façon démocratique.»
Pour la petite histoire, c'est un beau pied de nez que
s'est fait servir le président Chavez, le seul chef d'État qui avait émis de
sérieuses réserves par rapport à la clause démocratique. «Aujourd'hui, s'il y a
quelqu'un qui doit se rendre compte de l'utilité de ce qui a été fait à Québec,
du pourquoi de l'importance des institutions démocratiques, c'est Hugo Chavez»,
dit un proche du Sommet de Québec, qui demande l'anonymat. «En effet, sans
cela, il serait exilé dans sa petite île.»
La charte a aussi joué son rôle d'épée de Damoclès dans
le cas de l'Argentine, qui s'est écroulée à cause d'une très grave crise
financière. «Malgré cette crise, il n'y a pas eu de tentative du retour à
l'autoritarisme», se félicite M. Lortie. C'était un risque, croit-il.
Bien sûr, la population peut se montrer moins chaude
qu'avant à l'idée de poursuivre l'ouverture du pays, la conception selon
laquelle ses malheurs ont pour cause la présence économique étrangère ayant
fait son chemin dans les esprits. Mais M. Lortie se fie au discours officiel du
gouvernement, qui persiste à dire que les réformes doivent être internes. «Il y
a un message d'intégration plus que d'isolement. C'est donc positif.»
Une ZLEA qui avance
Ce n'est pas uniquement en matière de gouvernement que
les crises en Argentine et au Venezuela ont testé la solidité du processus de
consolidation des Amériques. Les négociations de l'accord de libre-échange
lui-même sont en jeu.
On se rappellera que les textes de négociations
avaient été rendus publics, comme promis, en juillet dernier. Ils étaient à peu
près incompréhensibles puisqu'à peu près tout y était entre parenthèses. La
technique des parenthèses (ou des crochets), qui marque le caractère
conditionnel du texte, est utilisée lorsque plus d'une position est mise en
avant sur un point donné de négociation. Depuis, les neuf groupes thématiques
de travail se réunissent au Panama, où on tente de réduire le nombre de
positions sur chacun des points. Le processus doit se terminer au début de
l'automne prochain. Le comité de négociation consolidera les rapports de tous
les groupes puis remettra le résultat final aux ministres du Commerce
international, qui doivent se réunir en octobre à Quito, en Équateur. Et là,
les négociations comme telles commenceront.
Beaucoup de parenthèses subsisteront à cette étape,
mais elles permettront de voir les véritables divergences qui resteront.
«On a fait des avancées un peu partout, surtout dans
les cas où il y avait sept ou huit positions différentes, explique un haut
fonctionnaire canadien. Maintenant, dans certains cas, on en a seulement deux
ou trois. Les gens ont expliqué leurs propositions et se sont rendu compte
qu'ils proposaient la même chose que d'autres mais qu'ils employaient des mots
différents.»
Pour l'instant, assure ce fonctionnaire, les crises
politiques en Argentine et au Venezuela n'ont eu aucune conséquence sur ce
processus. Pas plus que les deux décisions commerciales controversées des
États-Unis, soit l'imposition de droits compensatoires de 29 % sur le bois
d'oeuvre canadien et de près de 30 % sur l'acier provenant de l'Europe et du
Brésil. Le Canada et le Mexique ont été exemptés.
«Aucune de ces décisions-là et aucun autre événement,
que ce soit la crise argentine ou le 11 septembre, n'ont eu d'impact durable,
d'un point de vue technique, sur les groupes de négociations. Les gens
continuent d'aller au Panama, de participer aux rencontres, de faire leur
travail de fourmis. Sur le plan technique, on va à un rythme qui va nous
permettre d'atteindre nos objectifs, de conclure les négociations en janvier 2005.
Donc, le rythme est approprié.»
Le président du Brésil, Fernando Henrique Cardoso,
s'est insurgé contre la décision américaine, déplorant l'«asymétrie du commerce
et de la finance internationaux». Cela pourrait-il donner l'essor à un
mouvement de contestation de la ZLEA, surtout que des élections sont prévues
cet automne et qu'un des opposants de M. Cardoso, Luiz Inacio Lula de Oliveira,
dit «Lula», est un militant antimondialisation notoire, très impliqué dans
l'organisation du Forum social mondial de Porte Alegre?
Louis Bélanger, directeur de la Chaire québécoise de
hautes études internationales à l'Université Laval, croit qu'il n'y a rien à
craindre de ce côté. «L'expérience nous dit qu'en Amérique latine, les
gouvernants qui s'amènent au pouvoir avec des discours anti-libre-échange, une
fois assis dans le siège présidentiel, changent d'idée. D'ailleurs, ce n'est
pas seulement en Amérique latine, ça nous arrive ici aussi, au Canada.
Selon lui, toutes les décisions américaines et toutes
les crises politiques n'ont pas ralenti le train de la ZLEA. «Après le sommet
de Miami, il y a eu une crise énorme. C'était la crise mexicaine. Tout le monde
disait: c'en est fini. On l'a surmontée. Il y a eu le sommet de Santiago, et
après, il y a eu la crise asiatique, avec ses retombées sur l'Amérique latine.
Il est clair que jusqu'à maintenant, ce genre de crise-là n'a pas réussi à
arrêter le train. Je pense que le train va continuer de rouler.»
La grande majorité des 280 personnes accusées (sur 463
arrestations) pour leur participation à des manifestations lors du Sommet des
Amériques d'avril 2001 ne connaissent toujours pas le sort que leur réserve la
justice. Fait partie du lot l'activiste Jaggi Singh.
Telles sont les données que le bureau de Québec du
procureur en chef a fournies au Devoir cette semaine. «En matière criminelle,
on parle de procédures expéditives quand on traite le dossier en moins d'un an,
explique le procureur, Me Jean Lortie. Le système est ainsi fait et personne ne
s'en plaint car la plupart des gens veulent un peu de temps pour se préparer.»
Avant le début de 2002, moins de 70 cas avaient été
réglés, ajoute Me Lortie. Et les dossiers classés sont les plus simples, les
accusés ayant plaidé coupables au chef d'accusation d'entrave au travail des
policiers. Ceux-ci ont reçu une absolution en échange d'un don de 250 $ à un
organisme de charité.
Selon le bureau du procureur, les 215 cas restants
seront traités entre la mi-mars et la mi-août. De fait, 65 dossiers ont été
traités depuis un mois: sept procès se sont soldés par un verdict de
culpabilité, neuf accusés ont enregistré un plaidoyer de culpabilité. Le reste
se résume à des enquêtes préliminaires dont tous les cas aboutiront à un
procès.
C'est le cas de Jaggi Singh, qui est accusé d'avoir
participé à une émeute et de bris de conditions. Ce dernier devait comparaître
lundi dernier pour connaître la date de son procès, mais ni le jeune homme ni
son avocat ne se sont présentés à la cour. Le juge Jean-Claude Beaulieu, de la
Cour supérieure, a d'ailleurs lancé un mandat d'arrestation contre M. Singh.
Le Sommet des Amériques aura fait de Jaggi Singh l'un
des militants antimondialisation les plus connus au Québec. Fils d'immigrés
indiens, il est né à Toronto et habite maintenant Montréal. En 1997, lors du
sommet de l'APEC à Vancouver, il avait été arrêté par la GRC puis relâché sans
accusation. Il a également été arrêté lors de l'opération SalAMI en 1998 à
Montréal, au Sommet du G20 en 1999 et à Westmount en mai 2000.
Accusations arbitraires
Julien Barbeau, lui, comparaîtra le 29 avril pour son
enquête préliminaire. Un an plus tard, l'étudiant en science politique de 24
ans est toujours aussi éberlué de se retrouver devant la justice. Le matin du
20 avril, il s'est rendu à Québec avec sa copine.
«On était surtout descendus pour la grande marche
pacifique du samedi, mais on est allés voir le périmètre de sécurité par
curiosité», raconte-t-il. Mal lui en prit puisqu'il s'est retrouvé dans un
groupe d'environ 1000 personnes pris en sandwich par les policiers. Croyant
s'en sortir facilement, il a levé les bras au ciel.
Pif! Le jeune Montréalais s'est retrouvé au sol en
moins de deux, les bras dans le dos et des menottes de plastique aux poignets.
«Je me suis fait frapper à la matraque par des policiers quand j'ai essayé de
me lever - un policier m'avait demandé de me tasser - et j'ai dû recevoir des
points de suture au menton.»
Aujourd'hui, Julien doit répondre à des accusations de
participation à une émeute et d'entrave au travail des policiers. Il a plaidé
non-coupable à ces accusations criminelles. «J'ai été arrêté en même temps que
ma copine et pourtant, il y a de grosses différences entre mon cas et le sien.
Elle va s'en tirer en plaidant coupable pour entrave au travail des policiers,
pas moi. C'est très arbitraire. La plupart des arrestations sont
circonstancielles et ne reposent pas sur des faits.»
Comme 127 autres accusés, Julien Barbeau a demandé aux
avocats de Québec Légal de le représenter. «Je risque de m'en tirer, mais il
faut quand même que je paie mon avocat, souligne-t-il. On s'est regroupés pour
que ça coûte moins cher et on a fait une collecte de fonds. Ça devrait quand
même me coûter entre 1000 et 1500 $. C'est beaucoup d'argent quand tu es
étudiant. À cela, il faut ajouter le poids psychologique de la chose et toute
la perte de temps que ça m'a occasionné.»
Et si c'était à refaire? «Je n'ai pas participé à une
manifestation depuis. Je suis toujours contre la Zone de libre-échange des
Amériques parce que c'est une entente basée uniquement sur l'économie et non
sur les humains et l'environnement. Je ne peux pas dire que je ne retournerai
pas manifester, car c'est un important devoir de citoyen. Mais avec la
répression des policiers qui est de plus en plus forte, il faudra trouver
d'autres moyens pour faire passer notre message que la manifestation.»
100 millions
Au Sommet de Québec, les policiers ont utilisé 903
balles de caoutchouc et 5148 canettes de gaz irritant pour mater les
manifestants. Quelque 6515 agents de la Gendarmerie royale canadienne (GRC), de
la Sûreté du Québec (SQ) et des services policiers de Québec et de Sainte-Foy
ont participé aux opérations. La facture de sécurité: quelque 100 millions de
dollars.
Cet imposant dispositif de sécurité avait d'ailleurs
attiré des milliers de manifestants venus à Québec pour voir et dénoncer. Dès
le vendredi midi, les plus radicaux ont réussi à éventrer une partie du mur de
sécurité. Un geste symbolique qui a été salué par une foule en délire et
réprimé par les policiers à coups de bombes lacrymogènes et fumigènes. Et à
coups d'arrestations et de détentions à la prison d'Orsainville.
Rappelons que Québec avait mandaté cinq observateurs
indépendants pour juger du travail des policiers et des conditions de détention
des gens arrêtés: Marc Brière, Henri Brun, Renée Millette, Nicole Trudeau et
Daniel Turp. Dans un rapport remis le 30 avril, ceux-ci concluaient que la
police avait agi de façon raisonnable malgré quelques écarts de conduite.
«L'ensemble de nos observations sur le terrain nous
conduit à la conclusion que le comportement des policiers à Québec, pendant le
Sommet des Amériques, n'a pas, de façon générale dans les circonstances,
entraîné de restrictions ou de limitations non raisonnables des droits
fondamentaux à la liberté d'expression et de réunion pacifique ou à la sécurité
de la personne, peut-on lire dans le document. Font exception à cela le recours
à des tirs de balles de plastique ou de caoutchouc ainsi que le doute que nous
entretenons au sujet de la quantité de gaz utilisée.»
Seul Marc Brière, un juge à la retraite, réclamait
l'ouverture d'une commission d'enquête. Une demande réitérée quelques jours
plus tard par la CSN, le NPD, Opération SalAMI, la Table de convergence des
actions non violentes et les organisateurs du Sommet des peuples, le Réseau
québécois sur l'intégration continentale (RQIC) et Common Frontiers Canada.
Rien n'y fit cependant. Québec et Ottawa ont fermé le livre.
Au cabinet du ministre de la Sécurité publique, on
explique qu'un bilan de l'opération a été remis au ministre de l'époque, Serge
Ménard. «Le rapport est confidentiel pour des raisons de sécurité, mais il est
conservé car il pourrait servir à d'autres fins dans le futur», soutient
l'attaché de presse de Normand Jutras, Martin Roy.
Un mouvement bien en vie
La fumée des bombes fumigènes s'est dissipée, mais le
mouvement antimondialisation québécois ne s'est pas éteint après le Sommet des
Amériques. Un an plus tard, la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) n'a
pas meilleure réputation chez les militants.
«Nous ne sommes pas du tout refroidis», laisse tomber
Marcela Escribano, porte-parole du Réseau québécois d'intégration continentale
(RQIC), un des organisateurs du Sommet des peuples de Québec, qui s'est tenu en
marge du Sommet des Amériques. «Il y a une vague de fond antimondialisation à
la grandeur de la planète et on le sent.»
Mme Escribano souligne que le Forum social mondial de
Porto Alegre, qui avait lieu cet hiver, a servi de catalyseur. «On vit dans une
société néolibérale de guerre et nous devons dénoncer ce système,
renchérit-elle. Il y a des accords bilatéraux qui se négocient en ce moment et
la population n'est même pas au courant. On doit continuer à éduquer les gens
pour leur montrer quelles sont les implications de la mondialisation dans leur
vie quotidienne.»
Depuis le Sommet de Québec, on peut voir les fruits de
notre travail, souligne Karina Chagnon, de la Convergence des luttes
anticapitalistes (CLAC). «On a réussi à faire valider notre position
anticapitaliste en en faisant un débat public.» Depuis, les membres de la CLAC
multiplient les assemblées publiques. Ils ont également mis sur pied des
équipes mobiles pour sensibiliser la population aux enjeux de la
mondialisation.
Si la CLAC ne sera pas en Alberta pour le prochain
Sommet du G8, elle promet des manifestations à Ottawa et des actions
ponctuelles à Montréal. «On veut faire comprendre que le G8 est un gant de
velours qui dirige la main invisible du marché et le poing de fer des
interventions militaires», indique Mme Chagnon.
Et le fait que, malgré les protestations, les pays
occidentaux semblent bien engagés dans une dynamique d'économie globale ne
décourage pas la CLAC. «Il y a eu des soulèvements en Argentine et il y a de la
protestation en Amérique latine, répond Karina Chagnon. Les dirigeants
continuent de se rencontrer, mais le mouvement de contestation grandit de jour en
jour.»
Les clauses qui s'apparentent au chapitre 11 de
l'ALENA sont à ce point dangereuses pour la souveraineté des États qu'elles
doivent être bannies de tout futur accord de commerce international, comme la
Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Une multinationale ne devrait pas
obtenir d'un État des dommages-intérêts en raison d'une réglementation
environnementale, ou autre, qui nuirait à ses activités.
C'est la position que le gouvernement du Québec
dévoilera ce printemps relativement à cette clause controversée, le chapitre 11
de l'actuel accord de libre-échange entre le Canada, le Mexique et les
États-Unis, a révélé la ministre d'État aux Relations internationales, Louise
Beaudoin, dans une entrevue au Devoir à l'occasion du premier anniversaire de
la tenue à Québec du Sommet des Amériques et du Sommet des peuples.
«On ne veut pas qu'une clause comme le chapitre 11
devienne, par la porte d'en arrière, une charte en faveur des multinationales,
comme c'était le cas dans l'AMI [Accord multilatéral sur l'investissement], a
dit Mme Beaudoin. La formulation actuelle dans l'ALENA a mené à des
interprétations et à une jurisprudence qui nous préoccupe beaucoup et qui est
dangereuse. Cette formulation a donné une interprétation très large de la
notion d'expropriation indirecte.»
Le chapitre 11 permet entre autres aux investisseurs
étrangers de poursuivre un gouvernement s'ils estiment qu'une loi ou un
règlement les a lésés en les privant d'une partie de leur chiffre d'affaires,
par exemple, de là l'expression d'expropriation indirecte. Ethyl, un fabricant
de l'additif MMT pour l'essence, interdit au Canada, a obtenu 13 millions du gouvernement
canadien en invoquant ces dispositions. Une autre cause, liée également à la
réglementation environnementale, a opposé le gouvernement mexicain à
l'entreprise américaine Metalclad.
Le gouvernement du Québec continue à développer sa
position sur la ZLEA et les négociations qui se déroulent à l'Organisation
mondiale du commerce, a signalé Mme Beaudoin. La ministre reconnaît que le
contexte actuel ne favorise guère un projet comme la ZLEA. On assiste à une
recrudescence du protectionnisme aux États-Unis, dans le bois d'oeuvre mais
aussi dans l'acier, ce qui indispose le Brésil. «Il y a une espèce de
raidissement de l'opinion publique au Brésil» à l'égard de la ZLEA, constate
aussi Mme Beaudoin, sans parler des problèmes aigus de l'Argentine et, plus
récemment, des troubles au Venezuela.
L'électrochoc
Un an après le Sommet des Amériques, Louise Beaudoin
juge que l'événement, ainsi que son pendant parallèle, le Sommet des peuples, a
servi d'«électrochoc pour la population québécoise et pour le gouvernement»
relativement aux enjeux de la ZLEA et, plus généralement, de la mondialisation.
Dans l'année qui a précédé, les députés avaient étudié en commission
parlementaire le projet de ZLEA et ils ont produit un rapport qui soulignait
notamment le déficit démocratique qui affectait cette négociation.
Dans cette foulée, a rappelé Mme Beaudoin, le
gouvernement a déposé l'automne dernier le projet de loi 52 qui assurera que
l'Assemblée nationale se prononce sur tout traité international important signé
par le gouvernement fédéral s'il touche à des compétences du Québec. De même,
les députés québécois devront approuver tout accord international significatif
signé par le gouvernement québécois. Le projet de loi devrait être adopté d'ici
la fin de la session en juin.
Retombée directe du Sommet des peuples, le
gouvernement du Québec fut invité à participer en février au Forum social
mondial de Porto Alegre au Brésil. «Un seul autre gouvernement étranger a été
invité, c'est celui de la France. Le Québec avait le même statut», a dit Mme
Beaudoin, réjouie. Cette émergence de la société civile à l'échelle mondiale
permet au Québec d'assurer son rayonnement international sans l'intervention
souvent réductrice d'Ottawa. «C'est ce qu'on appelle de la paradiplomatie, dans
laquelle nous sommes de plain-pied, de plein droit», a souligné la ministre.
Dans cette optique, Mme Beaudoin compte sur le nouvel
Observatoire de la mondialisation, une autre retombée du Sommet des peuples,
pour alimenter la réflexion de la société civile québécoise et celle du
gouvernement. Mme Beaudoin avait d'ailleurs trouvé décevante et simpliste la
déclaration finale du Sommet des peuples de Québec, qui rejetait en bloc la
mondialisation. L'Observatoire de la mondialisation, dont le siège social sera à
Québec et qui sera doté d'un budget annuel de un million, fera l'objet d'un
projet de loi qui devrait être présenté d'ici la fin juin pour adoption à
l'automne. Réunissant au sein de son conseil d'administration des représentants
de la société civile (syndicats, patronat, universitaires, ONG), l'Observatoire
aura non seulement une mission de veille et de diffusion de l'information mais
aussi d'analyse et de recherche.
Photo AP |
Manifestation, le 21 avril 2001, lors du Sommet des
Amériques à Québec. |
Rien à voir avec la Marche
des peuples qui a rassemblé 60 000 «antimondialistes» l'an dernier. Rien à voir
non plus avec les manifestations du Sommet des Amériques. Mais 500 militants
ont tout de même choisi de marcher, dimanche, dans les rues de Québec, pour
réaffirmer leur opposition à la Zléa.
Sous un vent
frigorifiant, les manifestants des milieux communautaire, étudiant et syndical
ont investi les rues Grande-Allée, Cartier, Claire-Fontaine et Saint-Jean
pendant un peu plus d'une heure, dans une atmosphère calme et pacifique,
escortés par une poignée de policiers.
«Le Sommet, ça fait un an. C'est le moment
idéal pour se souvenir de ce qui s'est passé ici. La Zléa (Zone de libre
échange des Amériques) se négocie encore», a indiqué Patrice Breton,
porte-parole de l'Opération Québec Printemps 2001, groupe chargé de l'accueil
des manifestants lors du Sommet des Amériques.
«Nous avons été 60 000 l'an passé à dire non
au projet de vendre les Amériques à rabais à une poignée d'hommes d'affaires»,
a-t-on scandé d'entrée de jeu, hier, pour donner le ton à la «Marche des
Peuples + 1».
Des discours engagés ont
donc ponctué les escales, notamment au Parc de l'Amérique française, symbole de
la répression mais aussi de la «chute» du périmètre de sécurité, au Sommet de
l'an dernier.
«Il y a 50 rencontres prévues en 2002 pour
continuer de concocter la Zléa», a insisté Patrice Breton, qui, comme ses
pairs, dénonce la réduction des acquis sur le plan social contre la protection
blindée des investisseurs.
«C'est un modèle
commercial voué à l'échec. L'Argentine est un exemple», a-t-il ajouté, en
rappelant que la Zléa doit être achevée pour 2005.
«L'économie doit servir
le social (...) C'est le contraire que nos chefs d'État sont en train de
faire», a renchéri Marc Laviolette, président de la CSN, venu marcher dans les
rues de Québec, dimanche. Il a rappelé qu'une vaste consultation populaire sur
la Zléa se tiendra dans les trois Amériques d'octobre à mars. «On va sûrement
demander au gouvernement de tenir un référendum sur la question. On veut que le
gouvernement se démarque du chapitre 11 de la Zléa (protection des
investisseurs)», a insisté M. Laviolette.
Christian Deblock et
Sylvain F. Turcotte
Les auteurs sont
respectivement directeur du Centre études internationales et mondialisation, à
l'UQAM et chercheur principal pour l'Amérique latine, à la chaire
Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, de l'UQAM.
Le projet lancé en décembre
1994 est très ambitieux puisqu'il s'agit d'intégrer, par l'économie et les
valeurs partagées, les 34 pays «démocratiquement élus» de l'hémisphère.
Photo Agence France-Presse |
Les pays présents ont
souligné à l'issue du Sommet de Québec que seuls les États ayant un
gouvernement élu démocratiquement pourraient faire partie de la Zone de
libre-échange des Amériques. |
Huit années plus tard, ce
projet a été redéfini et élargi à Santiago et à Québec, les négociations
commerciales sont passées à une nouvelle étape, la «Communauté des démocraties»
a maintenant sa charte, adoptée le 11 septembre 2001, et la coopération
interaméricaine est bien engagée dans à peu près tous les domaines. Donc les
choses ont beaucoup progressé. Conformément à l'objectif visé et au calendrier
prévu ? Pas tout à fait.
Si la fin des
négociations commerciales est toujours prévue pour janvier 2005, des tensions
de plus en plus évidentes entre les États-Unis et certains pays se sont
manifestées, au point que l'on peut se demander si cette date est encore
réaliste. D'un autre côté, même si, à Québec, les chefs d'État et de
gouvernement ont convenu d'accorder aux «économies de petite taille» une
attention particulière dans tous les groupes de négociation, aucune avancée
notable n'a, depuis, été faite dans ce dossier. Il serait tentant de dire que
tout cela est dans l'ordre des choses, et que tant que l'on n'est pas entré
dans le vif de la négociation, on ne peut préjuger de rien. Toutefois,
plusieurs points d'incertitude ont surgi depuis Québec.
Les intentions
américaines
Tout d'abord, qu'en
est-il des intentions américaines ? Les États-Unis sont les véritables
porteurs du projet, et, au risque d'enfoncer une porte ouverte, rien ne peut se
faire sans eux. Or, leur approche du dossier a changé. L'administration Bush
n'est pas l'administration Clinton ! On a pu s'en rendre compte dans le
dossier de l'acier (ou dans celui du bois d'oeuvre), mais aussi à propos du
projet de loi sur la Trade Promotion Authority. L'unilatéralisme est de retour,
quitte à provoquer l'ire générale. Plus grave encore, si l'administration Bush
entend aller de l'avant dans une négociation à 34, ce ne sera pas à n'importe
quel prix, ni sans faire valoir les intérêts des États-Unis. Et en la matière
beaucoup de choses ont changé, particulièrement depuis le 11 septembre. (...)
Dans un article de la
revue Foreign Affairs en janvier 2000, Robert Zoellick, qui allait devenir
le nouvea définies. Cinq principes fondamentaux étaient identifiés: 1) le
respect de la puissance; 2) la puissance devait s'appuyer sur la construction
de coalitions et d'alliances; 3) les accords et les institutions internationaux
devaient servir d'instrument pour atteindre les objectifs; 4) la politique
étrangère devait embrasser tous les changements dans les communications, les
technologies, le commerce et la finance, qui façonnent l'environnement de la
politique et de la sécurité globales; enfin 5) celle-ci devait lutter contre le
«mal», ceux qui haïssent l'Amérique et ses valeurs. Sur le plan économique,
Zoellick identifiait trois priorités: 1) appuyer le dynamisme du secteur privé
en forçant l'ouverture des marchés et le respect des engagements pris; 2)
promouvoir l'ouverture entre les régions du monde en créant un réseau
d'alliances gravitant autour des États-Unis; et 3) approfondir l'intégration
avec les grandes régions du monde en combinant les accords régionaux avec le
développement des règles multilatérales. La voie est maintenant tracée. Aussi,
si l'administration Bush demeure fortement attachée au projet des Amériques, ce
ne sera pas à n'importe quel prix ni en affichant la même souplesse que
l'administration Clinton. Par ailleurs, le recours au bilatéralisme et aux
alliances est maintenant systématiquement recherché, devant appuyer un
leadership à réaffirmer haut et fort, dans les affaires commerciales comme dans
la défense et la lutte contre le terrorisme. Bref, libre-échange oui, mais à des
conditions que les États-Unis entendent fixer.
Et de l'autre côté des
tables de négociations, les partenaires latino-américains ont, eux aussi, revu
leurs approches après les événements des derniers mois, à commencer par le
Brésil qui n'entend plus négocier avec les États-Unis, qui font si peu cas des
règles commerciales et entendent faire comme bon leur semble. Déjà très
réticent à l'idée de se joindre à une zone de libre-échange conçue selon les
préférences et les intérêts de Washington, le Brésil clame désormais qu'il ne
participera pas aux négociations si les États-Unis suivent la voie de
l'unilatéralisme. La hausse des tarifs protégeant le marché de l'acier aux
États-Unis ayant frappé directement les grandes aciéries nationales, Brasilia
utilise ces événements pour ralentir le processus de négociation et renforcer
l'opposition au projet américain.
Longtemps considérée par
les États-Unis comme leur principale alliée en Amérique du Sud, l'Argentine est
désormais plus nuancée dans ses relations avec la grande puissance du
continent. La crise économique profonde dans laquelle est plongé le pays depuis
plusieurs années a mis fin au système de convertibilité qui accrochait le peso
au dollar des États-Unis, donnant ainsi à Buenos Aires plus de liberté envers Washington.
Le discours du nouveau président péroniste est révélateur, la voie du Mercosur
et du rapprochement avec l'Union européenne semble être préférée au projet de
libre-échange continental. Mais la crise qui se prolonge en Argentine diminue
grandement la marge de manoeuvre du pays à l'égard du FMI qui pourrait rendre
son aide conditionnelle à la participation au projet de ZLEA.
Il y a également des
difficultés avec le Chili qui négocie depuis plusieurs années un accord de
libre-échange avec les États-Unis, ceux-ci voulant un accord type qui serait
étendu à l'ensemble du continent par une entente globale de type ZLEA ou par
plusieurs accords bilatéraux dans l'éventualité d'un échec des négociations.
Malgré un discours toujours très favorable des deux parties, les problèmes et
les tensions s'accumulent, présage des difficultés à venir dans les
négociations continentales.
La zone andine comporte,
elle aussi, sa part de problèmes et de difficultés. En Colombie, le plan
d'éradication des cultures de feuilles de coca n'a jamais apporté les résultats
escomptés, malgré le financement et l'aide technique accordée par Washington
qui veut s'assurer de la stabilité et de la sécurité de la région avant la mise
en place d'une zone de libre-échange. Et au Venezuela, les événements des
derniers jours semblent indiquer que le gouvernement Chavez est plus solide
qu'on ne le croyait, lui qui s'oppose fermement à un libre-échange à la sauce
Washington.
Le contexte entourant les
négociations commerciales hémisphériques s'est transformé depuis le Sommet des
Amériques tenu à Québec. Le gouvernement américain a vu ses priorités changer
significativement avec l'arrivée des républicains au pouvoir et les événements
du 11 septembre dernier. En Amérique du Sud, les crises, qu'elles soient
politiques ou économiques, ont modifié les calculs et stratégies des principaux
gouvernements de la région. Il apparaît de plus en plus clairement que nous
assistons à une reformulation des alliances qui préparent la voie aux
négociations proprement dites. La nouvelle distribution des forces sera
déterminante pour le Projet des Amériques. À l'heure actuelle, le pessimisme
est de bon ton à l'égard d'une éventuelle zone de libre-échange hémisphérique.
Lucie Lamarche et Love
St-Fleur
Voici le deuxième de
trois textes sur les suites du Sommet des Amériques qui a eu lieu l'an dernier
à Québec.
Les auteures sont
respectivement professeure à l'UQAM à la faculté de science politique et de
droit et directrice du CEDIM (Centre d'études sur le droit international et la
mondialisation), et étudiante à la maîtrise, faculté de science politique et de
droit (www.cedim.uqam.ca).
Lors de la tenue du
Sommet de Québec en avril 2001, plusieurs mouvements de la société civile des
Amériques revendiquaient, de la part des chefs d'État alors réunis, l'adoption
d'une clause démocratique. Bien que les opinions divergent quant à la teneur
exacte d'une telle clause, on peut affirmer qu'il s'agissait alors de faire en
sorte qu'aucun État américain ne puisse bénéficier des retombées d'une
intégration hémisphérique sans s'engager à respecter la démocratie et les
droits de la personne et des peuples. Logiquement, il était aussi demandé
qu'une atteinte à la démocratie et aux droits de la personne puisse entraîner
l'expulsion ou la suspension de la participation d'un État au Processus des
Sommets ou, éventuellement, de l'institution hémisphérique du commerce. Il
s'agissait, en bref, de lier, sur le mode de la sanction commerciale, droits
humains et commerce.
La Déclaration de Québec,
adoptée par les chefs d'État à l'issue du Sommet, n'a pas directement donné
suite à cette revendication. Cependant, elle n'est pas dénuée d'engagements par
rapport à la démocratie et aux droits de la personne. En effet, afin de donner
suite à ces engagements, les chefs d'État ont donné le mandat à l'Organisation
des États américains (OEA) de préparer une Charte démocratique interaméricaine.
Photo AP |
Au Sommet des Amériques
de Québec l'an dernier, on a vu le président du plus pauvre de tous les pays
de l'hémisphère, Jean-Bertrand Artistide, d'Haïti, fraterniser avec le
président des puissants États-Unis, George W. Bush. |
À la suite de
négociations ardues, la Charte a été adoptée par l'Assemblée générale (AG) de
l'OEA le 11 septembre 2001 (pure coïncidence!). Il s'agit d'une simple
résolution de l'AG de l'OEA qui n'établit aucun lien direct avec le Processus
des Sommets ou avec celui de l'intégration hémisphérique. D'ailleurs, le
Processus des Sommets n'est pas placé sous la responsabilité institutionnelle
de l'OEA.
L'ordre constitutionnel démocratique
Selon les termes du
premier article de la Charte, les peuples des Amériques ont droit à la
démocratie. Ce droit repose sur l'ordre constitutionnel démocratique: la
subordination constitutionnelle des institutions de l'État aux autorités
civiles, le respect de la règle de droit, la séparation et l'indépendance des
pouvoirs publics, la tenue d'élections périodiques fondées sur le suffrage
universel et secret, l'existence d'un régime pluraliste de partis politiques et
le respect des droits de la personne sont des composantes essentielles du droit
des peuples à la démocratie. Le maintien des démocraties «constitutionnelles»
est donc proposé à titre condition distincte, préalable et nécessaire au
respect des droits de la personne. Au sein de la société civile et des milieux
universitaires, tous ne s'entendent pas sur cette distinction et sur cette
hiérarchisation entre le droit à la démocratie et les droits de la personne.
La réelle particularité
de la Charte réside cependant dans le fait que les États membres de l'OEA se
donnent les moyens d'intervenir dans les affaires intérieures d'un État des
Amériques non seulement dans le cas où l'ordre constitutionnel serait interrompu
(comme dans un coup d'État classique), mais aussi, dans celui où il serait
«altéré». Dans le cas d'une interruption de l'ordre constituè013 .
0003.04étionnel et de l'échec des démarches diplomatiques, l'Assemblée générale
de l'OEA peut procéder à la suspension du droit de l'État membre de participer
à l'OEA. Si l'ordre constitutionnel est altéré et non pas interrompu, l'OEA
pourra maintenant recourir à la panoplie des outils diplomatiques dont elle
dispose afin de renforcer cet ordre. Mais elle ne pourra pas priver
provisoirement, de ses privilèges de membre, l'État en cause.
Lors de l'Assemblée
générale de l'OEA tenue à Windsor en juin 2000, l'OEA avait éprouvé des
difficultés importantes à définir un mode légitime d'intervention envers le
gouvernement péruvien de Fujimori, faute d'avoir alors à sa disposition des
outils qui établissaient cette distinction entre l'interruption démocratique et
l'altération démocratique. Ce moment douloureux de l'histoire de l'OEA explique
l'intense activité diplomatique que les Péruviens et le gouvernement péruvien
ont déployée à la suite du Sommet de Québec, en vue de l'adoption de la Charte.
L'Assemblée générale de l'OEA y a par ailleurs eu recours dans une résolution
qui a été adoptée en janvier 2002 et qui concernait Haïti, à la suite des
événements violents du 17 décembre 2001. Est-ce un effet du hasard que le
premier pays où la Charte a été utilisée à titre de fondement d'une
intervention de l'OEA soit un «petit» pays des Amériques?
Deux ordres de questions
La Charte suscite deux
ordres de questions. Le premier concerne la nature du droit à la démocratie
qu'elle promeut et la relation entre ce droit et le principe de la souveraineté
des États. Le deuxième a trait à la relation entre le Processus des Sommets et
la démocratie dans les Amériques.
En se donnant un outil
supplémentaire pour assurer la promotion de la démocratie comme droit des
peuples, l'OEA ne renonce pas à sa mission de protection et de promotion des
droits de la personne. Mais elle relègue à la sphère politique (la volonté des
États membres de l'OEA) le contrôle de la qualité des ordres démocratiques dans
les Amériques. Ce faisant, elle prive la société civile de son droit de
participer à l'évaluation des interruptions et des altérations des conditions
démocratiques en cours dans les Amériques. De plus, l'OEA serait frappée
d'incohérence si ses institutions concluaient à des violations des droits de la
personne alors que l'Assemblée générale n'arrivait pas à un accord sur la
présence d'une altération de l'ordre démocratique. Fallait-il ajouter une
nouvelle dimension à la problématique du déficit démocratique dans les
Amériques: celle de l'incohérence possible entre le droit à la démocratie et
les droits de la personne?
Par ailleurs, revenant
aux revendications entourant le Sommet de Québec, nous sommes en droit de nous
demander si les États membres de l'OEA trouveraient la volonté politique de
recourir à la Charte pour expulser du Processus des Sommets un État qui
tolérerait chez lui une altération de l'ordre démocratique constitutionnel? La
Charte est muette à ce sujet, mais selon le gouvernement canadien, cela ne
serait pas exclu. Encore faudrait-il que le Canada puisse convaincre ses
partenaires de l'OEA. Or, si actif que soit le Canada dans le Processus des
Sommets, il convient de rappeler qu'il n'a encore à ce jour ratifié aucun des
instruments de droits humains adoptés par cette institution régionale. Étrange
position... lorsqu'il s'agit de donner des leçons de démocratie... sauf si la
démocratie doit être comprise comme une exigence indépendante du respect des
droits de la personne, voire une exigence purement formelle.
Il y a un an jour pour
jour, ils étaient des dizaines de milliers dans les rues de Québec venus crier
leur haut-le-cœur vis-à-vis de la future Zone de libre-échange des Amériques
(ZLEA). Hier, ils n'étaient plus des milliers, mais des centaines. Toujours
aussi indignés.
La marche d'hier contrastait
sur plus d'un plan avec celle de l'an dernier. Le fond de l'air, d'abord.
Respirable et beaucoup plus froid. Pas de gaz, pas de bruits d'hélicoptères.
Les marcheurs aussi. Des tuques et des mitaines plutôt que des tenues d'été. Et
pas de masques à gaz.
Par contre, la colère,
elle, est toujours là. Tout comme cette intime conviction que les Amériques
sont usurpées par les grands argentiers de l'Amérique du Nord. « Non à la ZLEA,
un autre monde est possible », scandaient les marcheurs.
LE SOLEIL, Jean-Marie Villeneuve |
Le fond de l'air était plus frais, hier, que lors du Sommet, mais la
colère des manifestants à l'égard de la ZLEA n'avait pas refroidi d'un degré. |
Parti du Musée du Québec
vers 13 h 45, le cortège a emprunté la Grande Allée, la rue Cartier, le
boulevard René-Lévesque, les rues Claire-Fontaine et Saint-Jean en chantant et
en répétant d'une seule voix, sur tous les tons, en français et en espagnol,
que la ZLEA était une insulte à l'intelligence des Amériques. Les passants qui
se promenaient sur la rue Cartier avaient l'air un peu médusé.
La marche a fait un
premier arrêt à la place de l'Amérique française, le symbole des symboles du Sommet
qui se tenait à Québec l'an dernier. C'est là que la clôture est tombée.
Jessica était là l'an
dernier. Elle s'en rappelle très bien. « Je chantais toute seule dans mon coin
avec une pancarte en forme de cœur et ils m'ont arrêtée. C'est sûr que j'étais
dans une zone dangereuse mais, surtout, j'étais une cible facile »,
raconte-t-elle
Revenir en ce même
endroit un an plus tard a quelque chose de symbolique pour Jessica. Mais,
précise-t-elle, elle n'a pas pris part à la marche uniquement pour le symbole.
« Je suis ici surtout parce qu'il n'y a pas grand-chose qui a changé depuis un
an. Je suis ici pour essayer de renverser la pyramide », explique la jeune
femme, qui s'était bricolé pour l'occasion une jolie crinière de fleurs
blanches. Pour renverser la pyramide, Jessica ne se contente pas de marcher. «
Je fais de la sensibilisation dans les écoles, je mange bio, j'encourage les
entreprises locales. »
Laviolette présent
Marc Laviolette,
président de la Centrale des syndicats nationaux (CSN), était aux premières
loges hier, tout juste derrière la grande banderole qui ouvrait la marche.
Devant le Musée du Québec, il a prononcé un discours pour rappeler que «
l'économie doit servir le social ». Il a souligné la nécessité d'organiser des
grèves nationales pour faire reculer les gouvernements.
En entrevue, le
syndicaliste a fait le point sur les travaux du Réseau québécois sur
l'intégration continentale (RQIC), dont les membres se sont réunis samedi soir.
Ensemble, ils ont discuté d'un plan d'action dont l'échéance rejoint celle des
34 chefs d'État de l'Amérique, soit 2005. La première échéance : un plébiscite
populaire à la grandeur des Amériques qui devrait être prêt pour le Sommet de
Buenos Aires en 2003. « On veut que le Québec fasse un référendum là-dessus »,
souhaite M. Laviolette. Il souhaite la même chose dans tous les pays concernés
par la ZLÉA.
De plus, les membres de
l'Alliance sociale continentale, dont le RQIC fait partie, souhaitent organiser
une journée d'action coordonnée de la Terre de Baffin à la Terre de feu. Marc
Laviolette aimerait bien que l'action prenne la forme de grèves nationales. «
Ça ne concerne pas juste les syndicats, ça concerne toute la société. Il faut
qu'il y ait un arrêt de toute activité, que tout soit paralysé. Je crois qu'il
faudra aller jusque-là », estime-t-il.
JEFF HEINRICH
Taking a
final exam at
Under heavy
security, seven cabinet ministers from the G8 countries are getting together
for an unannounced, on-campus private parley with international union and
business leaders.
Coming
right in the middle of spring exam period for most of McGill's 17,000
undergraduate students, the event could be a headache if it gets in the way of
normal university business.
The private
meeting, which starts at
Jane
Stewart,
Also Kept Secret
It's all a
prelude to an official, closed-door meeting of the ministers in
On the
agenda are the jobs of millions of workers in
Maximizing
the labour force by getting more aboriginals, immigrants and people with
disabilities into the job market, training older workers and creating new jobs
in the modern economy - those are key, Stewart said.
She and her
counterparts from the
The
ministers have met seven times since the process was begun in
"We
want three things addressed: jobs, skills and rights, not in the abstract but
in real terms," said Ken Georgetti, president of the Canadian Labour
Congress, which represents 2.6 million workers.
Mayor at Function
After
today's meeting, the ministers and other leaders are to visit McGill's Dawson
Hall to see a plaque that marks the wartime exile years of the Geneva-based
ILO. From 1940 to 1946, its headquarters were at McGill.
The
ministers and leaders will then have supper at Redpath Hall. Montreal Mayor
Gérald Tremblay will attend the function, his office said yesterday.
Unions,
meanwhile, are planning a rally on global labour practices tomorrow at
Unions want
the G8 countries to emphasize job training and recognize the skills of
immigrant workers, said René Roy, secretary-general of the Quebec Federation of
Labour, the province's largest union federation.
If
globalization means the freer flow of capital internationally, "then we
want people to be able to circulate just as easily, with all the training and
knowledge they have,"
- The
official homepage for this week's meeting is www.g8montreal2002.ca; a more
general Web site for the June G8 summit in
- Jeff Heinrich's
E-mail address is jheinrich@thegazette.southam.ca.
© Copyright
2002 Montreal Gazette
Nadia Teskrat
Agence France-Presse, Montréal
Photo PC |
Les ministres du Travail
des pays du G8 (Canada, États-Unis, Allemagne, Italie, France, Royaume-Uni,
Japon, Russie) vont plancher vendredi et samedi à Montréal sur les moyens de
promouvoir d'urgence l'apprentissage à vie pour répondre aux transformations de
l'économie.
«Trois impératifs donnent
à penser qu'il nous faut agir dès maintenant: les demandes de compétences à la
hausse, des données démographiques changeantes et des systèmes d'apprentissage
dépassés», selon un document intitulé «Les défis en matière de compétences et
d'apprentissage au XXIe siècle» qui servira de base de discussion aux ministres
du Travail du G8 et à l'Union européenne.
«Chaque pays du G8 a
reconnu la nécessité d'améliorer son système d'apprentissage» pour faire face à
une «demande sans cesse croissante de travailleurs scolarisés, spécialisés et
capables d'adaptation», souligne-t-il.
«L'apprentissage doit
être un projet de toute une vie», insiste le document qui reprend les
recommandations de la Charte de Turin du G8 (novembre 2000) selon laquelle «il
est nécessaire d'abandonner le concept conventionnel du cycle de vie en trois
étapes que sont les études, l'emploi et la retraite».
Dans les pays de l'OCDE
(Organisation de coopération et de développement économiques), «une proportion
appréciable» de jeunes (près de 25% au Canada) ayant obtenu leur diplôme
d'études secondaires «ne possèdent pas les capacités de lecture et d'écriture
voulues pour répondre aux besoins de l'économie du savoir» exigeant des
«niveaux plus élevés de compétences et d'adaptabilité».
L'OCDE a également
constaté que l'apprentissage des adultes était «généralement sous-développé et
incohérent», laissant à l'écart les chômeurs et profitant à des salariés «déjà
relativement très spécialisés», note le document.
Or, dans plusieurs pays,
«la demande de travailleurs spécialisés a déjà commencé à
dépasser l'offre», comme dans l'informatique. Au Canada, «quelque 70% des
nouveaux emplois créés au cours des cinq prochaines années nécessiteront certaines
études post-secondaires».
L'autre sujet
d'inquiétude réside dans «une compression démographique imminente qui
exacerbera les pénuries existantes et prévues en matière de compétences».
Au Japon et dans l'Union
européenne, «le ratio de travailleurs par rapport aux retraités diminuera pour
passer de 5 à 1 aujourd'hui, à 3 à 1 en 2015».
Le document de discussion
met l'accent sur la nécessité, autant économique que sociale, d'encourager
l'emploi des travailleurs âgés plutôt que de les mettre en préretraite,
reprenant les recommandations de la Charte de Turin.
L'insertion sur le marché
du travail des «personnes handicapées, des peuples autochtones, des jeunes, des
immigrants récents et des femmes», constitue également des «enjeux de poids».
Jean-François Prud'Homme
Nous publions ici le
troisième et dernier texte de notre série (les deux premiers textes ont paru
dimanche et lundi derniers) sur la situation dans les Amériques, un an après le
Sommet de Québec.
Photo AFP |
Le président du
Mexique, Vicente Fox, et le président des États-Unis, George W. Bush, lors
d'un Sommet des Amériques, en avril de l'an dernier à Québec. |
Après sa victoire
électorale qui, en juillet 2000, avait mis fin à soixante-dix ans de
gouvernement d'un parti dominant au Mexique, le président Vicente Fox avait
affirmé que l'objectif principal de sa politique étrangère était d'améliorer
l'image internationale de son pays. Depuis lors, le ministre des Relations
extérieures, Jorge Castaeda, ne se lasse pas de répéter que le domaine de la
politique publique sous sa responsabilité est celui qui montrera le plus
rapidement les marques du changement de régime. Cela est vrai à en juger à
l'activisme dont fait preuve le ministre. Cependant, cette volonté de
changement se heurte à une tradition solidement établie de la politique
étrangère mexicaine, à l'opposition d'un secteur important du Congrès et aux
aléas de l'actualité internationale.
L'hémisphère américain
constitue le terrain privilégié de la mise en oeuvre de la nouvelle diplomatie
mexicaine. Traditionnellement, les Caraïbes ainsi que l'Amérique centrale et du
Sud ont constitué une zone d'influence culturelle et politique importante pour
le Mexique. Les rapports avec l'Amérique latine ont servi fréquemment à marquer
les limites de la souveraineté mexicaine face aux États-Unis.
Il s'agissait pour le
Mexique de recréer un équilibre que niait l'asymétrie de la relation bilatérale
avec son puissant voisin du Nord. C'est dans cette perspective qu'il faut
interpréter sa défense de la place de Cuba dans les affaires hémisphériques,
son rôle longtemps effacé au sein de l'Organisation des États américains et,
par contraste, son activisme au sein d'organisations régionales à faible présence
états-unienne.
Premier virage
Le premier virage
d'importance dans cette politique continentale a été pris sous le président
Salinas avec la signature de l'Aléna. Ce traité venait confirmer l'ancrage du
Mexique en Amérique du Nord. La négociation postérieure d'autres accords
commerciaux avec des partenaires d'Amérique du Sud et centrale (et d'autres
continents) a mis en relief la volonté de diversification des relations
commerciales du pays. Il devenait possible, entres autres choses, de vendre l'idée
d'un Mexique qui serait le point de confluence de différentes routes
commerciales.
Dans les relations avec
le reste de l'Amérique latine, cela a suscité la tentation de se présenter
comme un intermédiaire idéal dans les rapports avec les États-Unis. Cette
stratégie n'a pas vraiment été appliquée - probablement parce qu'elle répond à
un besoin qui n'existe pas - mais elle souligne une nouvelle perception du rôle
que pouvait jouer le pays dans les affaires hémisphériques.
Le virage qu'a signifié
l'Aléna pour le Mexique répondait d'abord et surtout à des impératifs
économiques. C'est dans ce domaine où on peut le mieux apprécier ses effets: le
volume des échanges commerciaux avec les États-Unis a progressé de façon
spectaculaire depuis 1994.
Cependant, le volet plus
proprement politique de la diplomatie mexicaine demeurait à la traîne.
Cela ouvrait un grand
champ de manoeuvre pour que le président Fox et son ministre des Affaires
étrangères puissent, au moment d'assumer le pouvoir en décembre 2000,
renouveler la diplomatie hémisphérique mexicaine. Le plan original du
gouvernement identifiait deux grands piliers de la nouvelle politique
étrangère: l'Amérique du Nord et l'Amérique latine.
On se rappellera les
propositions audacieuses du président Fox quant à la partie septentrionale du
continent: aller de l'avant dans le processus d'intégration continentale,
permettre à long terme la libre circulation de la main d'oeuvre entre le
Canada, le Mexique et les États-Unis et créer un fonds de cohésion sociale pour
venir en aide aux zones les plus défavorisées de l'Amérique du Nord.
Au nord, les propositions
du président Fox sur l'intégration nord-américaine ont été reçues avec un
certain scepticisme malgré la grande sympathie dont jouit son gouvernement chez
ses partenaires de l'Aléna. Elles étaient perçues comme peu réalistes, hâtives
et dépourvues de contenu. Cependant, elles avaient l'avantage de placer au
centre de la discussion des thèmes très concrets comme, par exemple, la
situation des plus de 3,5 millions d'immigrants illégaux mexicains aux
États-Unis. Elles forçaient aussi les gouvernements à discerner les sujets qui
devaient (ou pouvaient) être traités de façon trilatérale de ceux qui
continuaient d'appartenir au domaine bilatéral.
Dans les faits, la
rhétorique nord-américaine du président Fox a initialement permis au Mexique
d'avoir de solides espoirs quant à l'avancement des négociations avec les
États-Unis sur des thèmes comme le contrôle du narcotrafic ou la régularisation
des immigrants illégaux mexicains aux États-Unis. Cela permettait à Vicente
Fox, lors d'une visite officielle réalisée début septembre 2000 à Washington,
de mettre le président Bush au défi de signer un accord sur l'immigration avant
décembre de cette même année.
L'après 11 septembre
Puis survinrent les
tragiques événements du 11 septembre qui ont placé les rapports bilatéraux
entre le Mexique et son voisin du Nord dans un contexte plus vaste et
malheureusement plus réaliste. Les négociations qui se déroulaient autour
d'enjeux précis comme l'immigration ont été paralysées ou se sont réorientées
vers une perspective de sécurité nationale américaine.
L'association entre
intégration continentale et sécurité hémisphérique a donné lieu à des réactions
qui ont montré comment certains secteurs de l'opinion publique et de la classe
politique mexicaines étaient mal préparés à ce qui semblait être un brusque
changement de cap de la politique étrangère. De fait, ces réactions laissaient
entrevoir que le nouveau gouvernement devait accorder plus d'attention à la
dimension domestique de sa politique étrangère: il devait convaincre avec plus
d'insistance. Enfin, les discussions des Américains avec leurs partenaires
canadiens et mexicains sur la gestion des frontières communes mettaient en
évidence la disparité des situations nationales et les limites du
trilatéralisme proposé par le président Fox.
Sans douter du bien-fondé
de la vision nord-américaine du gouvernement Fox, celle-ci semble encore plutôt
vague quant à ses modalités d'application et donne l'impression de fonctionner
surtout pour gérer les rapports bilatéraux avec les États-Unis.
Les relations avec
l'Amérique latine ont été en général plus discrètes que ce qu'avait annoncé le
nouveau gouvernement, donnant l'impression que le deuxième pilier de la politique
extérieure était beaucoup plus fragile que le premier. C'est cependant cette
discrétion qui fait le succès de la diplomatie mexicaine dans la région. Il est
clair que le changement de gouvernement permet au Mexique d'être au diapason de
la démocratie dans les discussions qui ont lieu dans les forums régionaux.
Ce qui avait semblé être
une attitude erratique du gouvernement mexicain lors de la négociation du
contenu de la Charte démocratique de l'OEA, quelques semaines après le Sommet
de Québec, était plutôt une stratégie pour s'assurer l'appui d'une grande
majorité de pays de l'Amérique latine et des Caraïbes afin d'obtenir un des
deux sièges latino-américains au Conseil de sécurité de l'ONU. Le rôle actif
joué par le Mexique au sein du Groupe de Rio lors de la négociation d'une
déclaration commune sur les événements qui se déroulaient au Vénézuela la
semaine dernière est un exemple du leadership discret que peut exercer ce pays
dans la région.
Par contre, les tensions
récentes enregistrées dans les rapports avec le gouvernement cubain sur la
question du vote mexicain à la Commission des droits de l'homme des Nations
unies montrent aussi les limites au sein desquelles opère la diplomatie
mexicaine dans la région. Celle-ci semble mieux fonctionner lorsqu'elle
travaille de concert avec d'autres nations latino-américaines que lorsqu'elle
prétend jouer un rôle de grand intermédiaire.
En somme, le changement
de régime permet de compléter le virage de la politique hémisphérique mexicaine
entamé lors des années quatre-vingt-dix. Cependant, l'implantation de la
nouvelle politique doit tenir compte de contraintes domestiques et de
l'asymétrie des relations de pouvoir dans le continent. Il y a là un processus
d'ajustement qui oblige la diplomatie mexicaine à travailler encore plus sur
les nuances.
L'auteur est politologue
au Centre d'études internationales El Colegio de México.
André Duchesne
Photo PC |
Un manifestant
avec une affiche où on peut lire «L'argent caresse le pouvoir» ce vendredi. |
Réunis
dans la plus grande discrétion à Montréal, les ministres du Travail des huit pays
les plus industrialisés (G8) ont reçu un accueil pour le moins bruyant et agité
hier soir alors que manifestants antimondialisation et policiers se sont
affrontés autour du square Dominion.
Le rendez-vous en vue d'une marche de protestation était à 18h à
l'intersection des rues René-Lévesque et Peel. Mais quelques minutes avant, les
policiers de Montréal sont intervenus en masse.
«Les policiers ont le pouvoir de réaliser des interventions préventives en autant que cela réponde à certains critères tels la présence de manifestants ayant un passé violent ou encore des informations récentes voulant que des gens aient en leur possession des objets dangereux. C'est ce qui s'est produit aujourd'hui», a résumé le commandant André Durocher, porte-parole de la police de Montréal.
Il a montré à La Presse quelques objets retrouvés dans le groupe de manifestants que les policiers ont réussi à encercler à l'intersection de la place Dorchester et de la rue Peel. Dans le lot, on recensait lance-pierres, billes en marbre, boules de billard et cocktails Molotov fabriqués avec des bouteilles de bière.
Tous ces objets trônaient dans un tas de drapeaux, fanions et autres panneaux devant servir à illustrer bien clairement les revendications des manifestants.
Pendant ce temps, ceux-ci continuaient à chahuter, à narguer les policiers et à scander des slogans. D'autres, se trouvant à l'extérieur du groupe encerclé et tenus à l'écart par les policiers casqués et matraque à la main, criaient «Libérez nos camarades».
Deux heures après l'intervention policière, les rues du centre-ville étaient encore bouclées et fourmillaient de la faune habituelle des manifestations: policiers, protestataires, journalistes, quelques curieux. Phénomène surréaliste en périphérie de cette scène, des couples tout endimanchés (dames en robe du soir et messieurs portant la cravate noire) se dépêchaient d'entrer dans un restaurant chic de la rue Peel, jetant des regards inquiets par-dessus leur épaule.
Présente sur les lieux avec une demi-douzaine d'observateurs, Lucie Lemonde, de la Ligue des droits et libertés, indiquait que les policiers sont soudainement intervenus au moment où les manifestants s'apprêtaient à se mettre en marche. Pendant de longues minutes, ils n'auraient laissé sortir personne du groupe encerclé.
Une formation pour la vie
En parallèle à cette manifestation, des représentants syndicaux ayant eu l'occasion d'échanger avec les ministres du Travail et de l'Emploi réunis à Montréal ont insisté sur le besoin d'offrir non seulement plus de formation continue, mais de faire en sorte qu'elle soit «qualifiante et transférable».
Par ces termes, on veut dire que les travailleurs, où qu'ils soient, doivent avoir accès à une formation qui leur permettra d'aller travailler ailleurs si tel est leur souhait ou dans l'éventualité où leur entreprise ferme ses portes.
«De cette façon, on aide certains groupes d'exclus, tels les jeunes, les travailleurs plus âgés et les personnes handicapées, à avoir plus de chances de s'intégrer au monde du travail», a indiqué le président de la CSN, Marc Laviolette.
À la CSD, le directeur de la recherche, Normand Pépin, a estimé que la rencontre de jeudi soir constituait un pas dans la bonne direction, mais qu'il reste un énorme travail à faire. «Nous n'avions que deux heures à notre disposition pour échanger entre syndicats, représentants du patronat et ministres du G8. C'est nettement insatisfaisant», a-t-il indiqué.
Selon lui, un des problèmes de la formation continue est qu'elle est trop souvent donnée en premier lieu aux cadres ou aux employés les plus importants d'une entreprise. «Les grands oubliés, ce sont les personnes les moins instruites, les travailleurs des PME et les personnes demeurant en régions éloignées.»
Présidée par la ministre canadienne des Ressources humaines, Jane Stewart, la rencontre permettra de présenter un rapport aux chefs d'États avant la rencontre du G8 qui aura lieu en juin à Kananaskis, en Alberta.
Presse Canadienne
Québec
Le juge Hubert Couture a prononcé vendredi la sentence la plus sévère imposée jusqu'ici à des manifestants du Sommet des Amériques sans antécédents judiciaires, condamnant deux individus à 45 jours d'emprisonnement.
Les accusés, Dorian Locke, 19 ans, et Aaron Koleszar, 28 ans, tous deux de l'Île-du-Prince-Édouard, avaient été déclarés coupables, suite au Sommet des Amériques, d'attroupement illégal. Dans le cas de Locke, sa culpabilité avait aussi été reconnue pour possession d'arme dans un dessein dangereux, et quant à Koleszar, pour port d'arme dans un dessein dangereux, et entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. Selon les faits mis en preuve, les deux jeunes hommes ont été arrêtés, le 22 avril 2001, «alors qu'ils s'apprêtaient à troubler la paix tumultueusement.»
Locke avait en sa possession, dans un sac à dos, une fronde et des pierres, ainsi que de nombreux protecteurs. Koleszar avait pour sa part des pierres dans ses poches, était bardé de protecteurs, et avait près de lui un bouclier artisanal.
Tous deux étaient vêtus, comme l'écrit le juge Couture, «comme d'autres individus qui, dans les jours précédents, avaient été surpris à lancer des pierres, cocktails Molotov et à haranguer les agents de la paix occupés à protéger un périmètre de sécurité entouré d'une immense clôture que certains manifestants tentaient de jeter par terre»
Effet de dissuasion
Le juge Couture a beaucoup insisté, dans son jugement rendu au Palais de justice de Québec, sur le fait qu'il valait mieux «privilégier les objectifs de dissuasion tant générale que spécifique et ce, à cause de la nature même des infractions et de la façon dont elles ont été perpétrées(...)» Le procureur des deux jeunes hommes, Me Pascal Lescarbeau, s'est dit renversé par cette décision, soulignant que ses clients n'avaient pas d'antécédents. «C'est quand même assez excessif, on peut facilement comparer avec des crimes beaucoup plus graves, comme un vol qualifié par exemple, pour lequel une personne reconnue coupable sera jugée beaucoup moins sévèrement que dans le cas présent», a-t-il commenté.
«J'ai l'impression, d'ajouter Me Lescarbeau, que mes clients ont été pénalisés pour d'autres, qu'ils ont été associés au Black Bloc en raison des images télé qui ont été présentées au juge.» Me Lescarbeau a l'intention de porter la cause en appel, et il présentera une requête à cette fin mercredi prochain, en Cour supérieure. «Je vais aussi en appel du verdict», a-t-il précisé.
Ottawa
Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a discrètement mis en garde le gouvernement fédéral contre d'éventuels actes de violence à l'occasion du prochain sommet du G8, prévu en juin à Kananaskis, en Alberta.
Selon un rapport préparé par le SCRS, des éléments radicaux du Black Bloc, mouvement ayant perturbé de précédents sommets internationaux, s'organiseront selon toute vraisemblance en vue de la rencontre à laquelle prendront part les dirigeants des principales nations industrialisées.
Les auteurs du document, remis en décembre dernier à quelques agences fédérales clés, avancent que certaines organisations opposées à la mondialisation entendent appliquer à Kananaskis «une diversité de tactiques, ce qui, par le passé, a constitué l'approbation tacite d'attaques violentes contre la police».
Le document figure au nombre d'une série de récents rapports rédigés par le SCRS au sujet du mouvement mondial de protestation, rendus publics en vertu de la Loi d'accès à l'information. Des informations de nature particulièrement sensible ont au préalable été retirées de ces rapports, à l'origine classés secrets.
Selon ce document, datant de décembre dernier, les attentats perpétrés aux États-Unis, le 11 septembre, n'ont que temporairement détourné l'attention des protestataires de leur mobilisation en vue d'un changement social au chapitre de questions comme l'environnement, les droits de la personne ainsi que la pauvreté.
«Le mouvement antimondialisation continuera à se ressaisir et à poursuivre ses différents objectifs. La grande majorité des protestataires tenteront d'organiser des manifestations sans violence. Ceux qui prônent le recours à la violence, incluant les anarchistes, continueront à le faire», y est-il écrit.
Lors du Sommet des Amériques ayant eu lieu à Québec, en juin 2001, des manifestants au visage masqué et vêtus de noir — uniforme habituel des membres du Black Bloc — sont parvenus à renverser une section de la clôture érigée autour du périmètre de sécurité, en plus de lancer des pierres, des balles de golf, des blocs de béton et des rondelles de hockey en direction des forces de sécurité
Montréal
Le Conseil central du Montréal-Métropolitain et la Ligue des droits et libertés condamnent l'opération policière qui a eu lieu hier au centre-ville de Montréal.
Plus d'une centaine de manifestants ont été arrêtés avant même que la manifestation ne débute, à proximité d'une réunion des ministres du Travail du G8.
Selon les deux organismes, l'intervention policière équivaut à la négation totale de la liberté d'expression et du droit de manifester. Ils soulignent qu'aucun geste de violence n'a été rapporté par les observateurs. De plus, ils indiquent que l'opération policière s'est faite sans aucun avertissement, aucune mise en garde ou ordre de dispersion.
By JEFFREY SIMPSON
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Edition, Page A19
That money, added to the $500-million
commitment to
How high are those costs? Perhaps officials in
the federal government know, but they aren't telling, quite likely because the
answer would be deeply embarrassing.
This week, Foreign Affairs Minister Bill Graham
told the Commons that he could not estimate the costs until the summit ended.
Think about that: A government will only provide estimates after the money has
been spent. Sounds like media convergence: We'll figure out how or if it works
after the money has been spent.
The result, of course, will be that Parliament
will learn the total costs only after the fact. This can only mean one of two
things: that the costs keep escalating so fast that today's estimate would be
wrong tomorrow, or that the costs are already so high that their revelation
would cause an uproar the government wishes to avoid.
Holding the G8 in a mountain resort accessible
by only one road would make securing the site against the usual protesters much
easier than an urban location. The anti-globalizers, Trotskyites,
eco-feminists, students, No Logoists and their assorted friends could do their
usual stuff in
Sept. 11 transfixed the Americans with
security, so they demanded that whatever it takes to protect their President
must be spent. Even the Prime Minister, we are told, choked while approving yet
another huge increase in summit costs.
The costs are way beyond what the G8 summit is
worth in terms of likely outcomes. A long telephone conference call or two
among the leaders, although perhaps less spectacular than a mountain summit,
would have allowed them to get much of their business done, especially if their
aides had prepared the groundwork for agreements.
But the G8 club is of particular value to
G8 membership gave Canadian governments
bragging rights. In
Take foreign aid.
A G8 country, defenders of the status quo
insist, must be present everywhere, even if spreading the money around reduces
the country's aid effectiveness everywhere. And a government proud of
membership in the Commonwealth, la Francophonie, the Organization of American
States and the Asia-Pacific Economic Co-operation forum could not summon the
courage to tell countries in those institutions that it was withdrawing aid.
If Canadian membership is curious, so is the G8
itself. The yearly meeting and all that precedes it encourage leading countries
to concentrate their minds. But long before Kananaskis, the summits had become
too big, bureaucratic and formulaic -- a long way from the early hopes of an
annual informal exchange of views.
Canadians have pressed for smaller delegations
and more informality, but the summits inevitably take on a rigidity born of
security, media hordes, inflated expectations and pre-negotiated communiqués.
To all this have been added the costs of Kananaskis, which have evidently risen
so fast that the government is afraid even to estimate them.
The estimate will come, rest assured, long
after the money has been spent.
Raymond
Gervais et Sébastien Rodrigue
Le service de police de la Ville de Montréal a exhibé hier une partie du matériel saisi lors d'une manifestation antimondialisation qui s'est déroulée vendredi soir au square Dorchester, angle Peel et René-Lévesque, au cours de laquelle 25 personnes ont été arrêtées.
Photo Bernard Brault, La Presse |
Une partie
des armes et objets divers saisis lors de la manifestation contre le G8
vendredi soir à Montréal. |
Le commandant André Durocher du SPVM a expliqué que 18 d'entre-elles ont été accusées de voies de fait; deux d'agressions armées; quatre de méfaits sur des véhicules du service de police et une autre a été arrêtée pour bris de condition.
De plus, 147 constats d'infractions pour attroupement illégal ont été émis à autant de personnes. Au total, quelque 400 personnes ont pris part à la manifestation qui a été tuée dans l'oeuf par les policiers.
Les agents ont décidé d'agir avant même que le trouble ne commence, procédant à des arrestations de façon préventive.
Les policiers savaient depuis quelques jours qu'une manifestation se préparait et que certaines personnes avaient l'intention de poser des gestes violents. Des graffitis tel que «G8 = égal émeute» retrouvés un peu partout dans la ville ont mis la puce à l'oreille des policiers que quelque chose se préparait.
D'autres informations à l'effet que des personnes portant des sacs à dos dans lesquels se trouvaient divers projectiles, se trouvaient sur les lieux. Les agents ont aussi appris que plusieurs personnes étaient en possession de cocktails Molotov.
Vers 18h, les policiers ont encerclé les manifestants. Une quinzaine de minutes plus tard, des projectiles ont été lancés en direction des policiers et une journaliste a été atteinte à la tête par une bille.
Un manifestant a aussi lancé de l'essence sur un policier. La police affirme avoir à ce moment dit aux manifestants qui désiraient de quitter le groupe de le faire immédiatement. Vers 18h 45, les policiers ont avisé les manifestants qui se trouvaient toujours sur place qu'ils étaient en état d'arrestation pour attroupement illégal.
M. Durocher a rappelé que la mission du SPVM consistait à prévenir le crime, à maintenir la paix publique, à assurer l'ordre, à protéger la vie et la propriété ainsi qu'à prévenir toute forme de violence.
Le policier a précisé que c'était dans ce cadre bien précis que les agents sont intervenus vendredi. Le commandant a rappelé une décision de la Cour suprême du Canada qui, dans des circonstances particulières, donne le pouvoir aux policiers de réaliser des interventions préventives.
Ces critères sont la présence de personnes au passé violent, le fait de savoir que des gens sont là pour faire de la casse et que les agents savent que des manifestants sont en possession d'armes ou d'objets pouvant servir d'armes.
Parmi les armes saisies, il y avait un pistolet de calibre 9 mm, des cocktails Molotov, des couteaux, des bâtons, des billes et des lance-pierres, des boules de billard, des balles de golf, des boules de marbre, de l'essence, un marteau et des masques à gaz.
Selon la police, le manifestant qui était en possession du pistolet aurait fait feu à deux ou trois reprises à la station de métro Peel, quelques minutes plus tôt.
Par ailleurs, la Ligue des droits et libertés de même que le Conseil central du Montréal métropolitain ont condamné hier l'intervention policière estimant qu'elle brimait le droit de manifester.
La Ligue des droits et libertés avait dépêché ses observateurs sur place qui ont d'ailleurs été encerclé avec les autres manifestants. La présidente de la ligue, Nicole Fillion, a dénoncé l'attitude des policiers qui ne sont pas autorisés à faire des arrestations préventives, selon elle.
«Ils ont utilisé le moyen extrême qui a violé de façon disproportionnée les droits civils des gens», dit-elle.
Selon la Ligue des droits et libertés, l'intervention policière laisse planer le doute quant au droit de manifester. «Est-ce que ça veut dire que tous les gens qui participent doivent être mis sous arrêt», s'est interrogé Mme Fillion.
La Ligue a indiqué qu'elle étudierait la possibilité d'une plainte à la Commission de déontologie policière. En attendant, elle suggère aux personnes mises à l'amende de contester leur contravention.
Canadian
Press
Cmdr.
Andre Durocher said police had information leading them to believe that
violence was being planned at Friday night's protest in downtown
Durocher
said the protesters, who billed themselves as anti-capitalists protesting a
weekend meeting in
"The
quantity of weapons seized clearly shows the true intent of many of the
demonstrators present," Durocher said at a news conference. ``Under the
circumstances, our intervention was not only legal - it was necessary.
"There
was a violent past with those demonstrators and there was also information to
the effect they wanted to cause trouble.''
The
objects seized included pool balls, Molotov cocktails, bricks, torches and gas
masks.
Twenty-five
people face a variety of criminal charges, including assault and mischief.
Police
also issued 147 summonses for unlawful assembly.
But
a spokeswoman for a human-rights group said the police went too far.
"Nothing
in our law permits police to proceed with abusive and arbitrary arrests for
preventive reasons," said Lucie Lemonde, vice-president of La Ligue des
droits et libertes.
"They
only have the right to arrest people who have committed an infraction or a
criminal act."
Armed
with batons and pepper spray, the anti-riot squad intervened before the evening
demonstration began.
Most
of those arrested were young.
Protest
organizers from the Anti-Capitalist Convergence had promised to turn out to
oppose the G-8 meeting. Some of their members greeted visiting ministers
Thursday evening as they met with international union and business leaders at
Karina
Chagnon, a spokeswoman for the group, said earlier this week the meetings were
a sham.
"The
G-8 is the fuzzy mitten that drives the hidden hand of the market and the iron
fist of the military," she said.
"The
G-8 is like slavery. There is no way of reforming it. We must fight to abolish
it."
Chagnon
said protesters were also preparing to go to
André Duchesne
Comme on s'y attendait, les huit ministres du Travail des pays les plus industrialisés réunis au cours des deux derniers jours à Montréal se sont entendus pour favoriser l'apprentissage continu, condition préalable à faire du travail pour tous une réalité au cours des prochaines années.
Ce terme «d'apprentissage continu» se qualifie aussi «d'apprentissage tout au long de la vie» et a pour objectif de favoriser la formation professionnelle de groupes trop souvent exclus ou refoulés à des seconds rôles dans le domaine de l'emploi: les moins instruits, les personnes plus âgées ou handicapées, etc.
Au-delà des grands principes qui sous-tendent ce voeu, la rencontre de la fin de semaine a toutefois abouti à bien peu de gestes ou d'engagements concrets. Au point ou, au terme de leurs discussions, hier, les ministres ont eu à répondre à plus d'une question concernant le voile de mystère entourant leur meeting.
C'est dire, la rencontre d'hier avait lieu au Club Saint-Denis, endroit très privé situé au 257, rue Sherbrooke Est. Mais pour y accéder, les représentants des médias ont dû s'inscrire à l'avance et se présenter hier matin à l'hôtel Crowne Plaza, au 505, rue Sherbrooke Est, d'où ils ont été conduits en navette.
Pas question de se présenter autrement, même si quelques centaines de mètres seulement séparent les deux immeubles. Sur place, il y avait sans doute plus d'agents de la GRC, de gardes de sécurité et d'attachés de presse que de scribes, photographes et caméramen. Pour aller au toilette, il fallait être accompagné d'un agent jusqu'à la porte. Là, il nous attendait et nous raccompagnait jusque dans la salle de conférence.
La présidente de la conférence et ministre canadienne du Développement des Ressources humaines, Jane Stewart, s'est défendue de travailler à huis clos avec ses homologues, indiquant que les documents de travail se trouvaient sur Internet, que des rencontres ont eu lieu avec des représentants syndicaux et patronaux et qu'il était de mise de trouver un lieu permettant à tous les délégués de participer pleinement aux débats.
Le document intitulé «Conclusions de la présidence» remis hier était composé d'une énumération de constats et de propositions qu'on peut qualifier de «larges».
Par exemple: «Il est essentiel de disposer d'un nombre accru de personnes occupant un emploi productif pour pouvoir relever les grands défis du XXIe siècle: éradiquer la pauvreté, suivre l'évolution démographique et faire progresser l'économie et la société fondées sur le savoir».
Ou encore: «L'investissement dans le perfectionnement des compétences des travailleurs et l'apprentissage continu est indispensable au développement économique et social.»
Les conclusions des discussions seront transmises aux chefs d'État du G8 avant leur rencontre de juin prochain à Kananaskis, en Alberta. Quant aux ministres du Travail, ils se reverront en 2003 en Allemagne.
PAUL CHERRY
GAZETTE
Zev
Tiefenbach, a soup-kitchen co-ordinator, was handed five tickets at Friday
protest totaling $415, including a $27 fine for riding a bike without holding
the handlebars properly.
Members of
an anti-capitalist group say their human rights were violated by police who
moved in on their downtown demonstration before it even started.
The members
of CLAC - the acronym for the French name of the Anti-Capitalist Convergence -
held a press conference yesterday to denounce
The demonstrators
had gathered at
"Before
the demonstration could even begin,
"By
behaving this way, the
Urged to
Fight
Xydous
urged people who were issued tickets to fight them in court, but said it was
too early to say whether CLAC will file a complaint with a human-rights
tribunal.
On
Saturday,
Zev
Tiefenbach, a soup-kitchen co-
ordinator,
contended he was assaulted by a
Tiefenbach
said two police officers stopped him and asked him to identify himself. He said
he refused to do so because he had broken no laws.
"(A
police officer) proceeded to hit me in the face, which caused my face to
bleed," Tiefenbach said, adding another officer threatened him with
violence and forced him into a police van.
Tiefenbach
was handed five tickets totaling $415, including a $27 fine for riding a bike
without holding the handlebars properly. He also received an $85 fine for
"depositing a liquid in a public place."
"I'm
wondering if the blood that was coming out of my face after they hit me is the
liquid they're referring to."
Tiefenbach
said he is considering filing a complaint with the police ethics committee.
Scott
Weinstein, a nurse who trains people to act as medics during demonstrations,
accused the police of misleading the public during a Saturday press conference
in which items seized during the police operation were put on display.
He said an
item the
"It
looks like the police are trying to ban forms of protection against
violence," Weinstein said.
But also on
display at the press conference were items like slingshots, golf balls and
billiard balls. Asked what purpose those items had at a demonstration, Xydous
said CLAC members can't be held responsible for everything protesters carry in
their pockets.
- Paul
Cherry's E-mail address is pcherry@thegazette.southam.ca.
Presse Canadienne
Calgary
Des militants ont signé
un accord en vue de louer des terres pour y établir un vaste camping, à
proximité du site du prochain sommet des leaders du G8, à Kananaskis, en Alberta,
mais le projet est dans l'impasse à cause de réticences autochtones.
La bande de Stoney mettra
vraisemblablement le holà à l'accord, d'une valeur de 7000$, signé entre les
militants et Harold Simeon, un membre de la bande qui a déjà loué des terres
appartenant à sa famille pour le tournage de films western.
«Si ce sont des
protestataires, alors ils ne loueront pas le terrain, a fait savoir Homer
Holloway, un conseiller de la bande, selon lequel le terrain appartient à la
bande. Il faut une résolution du conseil de bande, sinon, ils vont se mettre
dans le pétrin», a soutenu M. Holloway.
Selon M. Holloway, le
conseil craint des affrontements violents entre la police et les protestataires
sur les terres de la bande.
Même si M. Simeon croit
qu'il a le droit de louer la terre familiale, située à environ 25 kilomètres au
nord de Kananaskis, les militants disent qu'ils n'érigeront pas leur «Village
de la solidarité», prévu pour huit jours, sur les 160 hectares de terrain à
moins d'avoir l'accord du conseil de bande.
Les organisateurs — qui
incluent syndicats, écologistes, organismes sociaux et simples militants —
disent qu'ils veulent créer une atmosphère de festival dans leur village
improvisé, où les militants pourraient bâtir leur solidarité et leur résistance
aux politiques des leaders des pays membres du G8.
Par ailleurs, le conseil
de bande de Stoney est à conclure une entente avec le gouvernement fédéral pour
l'utilisation de ses terres et de ses installations par les forces de police
chargées de la sécurité au sommet.
Mario Roy
L'intervention préventive
de la police de Montréal, vendredi, au début d'une manifestation
anti-mondialisation dirigée contre une réunion des ministres du Travail du G8,
a été critiquée par les lobbies habituels pour de mauvaises raisons. Et
peut-être aussi pour une bonne - mais cela reste à prouver.
On ne peut affirmer sans
rire, en effet, que les intentions de l'ensemble des manifestants étaient pacifiques.
D'abord, existe une
écrasante jurisprudence: de mémoire récente, aucune rencontre
internationale de haut niveau, où que ce soit, ne s'est déroulée sans violence
- mis à part le Forum économique mondial tenu à New York, en février, où...
l'intervention préventive de la police avait justement été pointilleuse et
efficace.
Ensuite, on a bel et bien
trouvé chez les manifestants, non de savants pamphlets de Noam Chomsky ou
d'Ignacio Ramonet, mais bien des cocktails Molotov, des billes, des briques et
un pistolet 9mm: cela n'indique aucune volonté de se livrer à des
démonstrations intellectuelles de haut niveau au bénéfice des prolétaires
écrasés par la mondialisation. Le fait est que des gens - dont un journaliste -
ont été agressés et des véhicules vandalisés.
Enfin, abandonnons un
instant toute rectitude politique: les 200 et quelque manifestants
professionnels de Montréal, ceux dont c'est la vocation que de faire dégénérer
ce genre d'événements, sont archiconnus et étaient largement au rendez-vous...
Demeure une seule
question, en réalité: les policiers ont-ils fait défaut de s'identifier, comme
on le leur reproche ? Ce serait en effet illégal et il faut, sur ce point,
tirer les choses au clair: que les accusateurs entament des procédures en déontologie
et viennent témoigner, c'est non seulement leur droit, mais aussi leur devoir.
Autrement, de façon
exactement contraire à ce que la propagande tente de faire avaler au bon
peuple, c'est un assaut violent contre le droit de manifester pacifiquement qui
a été tué dans l'oeuf.
Marc Lalonde
Associé au cabinet d'avocats et de conseillers juridiques
Stikeman, Elliott, M. Lalonde est reconnu à l'échelle internationale comme un
expert dans le règlement de différends. Il a rédigé ce texte, à titre
personnel, à la demande de Postes Canada.
Aucune partie de l'ALENA
n'a soulevé autant de controverse, dans les publications spécialisées et dans
le public en général, que les dispositions du Chapitre 11 de cet Accord
concernant les droits des investisseurs étrangers. Cet aspect de l'Accord a
attiré les foudres de tous ceux qui s'opposent à la globalisation ou qui s'en
inquiètent.
L'opposition actuelle à
l'inclusion de dispositions semblables dans l'éventuel accord sur le
libre-échange des Amériques constituera peut-être un obstacle insurmontable à
la mise en place d'une telle zone.
En juillet 2001, le
Canada, les États-Unis et le Mexique ont jugé nécessaire de publier une Note
interprétative visant à clarifier la portée de cette partie de l'Accord; il
s'agissait d'un effort visant clairement à freiner ce qui était perçu comme une
tendance des tribunaux d'arbitrage à accorder au Chapitre 11 une interprétation
excessivement généreuse en faveur des investisseurs étrangers.
Il serait erroné de
penser que les préoccupations exprimées ne sont que le résultat de l'agitation
de quelques mouvements d'extrême gauche.
Large marge de manœuvre
Pour se défaire d'une
telle illusion, il suffit de prendre connaissance d'une étude publiée en
février 2002 par la Conférence canadienne des évêques catholiques sous le titre
de: «Un avenir à vendre? Inquiétudes au sujet du mécanisme de règlement des
différends entre une Partie et un investisseur d'une autre Partie (Chapitre 11
de l'Accord de libre-échange nord-américain) et au sujet de son prolongement
dans les Amériques». Un des principaux arguments de cette étude est que «le
Chapitre 11 a eu pour objet de limiter la capacité des gouvernements de
protéger les valeurs publiques dans les domaines de l'environnement et de la
santé, entre autres, face aux intérêts commerciaux».
En général, les ententes
internationales concernant les investissements laissent aux États nationaux une
large marge de manoeuvre quant à la réglementation des investissements. De
telles ententes contribuent à créer un environnement stable et clair permettant
aux entreprises étrangères d'investir dans un pays sans crainte de voir leurs
actifs arbitrairement réglementés ou même confisqués. Une économie comme la
nôtre, éminemment dépendante de l'investissement et du commerce international,
a besoin de fournir de telles garanties pour pouvoir prospérer.
Dans un tel contexte, la
protection des droits des investisseurs est un principe tout à fait
raisonnable, qui devrait avoir l'appui de tout l'éventail politique. Néanmoins,
il existe deux inquiétudes partagées tant par les gens de la gauche que de la
droite:
- La première est à
l'effet que de telles ententes accordent aux investisseurs étrangers plus de
droits que ceux dont jouissent les investisseurs domestiques.
- La seconde découle de
la façon dont certaines entreprises étrangères abusent du Chapitre 11.
Phénomène intéressant, de
telles inquiétudes vis-à-vis une utilisation possiblement abusive du Chapitre
11 se retrouvent aujourd'hui également à Washington. Le président du Comité des
finances du Sénat américain, Max Baucus, a demandé à l'administration Bush de
fournir des garanties à l'effet que les investisseurs étrangers n'obtiendraient
pas des droits substantifs plus considérables que ceux accordés aux
investisseurs domestiques aux États-Unis. Le sénateur Baucus a aussi demandé un
resserrement des interprétations données aux expressions «expropriation» et
«traitement juste et équitable» dans le cadre du Chapitre 11, de façon à éviter
d'accorder aux investisseurs étrangers des droits plus étendus que ceux reconnus
par le droit domestique.
Il existe actuellement un
cas qui fait comprendre pourquoi il y a lieu de réduire la portée du Chapitre
11. Au début de l'année 2000, United Parcel Service (UPS) a déclaré son
intention de poursuivre le gouvernement du Canada pour un montant de 230
millions en vertu du Chapitre 11, en alléguant que Postes Canada concurrençait
injustement le secteur privé en fournissant des services de messagerie. UPS
espère sans doute que le tribunal d'arbitrage saisi de cette affaire sera prêt
à accorder au Chapitre 11 une interprétation dépassant de loin l'intention des
signataires.
Ce qui inquiète, ce n'est
pas la force des arguments d'UPS; ceux-ci peuvent être réfutés. Postes Canada a
été le premier à entrer dans le domaine de la messagerie au Canada et a fait la
livraison de paquets depuis plus de 100 ans. Le Bureau de la concurrence a
déjà, en plusieurs circonstances, statué que Postes Canada ne fait pas de
concurrence déloyale et un vérificateur indépendant confirme cette situation
chaque année, dans le rapport annuel de Postes Canada.
Là où le bât blesse,
c'est dans la tentative d'UPS d'élargir considérablement le droit des
investisseurs étrangers de réclamer des dommages-intérêts contre les
gouvernements. En vertu du Chapitre 11, les investisseurs ont des droits
spécifiques et limités de poursuivre le gouvernement du pays hôte. Le reste de
l'Accord opère de gouvernement à gouvernement; dans ce cas, une allégation
d'infraction ne peut être initiée que par un gouvernement contre un autre. Dans
le cas d'UPS, cette entreprise cherche à utiliser le Chapitre 11 de façon à
donner aux investisseurs étrangers le droit d'instituer des procédures dans des
domaines qui sont présentement du domaine exclusif des gouvernements.
Si UPS réussit dans ses
efforts, il en résultera un risque plus fondamental non seulement en ce qui
concerne les services postaux mais aussi d'autres secteurs importants de
l'économie et des services publics. Ainsi, alors que les soins de santé
bénéficient d'une exemption spécifique dans l'ALENA, certains (y inclus
l'avocat d'UPS) soutiennent que l'Alberta Health Protection Act pourrait ouvrir
la porte à une contestation dans le domaine des soins de santé, en vertu du
Chapitre 11 de l'ALENA. En fait, un tel résultat étendrait l'application de
l'Aléna à un secteur qui a été explicitement exclu par les signataires de
l'Accord.
Je ne prétends pas qu'une
interprétation aussi large serait endossée par un tribunal d'arbitrage
international. Mais, comme dans tout litige, une décision malheureuse demeure
toujours une possibilité. De plus, la simple menace de recours en vertu du
Chapitre 11 peut éventuellement conduire à un environnement politique dans
lequel les gouvernements hésiteront à légiférer en matière de services publics
par crainte de poursuites de la part d'investisseurs étrangers mécontents
Comme le démontre le
conflit actuel en matière de bois d'oeuvre, le commerce (ou l'investissement)
international peut rapidement devenir un véhicule permettant aux États-Unis
d'imposer leur politique industrielle au Canada. Cette politique peut être
satisfaisante pour les Américains, mais rien ne dit qu'elle correspondrait à la
réalité et aux besoins de notre pays.
Il reste à savoir si les
Notes d'interprétation conduiront les tribunaux d'arbitrage à suivre de plus
près les intentions des signataires de l'Aléna concernant le Chapitre 11. Entre
temps, il reste à espérer que les gouvernements concernés demeureront vigilants
et s'opposeront à une utilisation abusive des droits conférés aux investisseurs
étrangers.
Sans quoi, ces
gouvernements mettront à risque des services publics fondamentaux qu'on n'a
jamais songé à soumettre aux dispositions du Chapitre 11; et, encore davantage,
ils mettront à risque la mise en place éventuelle de la Zone de libre-échange
des Amériques.
François Dorion, Maître en droit LLM
Au moment où s'ouvre une
nouvelle ronde de pourparlers à propos de la Zone de libre-échange des
Amériques (ZLEA), il est important de comprendre le contexte de ces
négociations pour orienter la politique du Canada et du Québec correctement.
Le premier élément à
prendre en compte est l'économie américaine. Celle-ci subit, depuis les années
70, lors de l'apparition du phénomène de stagflation, des pressions énormes
vers la décroissance à cause de la faiblesse de son marché agricole.
En effet, le
développement économique américain de l'après-guerre a donné lieu à un
accroissement significatif de la production agricole de ce pays sans que son
marché intérieur s'accroisse d'autant ; le résultat de ceci est que les prix
agricoles ont tendance à décroître sans qu'augmentent les débouchés intérieurs
pour la production industrielle et de services.
La résultante s'est fait
voir lors de la période intense de stagflation qui a sévi durant les années 70,
alors que la masse monétaire avait tendance à s'accroître en raison de
l'augmentation dans la production de services sans que la production de biens
suive cette augmentation ni que la demande en produits agricoles suffise à
absorber l'augmentation de la masse monétaire.
Les prix agricoles
Le problème a été
temporairement résolu par un freinage de l'augmentation de la masse monétaire
effectué par une augmentation des taux d'intérêts. Cependant, ce palliatif n'a
en rien résolu le problème de la pression à la baisse sur les prix agricoles,
et il a fallu l'accord de libre-échange canado-américain d'abord puis l'ALENA
pour augmenter la part de la production américaine dans le marché agricole et
du textile sans entamer sensiblement cette part dans le domaine industriel, où
un développement fulgurant avait lieu à l'occasion de l'implantation des
services informatiques personnalisés.
Le résultat fut un
déséquilibre dans le marché des devises entre la monnaie américaine et les
monnaies canadienne et mexicaine qui entraîna des pressions à la baisse sur ces
deux dernières monnaies en raison de l'offre et de la demande résultant de
l'augmentation de la part des exportations américaines dans les domaines
agroalimentaires et textiles sur les marchés de ces pays.
La pression à la baisse
sur les marchés intérieurs américains dans ces deux productions est encore
flagrante en raison des progrès technologiques et de la relative stagnation de
la population américaine.
Le problème causé aux
Canadiens par ces accords de libre-échange est le suivant : la production
agroalimentaire et textile des Américains est meilleur marché que celle du
Canada en raison de la situation climatique. En résulte le phénomène observé
depuis la mise en place des accords de libre-échange d'un dépérissement de
l'industrie agroalimentaire canadienne, de la valeur de la devise canadienne
sur les marchés de change et d'une augmentation du coût de la dette publique
contractée sur les marchés étrangers.
La perspective d'avenir
qui s'ensuit est une baisse considérable du niveau de vie des Canadiens, un
dépérissement accru de l'agroalimentaire et un écroulement des marchés
financiers nationaux lorsque viendra le temps de liquider la masse des REER en
action.
Il ne suffit pas pour
régler le problème de se débarrasser d'un gouvernement péquiste qui, malgré
tout, est bénéfique dans la mesure où il impute la dette publique du Québec
dans des monnaies européennes par rapport auxquelles le dollar canadien est
moins instable que par rapport au dollar américain.
Il ne suffit pas non plus
de faire valoir les avantages du libre-échange dans le marché du bois d'œuvre
où le Canada a le bonheur d'être concurrentiel avec les Américains.
La solution passe par une
vision plus globale de la mondialisation telle qu'elle a été élaborée dans le
deuxième rapport du Club de Rome intitulé Stratégie pour demain et connu sous
la dénomination Rapport Mesarovic-Pestel (du nom de ses auteurs). Cette vision
de la mondialisation consiste à mettre les ressources agroalimentaires des pays
les plus productifs dans ce domaine au service des pays sous-alimentés d'Asie
que sont principalement l'Inde, la Chine et le Pakistan, pendant que s'effectue
un rééquilibrage démographique mondial qui comporte un contrôle sévère de la
population dans les pays densément peuplés et une augmentation en fonction des
ressources de la population des pays les plus productif.
Dans cette perspective,
il est évident que l'industrie agricole américaine sortirait gagnante du fait
d'une expansion de ses marchés, à la condition expresse que la population
asiatique puisse fournir une contrepartie satisfaisante à la production
agroalimentaire qui lui serait allouée.
Cette contrepartie peut
être industrielle, mais peut aussi prendre une forme qui reste à inventer.
Une chose est certaine,
le Canada ne peut que bénéficier d'une coopération aussi étroite que possible
avec les États-Unis et l'Asie dans la recherche de la forme que peut prendre
cette contrepartie, puisque la survie de son industrie agroalimentaire dépend
en fin de compte du rétablissement du marché américain dans ce domaine.
La mise en place de cette
collaboration peut se faire dans le cadre d'une structure panaméricaine comme
la ZLEA si les négociations pour la mise en place de celle-ci ne se limitent
pas à la création d'un marché de décharge pour la production agroalimentaire et
textile des États-Unis.
|
In
Then come
the rocks and bottles. Police initially don't respond. But when the attacks
escalate, police use tear gas and water cannon to protect themselves and
control the crowd.
After the
dust settles, the usual organizations and labour unions issue statements
denouncing state "censorship" and "brutality" - as if there
was a universally enshrined right to attack police and to damage public and
private property.
At the
early riots, the violence was prompted by a small cadre of troublemakers. But
with each new confrontation, the number of participants who arrive prepared
with slingshots, small firebombs and other combat gear grows larger.
There is no
longer any pretense of purely peaceful expression. The more militant protest
groups proudly promote a "diversity of tactics" - code for
provocation and thuggery.
The series
of anti-globalization protests that began in 1999 have produced hundreds of
injuries on both sides and cost host cities more than $375 million in the form
of security expenses, riot damage and lost business.
The same
sorry spectacle occurred Wednesday around the world as a result of that
outdated left-wing shibboleth, May Day "celebrations."
It's not
relevant that the crude protectionism the protesters advocate has been
massively rejected by generations of economists, as well as the developing countries
whose interests they purport to advance. With a few obvious exceptions, freedom
of expression includes the freedom to say wrong things without the hand of
government pressing down on you.
But
attacking policemen with shards of concrete and glass is not a form of free
expression. Neither is tearing down a fence erected to protect politicians and
their staff from those same weapons. And it does not become free expression
merely because the perpetrators say they are motivated by "rage" and
"frustration" over how governments govern.
The June
meeting of the G8 - the West's leading economies - in Kananaskis, Alta., west
of
An
organization called the Activist Training Working Group has held protest
seminars in
(According
to the group's Web site, Mr. Singh's meetings are "presented by" the
Canadian Union of Postal Workers, the
The G8
meeting is two months away, but the script has already been written. While
democracy's leaders conduct their negotiations, protesters will provoke the
police with the usual assortment of missiles and vandalism until they are dosed
with tear gas - after which Mr. Singh, Naomi Klein, Maude Barlow, Svend
Robinson, Alexa McDonough, José Bové and the other luminaries of the movement
will adjourn to their teary press conferences to denounce those security
officials who were spurred into doing their jobs.
It is as
predictable and pointless as bad theatre.
Canadian
patience with these protesters has run out. While their giant puppets,
elaborate costumes and obsolete Marxist slogans were once amusing, they are now
revealed as mere camouflage for violence.
If people
break the law in or around
Speech is
free. Violence is not.
Charlie Gillis
A memorandum leaked
yesterday by Alberta's Opposition Liberals reveals an atmosphere of distrust
and confrontation between Alberta and Ottawa, which have yet to sign a deal on
who will pay for what when bills for the June 27-28 summit come in.
The memo -- dated April
5 and sent to Heather Forsyth,
Among other stratagems, it
suggests banning federal officials from the summit site, going public with the
province's grievances and linking the dispute to other flashpoints in relations
with
However,
the document's most incendiary suggestions involve strategies that would
interfere with efforts to ensure the gathering is secure from violence and
terrorism.
"We also hold
leases on the land on the perimeter of the red zone that is designated for
perimeter barriers [fences and RCMP/DND security control]. Withholding the use
of this land could cause some serious logistical problems for the security
planning team."
Ms. Forsyth confirmed
yesterday that the government used the threats, but said the tactics brought
the two sides closer to an agreement.
The two parties are past
the point where such measures are on the table, she said.
"I think we had to
take a tough stand," the Minister added. "I have to say, [there was]
a lot of frustration on my part with not being able to move forward. We had
come to the point where we had to make a tough stand and say, 'Look, this is
our province. You can't just move in and have a party without having the input
of what the Solicitor-General wants, what the Intergovernmental Affairs
Minister wants.' We had some issues we wanted dealt with."
The memo voices similar
frustration with
"The
News of the memo set off
an instant controversy in
"This is very
inappropriate, it is not acceptable," said Ken Nicol, the Liberal leader.
"In the context of these international meetings, any kind of security has
to be taken seriously and has to be provided for everybody. That is a
fundamental obligation of a free society, of a democracy."
In
"We expect to reach
agreement on most of these issues in the near future," he said.
Ms. Forsyth concurred,
but said
The cost of prosecuting
protesters arrested for violence or property damage has been sticking point
between the two governments, she said.
The cost of prosecuting
Jaggi Singh, a protest organizer who was charged in
"We have some
[negotiating tools] in our back pocket which we can still use," Ms.
Forsyth said.
Raymond Giroux
Ottawa
OTTAWA — Les
manifestations de rue contre la mondialisation n'ont aucun impact sur l'opinion
de 62 % des Canadiens, malgré tout le battage médiatique qui les entoure.
Seulement 14 % des
répondants à un sondage commandé par le ministère du Commerce international et
dont LE SOLEIL a obtenu copie disent que les protestations qui entourent les
grands événements reliés à la mondialisation les rendent plus opposés à la conclusion
d'accords commerciaux.
Le sondage a été réalisé
en mars dernier auprès de 1200 Canadiens et se veut précis à 2,9 points près
dans 95 % des cas, selon la méthodologie qui a été communiquée au SOLEIL.
Ces résultats diffèrent
très peu des résultats du sondage réalisé l'an dernier pour le compte du même
ministère, alors que 59 % des répondants niaient toute conséquence des
manifestations sur leurs choix personnels, et que 17 % admettaient le
contraire. Chaque année toutefois, le nombre des personnes « un peu » touchées
demeurait stable, à la hauteur de 21 %.
Les événements entourant
le Sommet des Amériques, à Québec, il y a un an, tout comme les manifestations
autour du sommet du G-20 à Ottawa, l'automne dernier, auront peu marqué
l'imaginaire des Canadiens.
Le sondage révèle
toutefois d'une manière relativement surprenante une bonne compréhension des
enjeux et de leurs conséquences. Si le tiers des personnes interrogées ne
savent pas ce que veulent les protestataires ou refusent de répondre, la grande
majorité, par contre, attribue le mouvement d'opposition à des thèmes précis,
ce qui peut dénoter l'existence d'un impact des discussions publiques.
Ainsi, 19 % des
répondants croient que les protestataires s'intéressent d'abord aux questions
environnementales, 17 % au sort des pays en voie de développement et 16 % aux
droits de la personne. L'opposition au libre-échange viendrait seulement en
quatrième position des priorités des protestataires, devant les questions des
normes du travail et de la perte de souveraineté, à 10 % chacune, et de la
protection des intérêts du Canada, à 6 %. Seulement 4 % soutiennent que les
manifestants ne cherchent qu'à défendre leurs propres intérêts.
Réaction de Pettigrew
Invité à commenter ces
extraits du sondage annuel sur le commerce international dont les résultats
globaux seront publiés d'ici deux semaines, le ministre Pierre Pettigrew a
laissé savoir par un courriel de Paris que « les Canadiens et les Québécois
distinguent clairement manifestations et violence ; ils disent oui à un
dialogue constructif à propos des bienfaits de la libéralisation du commerce
dans la redistribution de la richesse mais refusent d'appuyer les actes de
désobéissance civile ».
Les Canadiens se
partagent en deux groupes presque égaux sur la valeur des protestations, 50 %
disant « qu'elles concernent des questions valables auxquelles tiennent un très
grand nombre de Canadiens », tandis que 45 % y voient « surtout le fait d'un
petit groupe de marginaux qui ne représentent pas l'opinion courante ».
Ces résultats varient à
peine par rapport aux réponses données l'an dernier à la même question : 53 %
jugeaient les manifestations valables et 39 %, marginales. Le sondage témoigne
du fait que la population ne limite pas la question du commerce international
au simple libre-échange des marchandises. Elle sait faire les liens entre les
échanges commerciaux et d'autres questions fondamentales, une donnée dont les
négociateurs canadiens devront tenir compte dans les négociations sur la Zone
de libre-échange des Amériques et celles de l'Organisation mondiale du
commerce, les deux priorités du ministre Pettigrew.
Le courant
protectionniste qui prend de l'ampleur aux États- Unis est brutalement tombé,
chez nous, dans le champ du réel lorsque Domtar a annoncé, mardi, la fermeture
de deux usines de sciage, en Beauce. Au cours des semaines qui viennent, 10%
des travailleurs de cette industrie pourraient être touchés, estime-t-on,
conséquence directe de la fermeture des frontières américaines - par le biais
de droits compensatoires de 27% payables dès le 23 mai - au bois d'oeuvre
canadien.
Or, si cette nouvelle
barrière soulève ici un tollé, il y a pire ailleurs: les États-Unis sont en
effet en train de se mettre à dos une ribambelle de nations, heurtées de front
et souvent plus durement que nous le sommes, par le verrouillage graduel de
l'espace américain aux produits étrangers.
Des dizaines de pays
envisagent maintenant des répliques commerciales. Écorchée dans le dossier de
l'acier (Washington a également bloqué ce marché par une barrière tarifaire),
l'Union européenne, par exemple, va vraisemblablement imposer des droits
compensatoires allant jusqu'à 100% sur certains produits américains. D'autres -
c'est le cas des pays émergeants - risquent de se braquer contre une
libéralisation qu'ils percevront de plus en plus, et avec raison, comme se
faisant à sens unique.
De sorte qu'on risque de
voir une formidable puissance de freinage s'appliquer aux diverses initiatives
de libre-échange régionales ou globales... et ce, précisément au moment où,
dans le cadre de l'après-Doha, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) entame
un nouveau cycle de négociations.
En un mot, George W. Bush
est en train de devenir un allié objectif des militants antimondialisation!
* * *
Car la dernière
trouvaille du président américain écorche durement les principes de justice et
de réciprocité qui devraient gouverner la libéralisation planétaire des
échanges. Il a annoncé, en effet, une hausse spectaculaire des subventions
directes à l'agriculture, qui vont grimper de 70% pour atteindre 190 milliards
(É.-U.) au cours de la prochaine décennie. En prime, mesure particulièrement
vicieuse puisqu'elle constitue un moyen de promouvoir «l'achat chez nous»,
l'étiquetage devra indiquer la provenance des produits alimentaires vendus aux
États-Unis...
Hormis les agriculteurs
américains (dont le poids électoral explique évidemment l'attitude de Bush:
plus de 700 000 d'entre eux reçoivent des chèques fédéraux), l'affaire
mécontente tout le monde et son père. De la Banque mondiale à Oxfam. De
l'Amérique du Sud à l'Afrique en passant par le Canada, l'Australie, l'Asie et
l'Europe.
On peut certes plaider
que cette dernière est mal placée pour se plaindre: l'Union soutient les
agriculteurs européens à hauteur de 35 milliards par année. (À titre de
comparaison, les subventions comptent pour 19 cents de chaque dollar encaissé
par les producteurs canadiens; 22 cents par les fermiers américains avant la
dernière hausse; 38 cents par les agriculteurs européens.)
Mais les pays émergeants
ont toutes les raisons de s'insurger puisque ce sont eux qui auront vraiment
mal: avec le textile et la confection, l'agriculture constitue leur principale
source de produits exportables. En Amérique du Sud, par exemple, on estime que
la nouvelle mesure américaine privera l'un et l'autre pays, du Brésil au
Guatemala, de revenus variant entre 1 et 2,5 milliards par année. En somme, se
creuse encore un déséquilibre que les pays en voie de développement ne
connaissent que trop bien: les nations favorisées versent à leurs agriculteurs,
favorisés eux aussi, quelque 300 milliards par année, alors qu'ils accordent
une aide globale de 50 milliards aux nations pauvres...
C'est donc dans un
contexte de grogne et de ressentiment que s'ouvriront à Genève, en juin, les
négociations sur la libéralisation du commerce des produits agricoles dans le
cadre de l'OMC.
Le dossier était déjà
difficile. Il risque de devenir ingérable.
Barry Cooper and David Bercuson
By
design, international summits are almost entirely symbolic. For terrorists,
they are a major target -- since 1996, al-Qaeda has attempted to attack a G8 meeting. For attending
world leaders, they are a combination of photo-ops and a soapbox for
sentimental speeches. Kananaskis promises plenty of spectacular pictures along
with elevated expressions of concern about
So far,
however, the more interesting story is how officials tasked with managing the
nuisance of protesters have all but ensured their part in this grandiose
theatre does not happen at all.
Last
summer, anti-G8 rhetoric was filled with confidence and self-righteousness.
Protesters joked about "learning vital skills such as how to incorporate
grizzly bears into direct action." They bragged about establishing a
blockade on Highway 40, between the conference site and the
Original
plans called for a tent city at the edge of
After
the terrorist attacks of September, even anarcho-hippies knew they would not be
getting within miles of the hotel or conference centre. Their next plan was to
pitch their tents on the Stoney Indian reserve, about 25 kilometres away.
Alan
Keane, one of the organizers of the Co-Motion Collective, was looking forward
to working with the Stoneys. "It's their land," he said, "and
it's very appropriate to use their land as a staging ground. I think a lot of
our issues are tied together, they are closely knit." Earlier this spring,
the creation of a "
No
doubt a federal official had a quiet word with the Stoney band council, who
promptly declared that the protesters had taken too long to reach a deal.
"It would be impossible to turn a request around in this time frame,"
the Stoneys' lawyer said. A week ago, the protesters turned their attention to
the City of
Unfortunately,
the city explained, it does not allow parks to be used for political rallies.
The police showed great sympathy with the plight of the protesters. "I
wish them luck," said Inspector Al Redford. The ever-helpful mayor
suggested they rent space from a commercial campground.
When
the two sides met, the protesters, still drunk with their own moral rectitude,
again played into the hands of the cops. "I'm here to say we're not interested
in negotiating with the police until they bring forth an apology for everything
that's gone on," declared Grant Neufeld, "from the World Petroleum
Congress to events in the States and
The
police have done a splendid job marginalizing the protesters. It remains to be
seen if they have also secured the G-8 site against a more serious and deadly
assault.
Barry Cooper is with the department
of political science at the University of Calgary, where David Bercuson is
director of the Centre for Military and Strategic Studies.
Martin
Vallières et Gilles Gauthier
Les participants au sommet du G8 qui se tiendra le mois prochain à Kananaskis en Alberta ont inscrit parmi leurs priorités le développement en Afrique. Amnistie internationale (AI) demande que des engagements concrets soient pris à cette occasion pour garantir que le commerce n'aboutisse pas à la guerre et à la violation des droits sur ce continent.
Notre dossier et le rapport complet d'AI
Les membres du G8 achètent par exemple des diamants et autres produits dont la vente permet à des groupes armés et forces gouvernementales d'Afrique de se procurer des armes légères utilisées dans des conflits marqués par des atteintes aux droits humains, notait hier Michel Frenette, directeur général de la section canadienne francophone, dans le cadre de la publication du rapport annuel 2002 de l'organisme. Et la majorité de ces armes proviennent des pays du G8.
Les pays d'Afrique consacrent à la santé l'équivalent de 1% des sommes qu'elles consacrent à l'acquisition d'armes, signale M. Frenette.
Photo PC |
Le Sommet des Amériques à Québec en avril 2001 a donné lieu à
des affrontements entre les manifestants antimondialisation et les forces
policières. |
Par ailleurs, à Washington, Amnistie a vivement critiqué l'administration Bush qui abuserait, selon elle, du contexte de lutte au terrorisme depuis le 11 septembre pour bafouer des principes de base des droits de l'homme aux États-Unis et à l'étranger. «Des citoyens de partout dans le monde subissent les conséquences lorsque le gouvernement américain renie ses responsabilités de promotion des droits de l'homme», a déclaré William F. Schulz, directeur exécutif d'AI aux États-Unis.
D'autre part, l'organisme souligne dans son rapport la «brutalité policière» qui a marqué à son avis le Sommet des Amériques à Québec en avril 2001. L'organisation déplore aussi l'absence d'une «en-quête indépendante» plus d'un an après le sommet afin d'examiner les nombreuses «allégations de force excessive» de la part des forces policières.
AI mentionne l'emploi abusif de gaz lacrymogènes «même contre des manifestants qui n'étaient pas impliqués dans les actes violents et ne menaçaient aucunement les policiers ou les propriétés». L'organisation fait état aussi des gens arraisonnés par les forces de l'ordre et dont plusieurs «auraient été incarcérées sans représentation légale rapide et détenues dans des cellules surchargées pendant des périodes prolongées».
À propos du Canada, le rapport accorde au moins une bonne note à la Cour suprême pour avoir statué l'an dernier en faveur d'une «obligation constitutionnelle» du ministre fédéral de la Justice d'obtenir des garanties contre la peine de mort pour les extraditions, sauf pour les «cas exceptionnels».
Il s'inquiète par contre de la future Loi canadienne sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui entrera en vigueur dans un mois. On craint que cette législation soit discriminatoire envers certains groupes de récents arrivants. «La loi adoptée en novembre dernier pourrait provoquer le renvoi de certaines personnes vers un pays où elles risquent la torture», affirme-t-on. Ces personnes pourraient aussi «être expulsées du Canada sans avoir accès à une forme quelconque d'évaluation de risque» de leur présence au pays.
La nouvelle Loi canadienne sur l'immigration doit entrer en vigueur le 28 juin prochain. Toutefois, la mise en oeuvre de l'un de ses principaux volets, c'est-à-dire un nouveau mécanisme d'appel pour les demandeurs du statut de réfugiés, a été retardée pour une période indéterminée. Le ministre responsable, Denis Coderre, avait annoncé ce report en avril en invoquant le manque de fonds et de personnel.
AI s'inquiète aussi dans son rapport annuel de la portée du projet de loi fédéral sur la sécurité publique, qui a été préparé dans la foulée des événements du 11 septembre. Elle craint que le projet de loi réduise «le droit à un procès équitable» en instaurant un traitement particulier pour certaines accusations criminelles. Il risquerait aussi d'avoir un «impact disproportionné sur certains groupes ethniques et religieux». Ce projet législatif, aussi connu comme «loi antiterroriste», avait d'abord été présenté en décembre 2001 à Ottawa. Il a été amendé il y a quelques semaines après les récriminations en matière de respect de la vie privée présentées par des élus et des groupes de pression.
Encore récemment, le solliciteur général, Lawrence McAulay, a dû défendre le projet de loi après que le Commissaire à la protection de la vie privée, George Radwanski, eut critiqué les «pouvoirs extraordinaires» accordés aux policiers.
Karim Benessaieh
Les directeurs de la
police de Montréal ont littéralement passé 90 minutes sur le grill à l'hôtel de
ville hier soir.
Une quinzaine de citoyens
ont monopolisé le micro lors des audiences publiques de la Commission de la
sécurité publique, pendant lesquelles le service de police devait déposer son
bilan pour l'année 2001.
Mais les questions
tournaient autour d'un événement bien plus récent, le comportement des
policiers lors de la manifestation contre le G8, le 26 avril dernier. On avait
alors encerclé la foule de 400 manifestants pendant trois heures, utilisé du
gaz poivre, arrêté 25 personnes et dressé 187 constats d'infraction.
On a également dénoncé le
rapport fallacieux établi par le porte-parole des policiers, le commandant
André Durocher, entre l'arrestation d'un homme armé près des lieux et la manifestation
proprement dite.
«Nous avons dit aux médias
que l'homme avait été arrêté pendant la manifestation, nous n'avons jamais
prétendu qu'il était un manifestant», a précisé M. Durocher, soulevant un
murmure de scepticisme.
Manifestement agacés, le
directeur du SPVM, Michel Sarrazin, et son adjoint Yves Charrette ont répété à
l'envi qu'on avait de bonnes raisons de croire que des méfaits allaient être
commis, des «informations internes» révélant la présence de manifestants armés
de frondes, de billes d'acier, de bidons d'essence et de boules de billard.
«Parmi les groupes
présents, certains étaient connus de la police pour avoir organisé des
événements qui avaient dégénéré», a plaidé M. Charette.
«Nos expériences nous
montrent qu'on ne peut pas laisser ces manifestations sans contrôle: des
éléments s'échappent et commettent des méfaits», a ajouté M. Sarrazin.
Divers porte-parole de
groupes militants ou d'observateurs comme la Ligue des droits et libertés du
Québec ont dit craindre que le comportement policier ne restreigne sérieusement
la liberté de manifester.
«Si je dois connaître
tous ceux avec qui je vais manifester, pour être sûre qu'ils n'apportent rien
d'illégal avec eux, je suis mieux de rester chez moi...», a commenté une
militante.
«C'est votre choix,
madame, d'aller ou non manifester avec ces gens», a répondu le président de la
Commission, Peter Yeomans, qui a paru à quelques reprises excédé par cette charge
en règle contre la police.
Après avoir rappelé qu'il
avait lui-même participé à des manifestations dans sa jeunesse, il a défendu le
SPVM.
«Quand on a appris que
des armes offensives se trouvaient dans la foule, ça n'a pas été très bien
perçu par la population: ce n'est pas la façon québécoise de manifester, et ça
met la police dans une position difficile. Il faut s'assurer que les manifestations
ne deviennent pas des confrontations.»
Frustrés et insatisfaits
des réponses, les citoyens ont demandé en vain une commission spéciale sur le
sujet, estimant que de graves irrégularités avaient entaché le travail des
policiers.
Ainsi, plusieurs n'auraient
pas porté de numéro dematricule et aucun ordre de dispersion n'aurait été lancé
avant que les manifestants soient encerclés.
M. Yeomans a finalement
annoncé que, conformément à la demande de la Ligue des droits et libertés, le
maire Gérald Tremblay avait accepté de s'asseoir avec les porte-parole. La date
de réunion devrait leur être communiquée dans les prochaines heures.
Caroline Montpetit
On le connaît pour ses romans pleins
de musique et de poésie: Novecento, pianiste, Soie, City. Rapidement montés sur
la liste des meilleurs ventes, ils ont fait de lui un jeune auteur riche,
célèbre et branché. Son dernier livre, Next,
est, comme City, coiffé de quatre lettres et porte un nom anglais. Mais à 44
ans, l'écrivain italien Alessandro Baricco a pour un moment changé de cap.
Contre toute attente, il signe en effet, cette fois-ci, un court essai sur la
mondialisation.
Alessandro Baricco, l'écrivain. |
Next, c'est un peu une
question, une interrogation sur le monde à venir, le monde global. L'idée est
venue à l'écrivain lors du Sommet du G8, à Gênes, l'été dernier.
«Ce qui m'avait surtout surpris, lors
de ce sommet, c'est de m'apercevoir tout d'un coup que je savais si peu de
choses à ce sujet», a dit l'intéressé, joint à Turin, où il habite, pour un
entretien.
Pour ce faire, donc, Baricco a pris
la position du naïf, de l'homme candide et ouvert. D'abord, il se demande
quelle est cette mondialisation dont on parle tant. «On utilise le mot
"mondialisation" pour nommer des choses différentes», dit-il.
Pour ce faire, il a demandé aux gens
de son entourage de lui donner des exemples de ce qu'est, pour eux, la
mondialisation. Puis, il a remis en question la véracité de certains faits
tenus pour acquis de façon automatique par de nombreux opposants à la
mondialisation.
«Se demander si les choses sont
vraies avant de se demander ce que nous en pensons est un exercice qui finit
par paraître ingénu tant il est passé de mode», écrit-il. Il remet donc en
question certaines certitudes en vogue : le fait, par exemple, que les
voitures sont toutes faites de pièces provenant de différents pays du monde, le
fait qu'on trouve du Coca-Cola, des Nike et des Marlboro aux quatre coins de la
planète, ou encore le fait que les moines tibétains surfent désormais, comme
tout le monde, sur Internet.
L'entreprise était ambitieuse,
l'auteur s'en est rendu compte en cours de route. Ces cent pages ne permettront
évidemment pas d'aller au fond d'un sujet aussi complexe.
Baricco déboute cependant ces trois
exemples, affirmant que la Fiat vendue en Italie est presque toute construite
dans ce pays, qu'un fort pourcentage d'Indiens de l'Inde ne boivent pas de
Coca-Cola (puisqu'ils n'en ont pas les moyens) et que les moines tibétains
n'ont aucune vitrine sur Internet. Par ailleurs, il souligne que la
«globalisation», comme on l'appelle, est survenue essentiellement dans un
Occident en paix. Et, afin de préciser que les lois économiques ne sont pas
nées hier matin, il ajoute que même Beethoven répondait entre autres à des
impératifs économiques lorsqu'il écrivait de la musique.
Ce faisant, l'écrivain n'encense pas
pour autant le discours des tenants de la mondialisation. Il fait par exemple
cette observation sur les zones franches, ces endroits où on peut produire et
vendre en ne respectant pratiquement aucune règle, que celle-ci soit d'ordre
environnemental, syndical ou fiscal. «Aujourd'hui, constate Baricco, 27
millions de personnes travaillent dans ces "zones franches". C'est
énorme. [...] Il ne faut surtout pas oublier qu'elles sont là pour rappeler
quelque chose de plus dérangeant : la globalisation se fait là où il est
possible de "jouer dur". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le
projet de la globalisation est né précisément quand, en Occident, nous avons
commencé à tendre vers une dérégulation généralisée qui laisserait les mains
libres aux investisseurs.»
En entretien, Baricco avoue aussi que
l'extrême globalisation survenue après le 11 septembre, à travers un discours
étatique répétant, essentiellement, «nous sommes tous avec les Américains», lui
fait un peu peur. «Je ne connais pas d'exemples semblables dans l'histoire,
dit-il. C'était une répétition pour la globalisation.»
Le livre ne tranche donc pas entre
les partisans et les opposants de la mondialisation. Il peut cependant indiquer
une voie nuancée pour poursuivre la réflexion.
«Je n'ai pas peur d'un monde qui a
ses contradictions, ajoute-t-il. [...] Cela veut dire qu'il y a un système en
place mais qu'il y a aussi des moyens de s'en échapper.»
La rédaction de cet essai ne s'est
pas faite sans peine. Baricco dit d'ailleurs avoir passé beaucoup de temps à
écrire ces quelque cent pages. «C'était ma façon d'habiter le débat collectif.»
S'il l'a fait, lui qui a déjà écrit
un essai intitulé L'Âme de Hegel et les vaches du Wisconsin, portant sur la
musique et la philosophie, c'est aussi parce qu'il se sentait insatisfait du
travail fait par les journalistes sur la mondialisation. Dans son essai, il
exprime par exemple le fait que trop peu de journalistes se rendent sur le
terrain pour vérifier les conditions de travail dans les usines exploitées par
les compagnies Levi's ou Nike. Il y a une trop grande disparité, dit-il, entre
les données sur la mondialisation que l'on tient pour acquises et celles que
l'on vérifie.
Ce travail journalistique, Baricco en
a mesuré la difficulté. Mais sa démarche, qui est aussi une démarche
philosophique, lui a permis d'avancer un peu dans sa réflexion. Aujourd'hui, il
affirme qu'il faudrait mettre en place une «mondialisation plus humaine» et que
cette mondialisation ne doit pas rester exclusivement entre les mains des
banquiers.
Et en attendant que le monde change,
l'écrivain est retourné au roman. Sa prochaine oeuvre, qui devrait d'ailleurs
fort bien se vendre, devrait paraître cet automne en Italie.
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Alessandro Baricco
Albin Michel
Paris, 2002, 105 pages